Sargon
353 pages
Français
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Description

Fils d'une Grande Prêtresse, Sargon est recueilli sur les bords de l'Euphrate par Aqqi, le jardinier. Nous sommes en 2350 avant Jésus-Christ, et les dieux summériens veillent déjà sur cet enfant voué à un incroyable destin. Devenu officier du roi Kish, il découvre la société mésopotamienne : ses combats sanglants entre cités rivales, ses rituels sacrés et sa sexualité débridée. Après avoir bravé de multiples dangers, Sargon réalise ses ambitions et ses rêves de gloire. Intrigues, trahisons et complots jalonneront son existence.

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Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 139
EAN13 9782296256347
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

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Roman historique Collection dirigée par Maguy Albet  
René LENOIR,Orages désirés, 2010. Philippe CASASSUS,Philippe, le roi amoureux, 2010. JeanClaude FAUVEAU,Joséphine, l’impératrice créole, 2009.Roger BOUCHAUD,L’homme du Sahel, 2009. Tristan CHALON,L’hommeoiseau de l’île de Pâques, 2009. Danièle ROTH,Marie Roland, Sophie Grandchamp : deux femmes sous la Révolution, 2009.Luce STIERS,En route vers le Nouveau Monde. Histoire d’une colonie à New York au 17° siècle, 2009. Michel FRANÇOISTHIVIND,Agnès de France. Impératrice de Constantinople, 2009. Petru ANTONI,Corse : de la Pax Romana à Pascal Paoli, 2009. Christophe CHABBERT,La Belle Clotilde. Le crime du comte de Montlédier, 2009. Michèle CAZANOVE,La Geste noire I, La Chanson de Dendera, 2009. Tristan CHALON,Sous le regard d’AmonRê, 2009.Yves CREHALET,L’Inconnu de Tian’Anmen, 2009. JeanEudes HASDENTEUFEL,Chercheur d’or en Patagonie, 2009. Jacques JAUBERT,Moi, Caroline, « marraine » de Musset, 2009. Alexandre PAILLARD,La Diomédée, 2009. Bernard JOUVE,La Dame du MontLiban, 2009. Bernard BACHELOT,Raison d’État, 2009. MarieHélène COTONI,Les Marionnettes de SansSouci, 2009. Aloïs de SAINTSAUVEUR,Philibert Vitry. Un bandit bressan au e XVIIIsiècle, 2009. Tristan CHALON,Une esclave songhaï ou Gao, l’empire perdu, 2009. OLOSUNTA,Le bataillon maudit, 2009. JeanNoël AZE,Cœur de chouan, 2008. JeanChristophe PARISOT,Ce mystérieux Monsieur Chopin, 2008. Paule BECQUAERT,Troubles. Le labyrinthe des âmes, 2008. JeanFrançois LE TEXIER,La dernière charge, 2008.
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CHAPITRE 1
La Grande Prêtresse s’approcha de l’autel, les bras chargés d’offrandes pour la déesse Inanna qu’elle servait et vénérait depuis tant d’années. Tout autour du sanctuaire, de nombreux disciples priaient et récitaient des litanies en hommage à la divinité ; chacun attendant de déposer son présent aux pieds de l’idole. La cérémonie venait de commencer. Un jeune bélier s’apprêtait à être sacrifié en l’honneur d’Inanna. Son sang se répandit sur la table de pierre, tandis 1 que dans l’assemblée des chants liturgiques retentirent. Le Barû extirpa les entrailles de l’animal et leva les bras au ciel en prononçant les paroles sacrées du rituel. L’hymne entonné par les adorateurs de la déesse se fit soudain plus solennel quand des libations furent répandues par deux jeunes novices dont les aubes immaculées semblaient éclairer le chœur de l’édifice. Le culte divin prit fin et bientôt tous les serviteurs désertèrent le temple.  La Grande Prêtresse, prostrée sous une colonne, paraissait en proie à de terribles pensées. Son cœur était à jamais meurtri, mais elle se devait d’obéir et de faire son devoir envers Inanna. Elle se dirigea vers la porte du temple et scruta les alentours, comme si elle redoutait d’être aperçue. Se précipitant à l’extérieur, elle emprunta une ruelle étroite où elle s’engouffra craintivement. Non loin de là, l’attendait Yala, sa servante, un étrange paquet dans les mains.  — Suismoi ! ditelle. Elle grimpa sur le jeune onagre que Yala avait conduit jusqu’ici, suivant les ordres de sa maîtresse. Aussitôt, elle prit le mystérieux ballot dans les bras et s’enfuit au galop, abandonnant la jeune esclave sans se soucier de son air affligé.  Elle arriva bientôt sur les rives de l’Euphrate et apprécia un instant le décor. Aux abords du fleuve, terres verdoyantes et champs cultivés s’étendaient à perte de vue, entrecoupés çà et là de canaux d’irrigation. Plus loin, d’immenses palmeraies égayaient le paysage et dispensaient une bienfaisante
1 Devin.
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fraîcheur. Comme elle aimait ce pays où elle avait trouvé l’amour ! Hélas ! ce bonheur lui était défendu… Brusquement, elle sortit de ses rêveries et son regard se rembrunit. Ce qu’elle s’apprêtait à accomplir la plongeait dans un profond désarroi. Elle écarta doucement les plis du linge recouvrant le fardeau qu’elle tenait dans les mains. Le nourrisson leva les yeux vers sa mère et babilla en agitant ses petits membres potelés. Il ne se plaignait pas et semblait repu. Yala l’avait certainement copieusement nourri avant de rejoindre sa maîtresse. Elle regarda son enfant avec ravissement ; des souvenirs assaillirent sa mémoire et des larmes perlèrent à ses yeux. Elle fut sur le point de renoncer à son projet, mais la raison l’emporta sur les sentiments. Elle ne pouvait élever ellemême ce bébé. Une Grande Prêtresse était vouée corps et âme à sa déesse et cet amour divin ne saurait être partagé. Faillir à son engagement l’exposait à un châtiment sévère. Elle saisit soudain une sorte de panier de roseau flanqué d’un couvercle ajouré, qui pendait au flanc de son onagre aussi docile que robuste, et déposa le bambin à l’intérieur. Elle s’approcha de la berge du fleuve et plaça le panier sur l’eau. Ses mains tremblaient, son corps était secoué par les spasmes des sanglots qui la submergeaient. Le sort en était jeté ! Déjà, l’Euphrate emportait ce petit être qu’elle aimait tant et qu’elle ne reverrait sans doute jamais. Elle ignorait alors quel destin fabuleux attendait son fils.  Bercé par les flots paisibles, le chérubin dormit comme un bienheureux un long moment, voguant au gré de l’onde limpide. Il atteignit les rives d’un village et se réveilla brusquement. Il ouvrit les yeux et se mit à pleurer, sans doute effrayé de se voir prisonnier de cet obscur couffin. À quelques mètres de là, Aqqi, le jardinier était en train de pêcher en rêvant à des jours meilleurs. Attiré par les gémissements du bébé, il arpenta les bords du fleuve et découvrit bien vite d’où provenaient ces cris. Il se pencha, la corbeille était tout près du rivage, il tendit le bras au maximum pour la saisir rapidement. Il ouvrit le couvercle et examina le nouveauné avec attention afin de vérifier son état de santé. Le petit rescapé avait le visage légèrement rouge et bouffi par les plaintes désespérées et rageuses qui exprimaient sa détresse et son anxiété. Aqqi prit le nourrisson dans ses bras et apaisa sa peine avec une telle tendresse que ce dernier finit par se calmer. Quand l’enfant fut totalement rasséréné, le jardinier décida de regagner sa cabane en torchis où l’attendaient sa femme et ses quatre filles. À son arrivée, Amyalena, occupée à filer la laine, ne l’entendit pas s’approcher d’elle.  — Vois ce que le fleuve nous a apporté ! Ce bambin deviendra fort et vigoureux et il m’aidera à cultiver mes terres plus tard quand l’âge m’ôtera mes forces.
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La femme se pencha sur le cabas et souleva délicatement les pièces de tissu qui dissimulaient le bébé. Elle ne put contenir ses larmes. Elle n’avait pas encore fait le deuil de ce fils qu’elle ne pourrait probablement jamais donner à son époux. Au terme d’une grossesse fort éprouvante et d’un accouchement long et douloureux, une fillette ronde et joufflue était née, la quatrième. Amyalena pleura tellement que ses yeux furent tuméfiés pendant plusieurs jours. C’était son ultime chance de concevoir d’après la guérisseuse qui l’assistait, et cela faisait deux ans déjà. Tout espoir de mettre au monde un nouvel enfant, eta fortioride sexe masculin, s’avérait désormais illusoire. L’épouse d’Aqqi leva ce petit être audessus de sa tête et remercia Ninhursag, la mère de toutes les déesses, de ce cadeau inespéré. Les filles arrivèrent à leur tour, poussant des cris d’excitation à la vue de ce nouveau compagnon de jeux.  — Maman ! Maman ! s’exclamèrentelles en chœur. Estce que ce garçon va rester avec nous ? Deviendratil notre frère ?  — Oui, mes douces, et nous l’appellerons Sargon ; le nom que je destinais à mon futur fils.  La vie s’écoulait paisiblement au bord du fleuve. Sargon avait maintenant 15 ans. Il était robuste et aidait Aqqi à cultiver son jardin. Ce dernier possédait des fruits et légumes variés et savoureux : des melons, des pastèques et des figues, ainsi que des pois, des fèves, des courges, des cornichons, des oignons, de l’ail et de belles salades craquantes à souhait. Évidemment, le jardinier ne réservait pas ces récoltes exclusivement à son foyer, d’autant qu’avec la mort d’Amyalena, sa famille ne s’agrandirait plus. Un nouvel accouchement eut raison de ses dernières forces. La sagefemme du village voisin, malgré tout son savoirfaire, ses onguents, ses huiles et ses prières, ne put rien pour les sauver, elle et son enfant. Une fille, une fois encore, dont le petit corps sans vie arracha un dernier cri de douleur et de détresse à sa mère lors de sa délivrance, qui hélas ! arriva bien trop tard. Aqqi était attaché au temple de Kish où on vénérait Zababa, et il devait fournir une partie de sa récolte pour nourrir le personnel de ce lieu sacré ; ce qui lui assurait une protection divine et certains avantages et passedroits. Lors d’une livraison, Aqqi fit la connaissance d’Ukkabû, un jeune prêtre voué au culte de Zababa depuis de nombreuses années. Celuici semblait souffrant ce jourlà. Aqqi aperçu ce dernier adossé à une énorme colonne sculptée de mosaïques précieuses. Il chancelait. Le jardinier s’approcha de lui :  — Estu malade, Maître ?  — Que faistu ici ? Le scribe doit t’attendre pour enregistrer tes marchandises sur ses tablettes d’argile. Va ! Les offrandes ne sont pas assez 2 importantes. Les Anoukkis sont furieux. Ils ont envoyé Namtar, le dieu de la
2 Vieux dieux sumériens.
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peste pour nous punir et nous détruire. Je souffre terriblement ; sa colère s’est abattue sur moi et je vais bientôt mourir. 3  — Maître, je connais une femme, une sâ’iltu qui sait fabriquer des cataplasmes pour chasser le mal à partir de potions dont elle seule détient le secret. Elle a aussi le pouvoir d’exorciser le démon par des prières et des 4 manipulations ; un don transmis par un namburdû rattaché au temple d’Umma. Si vous me permettiez, toi et tes frères de vous conduire jusqu’à son refuge…  — Ereshkigal s’est manifestée à moi ! s’écria Ukkabû, interrompant Aqqi, sans lui laisser le temps de dévoiler le repère de la guérisseuse. Elle m’emportera avec elle en enfer où elle règne sans pitié depuis toujours. Toi et ta sorcière ne pouvez plus rien pour mon salut.  Soudain, un spasme d’une intense violence lui coupa le souffle et il s’écroula au pied de la colonne en émettant un râle rauque et lugubre, annonciateur d’une fin imminente. Aqqi semblait terrorisé. Le prêtre avait probablement raison : Ereshkigal accomplissait sa sentence. Aussitôt, plusieurs esclaves accoururent, alertés par les gémissements de la victime. Ils transportèrent le malheureux dans ses appartements et mandatèrent un médecin à son chevet. Le praticien délégué aux côtés du souffrant prépara une formule à base de peaux et de carapaces broyées de divers reptiles. Purifié et réduit en poudre, cet onguent fut mélangé à de la racine de myrte concassée grossièrement. Une pommade malodorante, mais dont l’efficacité avait maintes fois fait ses preuves. Le guérisseur badigeonna le ventre du prêtre, insistant sur les parties les plus douloureuses. Entretemps, Aqqi avait rejoint la réserve du temple où un scribe très affairé enregistrait les quantités de denrées sur une tablette d’argile, tandis que des esclaves entreposaient des jarres pleines de céréales et de dattes sous le contrôle rigoureux d’un haut dignitaire. Aqqi s’approcha de l’homme barbu et austère qui surveillait les allées et venues des domestiques.  — Honorable Maître ! J’apporte des légumes et des fruits frais pour les offrandes à Zababa. Ukkabû m’a informé de la fâcheuse pénurie qui vous accable actuellement. Veuxtu vérifier la pureté de cette marchandise ?  L’homme souleva un regard méprisant sur Aqqi, comme s’il jugeait ce dernier indigne de cette charge. Il regarda les aliments et se montra réticent quant à la fraîcheur des produits.  — Tes légumes semblent déjà bien avancés !  Au même moment, un baril plein de dattes se brisa sur le sol dans un fracas retentissant. Le jeune esclave responsable de ce méfait paraissait épouvanté par l’acte malencontreux qu’il venait d’accomplir.  — Honte à toi, vermine ! Cette nourriture est impure à présent. Tu seras puni pour cela !
3 Sorcière. 4 Exorciste.
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Sur ces paroles, deux hommes vigoureux, des anciens eunuques devenus gardiens du temple, empoignèrent le misérable et l’entraînèrent sans ménagement jusqu’aux portes du sanctuaire. Ils attachèrent les poignets du garçon à une colonne de l’édifice. Celuici suppliait en invoquant Anou, le dieu des dieux, père d’Inanna, de bien vouloir lui pardonner. Mais aucune main divine et secourable n’arrêta l’implacable sentence. Les coups de fouet s’abattirent sur le corps du pauvre serviteur avec une incroyable vigueur. Bientôt, il fut en sang, des lambeaux de peau et de chair lacérées s’arrachèrent de son dos meurtri. Des cris de douleur et de désespoir résonnèrent alors dans toute la ville. Attiré par ces lamentations, le peuple de Kish s’était regroupé autour des grilles du temple pour assister au supplice. Certains priaient, horrifiés par ce spectacle répugnant, d’autres criaient et tapaient dans leurs mains comme s’ils se réjouissaient de la cruauté de cette scène. Soudain, les deux tortionnaires mirent fin à la torture et détachèrent l’esclave qui s’effondra sur le sol en gémissant faiblement. Ils l’emportèrent à l’intérieur du bâtiment au moment même où Aqqi s’en retournait. Son air épouvanté ne troubla pas les Nubiens dont les visages sévères n’exprimaient aucune pitié.  Quand Aqqi fut de retour dans son petit village, il fit le récit de cette tragique histoire à Sargon. Ce dernier, nullement apeuré, tenta de persuader son père de l’emmener avec lui lors de son prochain voyage à Kish.  — Le voyage sera long et éprouvant, mon fils. Je te trouve bien jeune pour une telle expédition !  — Je te serais pourtant utile, mon père ! Nous pourrions transporter plus de marchandises en utilisant deux mulets.  — De quel autre mulet veuxtu parler ?  — Celui d’Anikou, le berger.  — Mais il ne vient ici que deux fois par an afin d’échanger quelques plants de légumes et des paniers de fruits contre un agneau de son troupeau.  — Justement, il ne devrait plus tarder. Cela fait longtemps qu’il ne nous a pas rendu visite.  — Il aura besoin de son mulet pour emporter nos denrées chez lui, dans la steppe.  — Il acceptera sûrement de rester quelque temps en compagnie des filles, il veillera sur elles et entretiendra nos cultures jusqu’à notre retour. Il est comme un frère pour moi et il te respecte beaucoup, père.  — Bien ! Si ces conditions conviennent à Anikou, tu pourras m’accompagner.  — Je suis persuadé qu’il sera ravi de nous rendre service. Il confiera son bétail à son oncle qui en prendra le plus grand soin durant son absence.
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 Deux mois s’écoulèrent.  Les récoltes, en cette fin d’été, étaient très abondantes. Les corvées d’arrosage ne cessaient de se multiplier tant la saison avait été chaude et sèche. Sargon ne se plaignait jamais de l’aide qu’il apportait à son père. Bientôt, il partirait pour Kish ! Anikou était arrivé hier et il se reposait de son voyage dans une hutte de roseaux construite par Sargon, pour entreposer le matériel nécessaire à la culture du jardin et à la pratique de la pêche. L’Euphrate offrait du poisson en abondance et les repas étaient bien souvent constitués des espèces diverses qu’Aqqi et Sargon pêchaient au petit matin, quand la fraîcheur régnait encore.  Emelehanna s’approcha de Sargon, occupé à remplir des paniers de fruits destinés au temple.  — Pourquoi père t’atil choisi pour l’accompagner à Kish ? Je pourrais y aller aussi, je suis sa vraie fille, moi !  Sargon reçut la remarque comme une gifle cinglante en plein visage. Il ne s’attendait pas à tant de ressentiment de la part de sa sœur adoptive.  Il répondit froidement :  — Tu es une fille, et ton rôle est de rester ici pour filer et tisser la laine, préparer les repas et accomplir les tâches quotidiennes au sein du foyer. D’autant qu’Anikou sera notre hôte pendant un moment. Il est notre bienfaiteur. Sans lui et son mulet, nous ne pourrions transporter autant de marchandises au temple. Les dieux nous protégeront toute l’année et les prêtres nous seront reconnaissants.
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