Le bal des disparus
69 pages
Français

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Description

Monseigneur, un étrange personnage toujours flanqué de son berger allemand et qui fait parfois office de « consultant » pour la police découvre, dans la rue, une écharpe de luxe encore dans son écrin à l’effigie de la boutique dans laquelle elle a été achetée.


Désireux de restituer l’étole à sa propriétaire, Monseigneur, grâce à la vendeuse du magasin, est renseigné sur le nom et l’adresse de l’acquéreur chez qui il se rend illico.


Sur place, un riche homme lui explique que le cadeau était destiné à sa maîtresse et que celle-ci lui a faussé compagnie la veille au soir, vers le Panthéon, sans, depuis, donner de nouvelles.


Dans les bureaux du commissaire Bellavent, auprès de qui il espérait obtenir de l’aide, il apprend qu’une marquise s’est évaporée l’avant-veille, dans les mêmes environs.


Très rapidement, la disparition d’un ancien chimiste, dans le quartier fatidique, ne laisse plus aucun doute sur l’aspect criminel de l’affaire...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782373474107
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Monseigneur et son « clebs » - 6 -
L EBALDES DISP ARUS
De Marcel PRIOLLET
I
Les deux hommes, traînant le pas et débouchant on n e sait d’où, traversaient la petite place de l’Estrapade, noyée d’ombre. Les réverbères éclairaient mal. Pas une étoile, dans le ciel de ma rs. Dix heures sonnaient à Saint-Étienne-du-Mont.
C’étaient, ces hommes, de ces rôdeurs qui semblent attendre la tombée des ténèbres pour quitter leur tanière et se mettre en quête d’un mauvais coup.
— Vise donc ! fit l’un, soudainement stoppé.
Il avait eu le regard attiré par une tache blanche, sur l’asphalte du terre-plein.
— Une trouvaille ? fit l’autre.
— Plutôt !
La « trouvaille » était un carton rectangulaire et plat, soigneusement ficelé d’un bolduc bleu. Le tout semblait élégant, précieu x, quelque peu insolite.
Le geste fut prompt, qui fit passer l’objet dans le s mains du lascar. Mais son compagnon :
— Planque ça sous tes fringues. Y a un mec, là-bas, sur le banc. Il a pu voir...
— Penses-tu ! Y roupille...
— Pas sûr !
Ils s’éloignèrent, faisant un crochet pour éviter l e banc où, en effet, un troisième personnage se tenait assis, si immobile q u’il eût pu ne pas attirer l’attention.
Qui était-il, celui-là ? Un clochard épris de liber té et dédaignant l’asile de nuit ? Un ivrogne cuvant son vin ? Un amoureux rêva nt à sa belle ? Un poète ou un artiste savourant l’heure violette, créatrice d’ inspiration ? Toutes les suppositions étaient permises.
Une fois atteint l’angle de la rue des Irlandais, l es deux premiers ralentirent et leur colloque reprit. Il n’était encore question que du paquet trouvé sur le sol.
— Ça sent bon...
— Une poule chic qui l’aura laissé tomber...
— Pas bien lourd, en tout cas !
— Ouvre !
Des doigts maigres, aux ongles noirs, firent sauter le bolduc. Le carton ouvert, ils froissèrent un papier de soie qui envel oppait quelque chose de souple.
Mais à ce moment, une voix, tout près, réclama :
— On peut jeter un coup d’œil aussi ?
L’événement redouté se produisait. C’était bien le faux dormeur du banc qui intervenait. Il avait dû voir la scène, puis s’avan cer à pas de loup. Sa curiosité n’était-elle vraiment que de la curiosité ? N’allai t-il pas réclamer sa part du butin. Si butin il y avait...
Ils étaient deux contre un. Ils le firent sentir dè s la première réplique :
— De quoi que tu te mêles ?
— Je vous ai vu ramasser ce carton. Il ne vous appa rtient pas.
Le second rôdeur se fit doucereux :
— Comme vous dites, monsieur. Et on allait justemen t le porter à la police.
— Le poste de police est place du Panthéon. Vous lu i tournez le dos.
— Et puis après ?
Deux tendances se manifestaient chez les nouveaux p ropriétaires du paquet. L’un était prêt à se bagarrer. L’autre cons entait à parlementer. Sans doute avait-il jugé que l’importun n’avait pas l’ai r commode, qu’il était d’une taille supérieure à la moyenne et devait posséder une soli de musculature.
Mais celui-ci perdait déjà patience. Il gronda :
— Pas d’histoires ! Donnez-moi ça...
Bien imprudent fut alors celui des deux escarpes qu i, serrant le poing, s’apprêta à le détendre. Il n’eut pas le temps d’ac hever son geste, ni même la possibilité d’attendre un secours quelconque de la part de son compagnon.
Ayant paré le coup, l’homme de la place de l’Estrap ade usa de ses deux mains pour les saisir au collet, l’un et l’autre. S ans effort apparent, il les secoua rudement, les entrechoqua, puis les rejeta, le prem ier contre le mur voisin, le second au beau milieu de la rue. Et pour comble de malchance, voici que surgissait un énorme chien qui, aboyant et montrant les crocs, se mettait dans le camp de l’énergumène.
Les autres détalèrent. L’ombre les happa.
Le vainqueur, demeuré sur place, rappela le chien q ui, lui, se disposait déjà à la poursuite.
— Ici, Diabolo ! Ça ne vaut pas la peine...
La bête — un magnifique berger allemand, à la robe beige — obéit.
Et la trouvaille ?
Comme un trophée abandonné, elle était maintenant a ux mains de l’homme étrange qui, par cette aigre nuit d’avant-printemps , avait éprouvé le besoin de venir rêvasser dans l’obscure solitude de la montag ne Sainte-Geneviève.
À son tour, il examinait l’élégant carton. Sur le c ouvercle, il pouvait lire, en lettres d’or :
LILI ET LILETTE Frivolités 9 bis, rue Royale — Paris
Et c’était bien une frivolité que libérait le papie r de soie. Il s’agissait d’une grande écharpe en crêpe de Chine, rose et bleue, or née de dessins très modernes, peints à la main. Elle n’avait dû jamais servir. Elle arrivait directement des ateliers de Lili et Lilette. C’était doux au to ucher, agréable à l’œil, évocateur d’épaules rondes et de cou gracile.
L’homme se mit à rire et prit son chien à témoin :
— Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse de cette fanfre luche ? Si je te la donnais pour jouer, tu n’en ferais qu’une bouchée. Ce serait dommage ! Et puis, la petite dame qui l’a perdue doit être bien embêté e. Il faut la rendre, vois-tu...
Le carton sous le bras, le gaillard s’achemina vers la place du Panthéon. Mais quand il n’eut plus que quelques pas à faire p our aborder l’agent de garde à la porte du poste de police, il se ravisa.
À grands pas et toujours escorté du berger, il desc endit la rue Saint-Jacques, atteignit le boulevard Saint-Germain, puis la rue de la Harpe où il disparut dans une vieille maison à façade hautaine.
lle M Jacqueline — première vendeuse chez Lili et Lilett e, rue Royale — accueillit d’un sourire étonné, le lendemain matin, l’homme qui franchit le premier le seuil du magasin.
Elle doutait fort de se trouver en présence d’un cl ient. Les clients, les vrais, ne se présentaient pas de si bonne heure. Ils n’arb oraient pas non plus cette tenue négligée, qui consistait en un pantalon et un e vareuse de velours à côtes, couleur de bronze, le tout portant la marque de lon gs états de service.
Mais la vendeuse devait convenir que ce personnage, malgré son débraillé, ne manquait pas d’allure. Charpenté en athlète, il avait des traits bien modelés, un beau regard bleu et une grosse moustache blonde aux pointes tombantes
qui, pour être démodée, lui conférait une indicible majesté. Il respirait la bonne santé, au physique comme au moral. La voix, enfin, avec ses sonorités de métal, caressait le tympan beaucoup plus qu’elle ne le heurtait.
lle Ce fut cette voix qui, posément, expliqua la chose. Et M Jacqueline, contemplant la somptueuse écharpe que l’autre venai t d’exhiber, n’attendait pas la fin du discours pour s’exclamer :
— En effet, ce modèle vient bien de chez nous. C’es t une pièce unique, très belle. Je l’avais vivement conseillée à ce monsieur , puisqu’il s’agissait d’une personne blonde. Le rose et le bleu, n’est-ce pas, pour une blonde...
— Quelle est cette blonde ?
— Je ne sais pas. C’était un cadeau que ce monsieur...
— Qui est ce monsieur ?
— Un bon client. Nous le voyons assez souvent ici.
— Son nom ? Son adresse ?
— Je n’ai pas le droit de vous renseigner.
— Secret professionnel ?
— Comme vous dites.
— Dommage !
Dédaignant cette fois le papier de soie et le carto n, l’homme enfouit l’écharpe dans une des vastes poches de son veston. Il parut prêt à se retirer. La vendeuse, le retenant, suggéra :
— Nous pourrions nous charger de prévenir notre cli ent. Il est très généreux. Nous ferions en sorte que vous ayez votre petite ré compense...
— Vous êtes bien bonne !
Il semblait choqué. On pouvait supposer qu’il allai t rompre l’entretien. Mais il changea soudain d’attitude et, s’installant dans un fauteuil :
— Vous avez devant vous, mademoiselle, ce qu’on est convenu d’appeler un drôle de type. Quand j’ai une idée dans la caboc he, c’est le diable pour m’en faire démordre. J’ai donc décidé de rendre cette éc harpe à la personne qui l’a perdue, de la lui rendre en mains propres. J’adore l’Aventure, l’Aventure avec un A majuscule. L’occasion d’en ajouter une à ma colle ction m’est offerte. Je ne la lâcherai pas. Songez que pour entrer en possession de cette frivolité, comme vous dites, j’ai dû infliger une correction à deux mauvais garçons qui se seraient bien gardés, eux, de faire auprès de vous la démarc he qui m’amène aujourd’hui. Et j’irais renoncer à donner une suite à ce prologu e ? Jamais de la vie ! Allons... dépêchez-vous... Soyez chic ! Dans le fond, vous se riez désolée de me voir
repartir. Donnez- moi le nom et l’adresse. Faites v ite ! Mon « clebs » s’ennuie, à la porte...
— Votre... quoi ? fit la vendeuse, en ouvrant des y eux ronds.
— Mon cabot, si vous aimez mieux. Je l’ai laissé de hors, afin qu’il ne salisse pas vos tapis. C’est gentil, ça, hein ? À votre tou r, soyez gentille...
lle M Jacqueline restait hésitante.
— Je ne sais vraiment pas si je dois... D’abord, qu i êtes-vous au juste ?
— Joachim Monseigneur...
— Oh !
est
mon
nom.
Mais
on
m’appelle
plus
commu nément
La vendeuse était subitement transfigurée, comme sa isie d’admiration.
— Monseigneur ! Je me souviens... J’ai un cousin da ns la police. Il m’a parlé de vous et de votre chien. Il m’a dit que vous étie z un homme terrible et que les malfaiteurs n’avaient qu’à bien se tenir avec vous. Il paraît que vous avez déjà été mêlé à plusieurs affaires...
— Votre cousin est un petit bavard, mademoiselle. M ais je lui pardonne, car il a une cousine ravissante, très obligeante aussi, et qui...
lle M Jacqueline ne permit pas à Monseigneur d’insister davantage. Elle courut vers la caisse, ouvrit un registre, le compu lsa et révéla :
— Notre client est M. Thiollay, gérant d’immeubles, 117, rue de Rivoli. C’est l’adresse de ses bureaux. C’est là, le plus souvent , qu’il se fait livrer ce qu’il achète. Nous ignorons son adresse personnelle. Voul ez-vous le numéro de téléphone ?
— Inutile ! M. Thiollay a droit à ma visite. Il l’a ura.
Se levant et avec un geste large, le pittoresque pe rsonnage ajouta :
— C’est l’Aventure qui continue !
Il riait de bon cœur. Il avait un enjouement d’enfa nt, qui le différenciait totalement de l’homme qu’il avait été, hier soir, à l’angle de la rue des Irlandais. Puis il exprima un regret :
— J’aurais préféré avoir affaire à l’élégante dame à qui l’écharpe était destinée…
lle — Ça viendra peut-être ! riposta M Jacqueline, la prunelle émerillonnée.
Sur quoi, reconduisant son visiteur jusqu’à la porte, elle souhaita :
— Bonne chance, Monseigneur !
Chauve, un peu bedonnant, mais de haute taille, élé gant et portant beau, M. Thiollay était occupé à dicter du courrier à sa secrétaire.
On frappa. Une employée entra.
— Il y a là un monsieur qui...
— Son nom ?
— Joachim.
— C’est un prénom, ça.
— Il n’a rien dit d’autre. Il affirme qu’il vient p our une chose importante. Il a un chien avec lui...
Le gérant d’immeubles était un homme important. Il défendait jalousement sa porte contre les solliciteurs. Et ceux-ci étaien t nombreux à une époque où tant de gens cherchent à se loger.
— Dites à ce monsieur d’exposer sa demande par écri t et...
Trop tard ! Joachim apparaissait. Son chien aussi.
Il s’avança jusqu’au bureau, plongea la main dans s a poche et posa devant M. Thiollay l’écharpe rose et bleue.
— Voilà ! fit-il. J’ai trouvé cette babiole. Je vou s la rapporte...
Le regard de l’homme d’affaires alla du visiteur à l’écharpe à la secrétaire, qui avait un sourire en coin.
— Laissez-nous, mademoiselle !
l’écharpe, puis de
La dactylo obéit. Aussitôt la porte refermée, les q uestions crépitèrent :
— Où avez-vous trouvé ça ?
— Place de l’Estrapade.
— Quand ?
— Hier soir, vers les dix heures.
— Mais pourquoi êtes-vous ici ? Comment avez-vous s u...
— Mon petit doigt m’a tout dit ! fit plaisamment Mo nseigneur, l’auriculaire pointé vers son oreille.
M. Thiollay, qu’on sentait partagé entre la surpris e et le mécontentement, réclama encore :
— L’écharpe n’était pas mieux enveloppée que ça ?
— Si. Elle reposait dans un beau carton blanc, un c arton de chez Lili et
Lilette...
— Ah ! Je commence à comprendre...
Expéditif, comme à son ordinaire...
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