Six Années à l île Bourbon
92 pages
Français

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Six Années à l'île Bourbon , livre ebook

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Description

Nous n’aperçûmes la ville que quand nous y fîmes notre entrée, car, située sur le penchant de deux collines, elle se dérobe à l’œil du voyageur qui la cherche. Elle se déploie sur les deux rives de la Penfeld, qui forme son beau port. Brest est à sa gauche, Recouvrance à sa droite. Les deux versants sont coupés par trois vallons ; celui de la Villeneuve, où l’on voit le bassin creusé à l’entrée du port, se prolonge vers la place de la Tour-d’Auvergne ; les rues, tracées d’après les plans de Vauban, sont d’un grand effet.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
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EAN13 9782346087419
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Un coup de mer vient assaillir le bâtiment. (Page 7.)
Abbé Macquet
Six Années à l'île Bourbon
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER
ARRIVÉE A BREST. EMBARQUEMENT. — TEMPÊTE
Nous n’aperçûmes la ville que quand nous y fîmes notre entrée, car, située sur le penchant de deux collines, elle se dérobe à l’œil du voyageur qui la cherche. Elle se déploie sur les deux rives de la Penfeld, qui forme son beau port. Brest est à sa gauche, Recouvrance à sa droite. Les deux versants sont coupés par trois vallons ; celui de la Villeneuve, où l’on voit le bassin creusé à l’entrée du port, se prolonge vers la place de la Tour-d’Auvergne ; les rues, tracées d’après les plans de Vauban, sont d’un grand effet. Le second vallon, du côté de Recouvrance, également sinueux, est plus petit. Le troisième est celui où coule la rivière de Kérinou, qui se jette dans le port à la Tonnellerie.
Renseignés sur l’aspect général de la ville, nous nous dirigeâmes vers l’orphelinat, où nous étions attendus. C’est l’hôtel de tous les missionnaires en partance pour les divers points du monde. Qu’il était bon de retrouver sa cellule du séminaire, et, en outre, de saintes religieuses pour nous recevoir. Cela semblait encore meilleur, après un voyage de trois nuits et deux jours en diligence.
Le lendemain de notre arrivée, mes confrères visitèrent la ville ; moi, je reposais tranquillement, lorsqu’on frappa à ma porte : c’était l’aumônier de l’hôpital maritime qui venait me prier de lui rendre le service de le remplacer pendant son mois de vacances. Je me mis aussitôt à sa disposition ; je le suivis, il m’installa dans sa chambre, m’en remit la clef avec tous ses pouvoirs. Mes fonctions consistaient à célébrer les offices, à visiter les malades deux fois par jour, moyennant la chambre, la table, le chauffage et l’éclairage. Le service était fait par les sœurs de la Sagesse.
La bonne sœur, qui était pour moi la Marthe de l’Évangile, me conduisit un jour à la fenêtre, et, me montrant les degrés qui conduisent à la cuisine : « Vous voyez, me dit-elle, ces pas : eh bien, ils sont encore rouges du sang d’une de nos sœurs. Le chef de cuisine, pour se venger d’une réprimande, la saisit par les cheveux et la décapita ; le service de l’hôpital était alors fait par les forçats.
Il fut exécuté le lendemain ; mais quelle scène tragique ! Le fatal instrument est dressé au haut de l’Esplanade ; trois mille forçats sont échelonnés sur les degrés, genoux en terre, leur bonnet jaune à la main ; le condamné est promené dans leurs rangs, le canon sonne le glas, les trompettes marines jettent leurs notes lugubres au vent ; sur la plate-forme, les tambours battent et annoncent que la tête est tombée. Ce récit m’impressionna : Oh ! ma sœur, m’écriai-je, au milieu de quel monde vivez-vous ? — Rassurez-vous, monsieur l’abbé, c’est une exception séculaire ; généralement, nos pensionnaires sont plus dociles et plus polis.
Un certain jour, entra chez moi mon meilleur ami, Antoine Daveluy, le futur martyr ; il venait m’annoncer son départ avec moi sur l’Archimède. Quelle joie pour l’un et pour l’autre, nous avions vécu ensemble au séminaire à Paris : maintenant sur l’Océan, pour se séparer à quatre mille lieues et ne se revoir jamais !
L’ordre d’embarquement arrive enfin ; quelle heure solennelle : rompre tous les liens avec la mère patrie, pour se diriger vers des pays inconnus ! Nous sommes au nombre de huit missionnaires. Quelle vie aventureuse que la vie maritime ! Vous en jugerez par le récit suivant. Je montai à bord de l’ Archimède le 20 février 1843. Il était huit heures ; nous nous mîmes à table, prévoyant qu’il fallait déjeuner et dîner pour les jours subséquents ; mais le bâtiment fait un mouvement sur lui-même ; sa cheminée obscurcit le ciel ; le canon gronde, la terre répond ; l’onde écume et se brise à la proue ; la terre de Brest nous fuit. Ma contenance est ferme ; je me promène d’un pas rapide sur le pont, mais je m’efforce en vain de braver le fâcheux élément.
Cependant c’est l’heure du repos, mais je n’en peux prendre ; la nuit est terrible. A cinq heures, je me traîne sur le pont ; il fait un vent affreux ; les flots montent et descendent à donner le vertige. La pluie tombe à torrents ; la corvette craque et se tord comme un serpent ; nous roulons tous de bâbord à tribord. Dieu ! quel noviciat ! Il fallut cependant passer huit jours ainsi ; nous faisions un demi-nœud à l’heure ; deux fois on vire le bord, et il est question de retourner à Brest : si l’on eût effectué ce projet, on eût pu dire : Mare vidit et fugit !
Cependant nous sommes bien mal : figurez-vous un petit carré grand comme une chambrette ; là sont entassées dix-huit à vingt malles ; autour de ce carré sont suspendues des armures ; la chaudière est adossée à l’une de ces parois ; par ce carré on descend à la cale : là est notre salon, notre dortoir ; les uns couchent suspendus dans un hamac ; d’autres par terre, d’autres sur des malles. Le dos rompu, je suis étouffé par la vapeur ; non, je ne reste pas ici ; je prends mon matelas et ma couverture, je me réfugie dans le salon du commandant en cet accoutrement ; je m’étends près d’un de mes confrères, aux yeux morts, à la figure blême ; je m’endors enfin au bruit de la tourmente.
Je me réveillai bientôt plus malheureux encore ; l’eau ruisselait à flots dans le salon ; j’émigre cette fois dans le salon des officiers ; là ma position est un peu meilleure ; je pense pouvoir prendre un peu de repos ; ah ! le repos, il n’y en a guère pendant la tempête, car un coup de mer vient assaillir le bâtiment en nous enlevant chaloupes, bastingages et mât de beaupré ; nous pensions sombrer ; et c’est à cette heure solennelle que mon ami Antoine Daveluy, la figure sereine et souriante, entonne le cantique : Je mets ma confiance, que nous accompagnons tous, missionnaires, officiers et marins.
Nous sommes enfin sortis du terrible golfe de Gascogne. La mer abaisse ses vagues ; sa surface devient plus unie ; le vent tourne et nous pousse en avant ; le ciel reprend sa couleur d’azur ; le soleil chasse devant lui les nuages paresseux. Le cœur est plus gaillard. Oh ! que la joie est douce après la souffrance ! Que le calme a d’attraits après la tempête ! Il y a là des émotions qu’on ne peut rendre. Poussés par un vent favorable, nous sommes en vue de Cadix, au bout de trois jours. Dans ce port, nous allons réparer nos avaries que l’équipage estime devoir atteindre dix mille francs.
CHAPITRE II
UN COIN DÉLICIEUX DE L’ESPAGNE. — AU PAYS DES MADONES
Avant de mettre pied à terre, je me retourne vers la France pour lui dire un dernier adieu et mesurer la route si péniblement parcourue. Là-bas, m’apparaît encore la mâle et fière Bretagne qui donna le jour à Chateaubriand, Lamennais, Brizeux, etc. ; je vois encore les bruyères où ils prenaient leurs ébats. Et puis se dressent devant moi, comme d’inaccessibles murailles, ses côtes si sévères. La nature a voulu sans doute proportionner la force de résistance aux atteintes continuelles des vagues. L’aspect tourmenté du rivage, ses effrayantes déchirures, ses nombreuses pointes de terre minées de toutes parts, sa ceinture d’âpres rochers présentent le spectacle le plus imposant, le plus sauvage et le plus mélancolique. C’est sur cette terre de fer que sont situés la

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