Légendes urbaines
73 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Il y a des personnes que vous pouvez croiser dans une rue sans leur accorder la moindre attention. Des gens dont l’histoire ne fera jamais les gros titres, dont les drames ne seront connus que de quelques personnes pour être vite oubliés. Après tout, qui s’intéresse aux souffrances que peut causer une femme éprise d’amour et de liberté, aux enquêtes menées par un flic retraité désireux de s’élever au niveau des héros qui survolent la ville, ou aux conflits auxquels est confrontée une survivante au cœur brisé ?

Ce livre raconte les histoires de ces personnages. Ils pourraient être vos voisins, vos amis ou des gens que vous apercevez brièvement. Leurs aventures ne changeront pas la face du monde. Elles ne resteront qu’à l’état de murmures échangés entre les passants sur des trottoirs. Des rumeurs résonnant en un faible écho dans les quartiers de la ville.

Des légendes méconnues.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 12
EAN13 9791034806256
Langue Français

Extrait

Légendes Urbaines
Sébastien Gallois Légendes Urbaines Couverture :Maïka Publié dans laCollection Clair-Obscur, Dirigée parVéroniqueCharrière
©Evidence Editions2018
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Trois histoires, trois destins…Ils ont géré leurs vies comme bon leur semblait. Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place ?
La symphonie de la tempête C’est avec tristesse qu’elle dut laisser derrière elle son violon. Il était temps d’aller à l’université. Puis, le soir, elle irait enler son uniforme et servir des nuggets et des hamburgers à des gens qui se plaindraient que leur repas plein de graisse n’apparaîtrait pas dès le moment où ils auraient passé commande. Vanessa Drue, vingt-trois ans, était avant tout une artiste. Une artiste qui ne prenait jamais plus de plaisir que lorsqu’elle se plongeait dans la musique ; la sienne ou celle des autres. Lorsqu’elle avait ses écouteurs sur ses oreilles, elle se laissait entraîner dans les symphonies qui coulaient dans sa tête comme de l’eau tiède et douce. Une fois arrivées, elles se solidiaient, prenaient forme, pour se transformer en tout un monde dans lequel évoluaient toutes sortes de personnages, vivant des aventures plus folles les unes que les autres, guidés par des sentiments changeant d’une chanson à l’autre. Tout cela constituait dans son esprit une magnique toile en mouvement constant, aux couleurs vives, dépeignant des moments précis d’histoires vécues par des personnages réels ou ctifs. Ils riaient, ils pleuraient, ils se battaient, ils couchaient, parfois passant d’une chose à l’autre sans avertissement et sans transition. Et lorsqu’elle commençait à jouer d’un instrument, qu’il s’agisse d’un violon, d’une guitare ou d’un piano, pour expérimenter ses propres compositions, elle essayait de retrouver cette sensation, an de pouvoir à son tour la faire éprouver à d’autres. Chaque musique qu’elle composait, chaque chanson qu’elle écrivait, avait son propre univers, ses propres règles, ses propres héros, qu’elle faisait évoluer à sa guise pour le plaisir des auditeurs. Elle était un Dieu musical. Mais seulement lors de ses brefs moments de liberté. Le reste du temps, il lui fallait étudier et travailler, parce que la société actuelle exigeait que l’on mette de côté son identité pour devenir une autre fourmi dans la fourmilière. Si seulement elle avait pu vivre trois ou quatre siècles plus tôt. À une époque où les gens qui, comme elle, venaient d’une famille aisée, avaient tout leur temps à consacrer à leur art et n’étaient pas réduits au même niveau que les paysans qui devaient se lever à l’aube pour se coucher au crépuscule, sans jamais cesser de trimer entre les deux. Peut-être serait-elle, à ce moment précis, connue dans le monde entier. Peut-être même que la pauvre âme qui se rendrait à sa place à l’université étudierait ses œuvres à elle. En fait, si elle en croyait les lms de science-ction qu’elle avait pu voir et les articles sur le sujet qu’elle avait lus, c’était le cas. Dans un univers parallèle, loin, très loin de celui-ci, une autre Vanessa, née au dix-huitième siècle, était une compositrice qui avait créé les mêmes musiques qu’elle en ce début de vingt-et-unième siècle ; mais contrairement à la Vanessa étudiante, la Vanessa compositrice avait eu le temps de développer son œuvre, le droit de la présenter. Et elle était devenue une gure emblématique de l’univers musical, au génie jamais démenti. Hélas, elle, la Vanessa étudiante, était née dans le mauvais univers, un univers où, elle le sentait, elle serait forcée de mettre de côté son ambition et ses désirs pour se concentrer sur sa survie. Et elle haïssait ce double d’elle-même si chanceux presque autant qu’elle haïssait ce système qui la forçait à soutenir les fondations du palais des autres au lieu de construire le sien, qui, pourtant, serait tellement plus majestueux. C’est, comme bien souvent, la rage au ventre et les dents serrées qu’elle quitta son studio perdu dans les rues de New York pour se rendre à l’arrêt de bus délabré, régulièrement vandalisé et jamais restauré qui se
trouvait à quelques dizaines de mètres. Durant tout le trajet, son esprit était rempli de gammes qui s’assemblaient dans des ordres di<érents pour former des musiques gracieuses et élégantes. Elle s’en voulut d’avoir oublié son carnet sur lequel elle prenait régulièrement des notes. Elle savait ce qui arriverait : elle aurait des idées qu’elle trouverait bonnes, soit dans la continuité d’écritures précédentes, soit complètement originales, mais, distraite par les cours et le travail, elle les oublierait ou les transformerait en les retranscrivant au point de leur faire perdre leur éclat et leur beauté originels, pour ne restituer, le soir venu, qu’un ersatz de ce qui aurait pu faire son bonheur et celui de ses auditeurs. Elle fut parmi les derniers à arriver dans la salle de cours. Ses camarades étaient installés, certains à leurs tables, certains dessus. Le son de leurs voix, désorganisé, peu harmonieux, irritait Vanessa au plus haut point et perturbait les notes qui tentaient de défiler dans sa tête. Elle s’éloigna au maximum des autres élèves. Elle jeta son dévolu sur un pupitre où ne se trouvait qu’une seule personne, un garçon un peu plus âgé qu’elle. Ils ne se parlaient pas souvent, mais elle savait qu’il s’appelait Jayce et qu’il avait redoublé plusieurs classes avant d’arriver ici. Et sa posture seule donnait à Vanessa une idée sur la raison de son échec : il avait tiré son siège au plus près de sa table, sur laquelle il appuyait ses coudes, soutenant sa tête de ses mains, les yeux mi-clos. Son stylo et sa feuille attendaient qu’il daigne s’en servir. Il adressa un sourire à Vanessa, qui le lui rendit avant de s’installer à côté de lui. Il la suivit du regard un moment, toujours en souriant, sans doute parce qu’il la trouvait belle. Cela la fit rougir. Le professeur arriva, et le calme se t après un dernier brouhaha provoqué par les élèves qui se plaçaient. Et la leçon commença. Vanessa essaya sincèrement de prendre un maximum de notes, mais au bout de vingt minutes, sa plume s’éloigna des lignes de texte pour glisser sur le côté et se mettre, presque automatiquement, à former des notes de musique. Celles-ci s’enchaînaient sur de courtes lignes limitées par la longueur de la marge. Il s’agissait de petites mélodies toutes simples, qui, malheureusement, peinaient à reproduire les sons qu’elle avait imaginés quelques minutes plus tôt, dans le bus. Il leur manquait un petit je-ne-sais-quoi pour obtenir la même intensité. Vanessa était si absorbée par ses petites créations qu’elle se rendit compte assez tard qu’on l’observait. Craignant que le professeur se soit aperçu qu’elle ne suivait plus son cours, elle leva les yeux. Mais il continuait à parler sans interruption et ne la remarquait même pas. Celui qui la regardait, en revanche, c’était Jayce, qui avait interrompu sa propre prise de notes pour s’intéresser à ce qu’elle dessinait. Lorsqu’il vit qu’elle l’avait remarqué, il lui adressa un sourire contrit. — Pardon, chuchota-t-il. Je ne savais pas que tu faisais de la musique. — Ce n’est rien, répondit-elle, pressée de retourner à ses notes. Tu aimes la musique ? — Oui, comme tout le monde, dit Jayce à voix basse. Mais ce qui m’intéresse, surtout, ce sont les jeunes artistes, ceux qui créent de nouvelles choses. Tu as déjà pu faire écouter tes morceaux ? — Pas encore, non, dit Vanessa. — Et qu’est-ce que tu fais, comme style, exactement ? Elle commença à répondre rapidement, histoire de mettre n à la conversation pour pouvoir retourner à ses notes de musique. Mais elle se rendit compte que Jayce l’écoutait avec attention, que ses yeux étaient xés sur elle à chaque instant. Alors elle commença à développer, à parler de ses aspirations, de ses désirs pour l’avenir. Elle trouva particulièrement agréable de trouver quelqu’un qui l’écoutait et qui semblait sincèrement s’intéresser à elle et à ses pratiques. Les jours qui suivirent, elle et Jayce commencèrent à parler plus régulièrement. Elle apprit à connaître le jeune homme, qui souhaitait fonder sa propre maison d’édition pour encourager de jeunes auteurs, et
surtout, elle eut pour la première fois depuis qu’elle avait quitté le domicile de ses parents la possibilité de discuter avec quelqu’un de ses projets et de tout ce qui pouvait lui passer par la tête. Jayce, cependant, avait le défaut d’être envahissant. Après plusieurs semaines, il commença à l’inviter à boire un verre ou à aller au cinéma avec lui. Elle refusa le plus poliment possible chacune de ses invitations, pour se consacrer pleinement à ses compositions. Mais elle fut irritée par ses appels et ses messages qui se faisaient de plus en plus fréquents, si bien qu’elle commença à éteindre son téléphone pour pouvoir travailler dans le calme. À force d’en apprendre sur lui, elle comprit que Jayce ne fréquentait que peu de gens. Il devait donc se tourner uniquement vers elle, et elle supportait le poids de toute l’a<ection qui aurait dû être équitablement répartie entre plusieurs personnes. Mais, bien que l’individu lui-même la dérangeât par son entêtement, sa situation nit par lui plaire. Elle pouvait bien passer outre les désagréments d’avoir un ami pour se concentrer sur les bienfaits d’avoir un condent, quelqu’un qui l’entendait et l’encourageait, assurant qu’elle parviendrait à percer dans le milieu de la musique. Puis, un jour, lors de l’une de leurs conversations qui avait remplacé l’écoute des professeurs, Jayce lui t part d’une nouvelle étonnante : « Comme il devient diÈcile d’innover dans le milieu de l’édition, j’ai décidé de développer mon projet. Au lieu de me concentrer uniquement sur la publication de livres, je vais créer une sorte de triumvirat entre des arts di<érents : des projets indépendants ou complémentaires qui formeront un tout, et qui seront di<usés sur plusieurs médias. Par exemple, le même univers pourra s’exprimer à travers la littérature, la vidéo et la musique. » Cela attira l’attention de Vanessa. Elle voulut en savoir plus sur ce nouveau projet qui incluait la musique, car à la seconde où il avait dit cela, l’esprit de la jeune femme s’était mis en marche et avait imaginé ses chansons et ses musiques accompagnant des romans ou des lms, avant qu’elle ne soit connue indépendamment, pour elle-même. Jayce lui proposa de lui en parler plus en détail autour d’un verre, et elle accepta. Ils se virent de plus en plus fréquemment hors des heures de cours et des heures de travail de Vanessa. Le jeune homme lui expliqua son projet dans les grandes lignes : il comptait laisser tomber ses études, prendre un emploi et économiser, an d’utiliser l’argent pour lancer son entreprise après quelques années. Bien évidemment, il était intéressé par l’idée de travailler avec Vanessa. Celle-ci fut transportée de joie. Si le projet de son ami aboutissait, elle pourrait être lancée et avoir suffisamment de revenus pour ne plus perdre son temps à travailler dans un restaurant ridicule au lieu de continuer son œuvre. Elle pourrait peut-être même arrêter les études. Elle aurait alors tout son temps pour écrire, composer, développer sa musique et faire ressortir les chefs-d’œuvre qui se dissimulaient dans les enchaînements de notes cherchant désespérément à sortir des feuilles de papier où ils étaient enfermés. Elle commença à l’inviter les week-ends pour lui faire écouter ses premières chansons. Elle lui montra sa maestria au violon, au piano et à la guitare, et laissa sa voix porter les paroles qu’elle avait écrites. Comme elle s’y attendait, il fut émerveillé par ses prestations, et loua son talent. Il fut d’autant plus impressionné d’apprendre que certains des morceaux qu’il entendait avaient été imaginés, voire composés, lorsqu’elle n’avait que seize ou dix-sept ans. Puis, un jour, assis à ses côtés sur le bord de son lit, à écouter un morceau plus récent qu’elle mettait en musique avec sa guitare, il posa une main sur sa cuisse. Elle interrompit sa lecture et tourna la tête vers lui. Elle rougit, et lui aussi. Mais il approcha son visage du sien et, au lieu de reculer, elle l’imita. Il l’embrassa tendrement, pendant plusieurs secondes, avant de prendre doucement son instrument pour le poser à côté du lit. Ils rent l’amour pendant les minutes qui suivirent et nirent la journée enlacés sous la couverture. Commença pour Vanessa une période d’allégresse qu’elle n’avait pas connue depuis longtemps.
L’enthousiasme et la conance de Jayce en ce qui était désormais leur projet commun lui donnait la sensation qu’elle ne perdait plus son temps en venant à l’université. Elle traversait les couloirs de l’établissement accrochée au bras de son compagnon, qui en retirait une immense fierté. Le bonheur de Vanessa se ressentit dans sa musique. Elle la trouva plus mélodieuse, plus gaie, plus intense. Elle se voyait rencontrer des auteurs de futurs best-sellers et mettre en musique les aventures épiques de leurs personnages aux côtés des artistes qui les illustreraient grâce à leurs dessins. Une immense bataille opposant deux armées survolées par des dragons cracheurs de feu ? Un conit familial tournant autour de l’héritage d’un grand empire industriel ? Une enquête dans le New York noir et blanc des années trente ? Elle imaginait déjà les thèmes qu’elle allait composer pour chacune de ces situations. Une musique grandiose pour le héros qui arriverait, accompagné de chœurs. Une autre, plus grave, plus lente, pour le méchant. Qui sait ? Peut-être qu’un jour, une de ses créations serait élevée au niveau des thèmes de Psychose, de Pirates des Caraïbes ou de Star Wars. Cette perspective, cet espoir, illumina le reste de son année. À l’université comme au travail, on nota son profond changement d’attitude. On attribua cette évolution au bonheur d’avoir trouvé l’amour, et avec raison. En e<et, on ne pourrait voir une lle plus éprise de son petit ami. Elle passait une grande partie de son temps accrochée à son bras. Elle riait quand il parlait, l’écoutait et l’embrassait dès que l’occasion se présentait. Dans l’intimité, une fois qu’elle avait achevé son travail, elle se blottissait dans ses bras et ils restaient immobiles, allongés sur le lit, enlacés. Elle le remerciait, parfois à voix haute, parfois en pensée, de lui avoir donné tant de bonheur en tirant son rêve vers le haut. Durant les vacances d’été, Jayce décida d’inviter Vanessa à habiter avec lui, ce qu’elle t avec joie. L’appartement du jeune homme n’était pas beaucoup plus grand que le sien, mais elle s’en accommoda. Le loyer n’était pas élevé. Le logement comptait un salon qui faisait oÈce de salle à manger, des toilettes, une salle de bain et une chambre. Le couple dut réaménager la pièce à vivre pour fournir à Vanessa un espace consacré à ses compositions. Ils y placèrent ses instruments ainsi qu’un petit bureau juste à côté de son piano, où elle pourrait prendre ses notes et mettre à l’écrit ses pensées. Ensemble, ils planièrent la suite : Jayce allait laisser ses études derrière lui et commencer à travailler à plein temps. Une fois qu’il aurait économisé assez d’argent pour pouvoir investir dans son projet tout en gardant une situation stable, ils se lanceraient ensemble. Vanessa en fut ravie ; car son petit ami lui annonça en prime qu’elle pourrait quitter son emploi pour consacrer plus de temps à sa musique. Le jeune homme soumit alors sa candidature à plusieurs maisons d’édition en tant que conducteur de presses numériques, et certaines lui proposèrent de le rencontrer. Lorsque Vanessa, désormais âgée de vingt-quatre ans, entama sa nouvelle année d’études, il avait obtenu un emploi en période d’essai. Mais les mois suivants furent diÈciles pour Vanessa. La jeune femme était de plus en plus impatiente. Et sans la présence de Jayce pour la réconforter et lui assurer que tout était en bonne voie, que leur projet commun serait bientôt concrétisé, les mauvaises pensées revinrent la tourmenter pendant la journée. Heureusement, le soir venu, ayant démissionné, elle pouvait passer la soirée à travailler ses morceaux en attendant que Jayce revienne du travail. Elle n’avait jamais auparavant eu l’occasion de passer plusieurs heures de suite à jouer d’un instrument et à retransmettre par la musique ce qui apparaissait dans son esprit. Jayce, quant à lui, commençait à se plaindre de son employeur, qu’il trouvait trop exigeant pour son expérience. Il avait des diÈcultés à tenir les délais qui lui étaient imposés. On lui reprochait de manquer de motivation, ce qui l’énervait, car personne ne pouvait être plus déterminé que lui. Le couple nit le premier mois dans une situation précaire ; précaire, parce que le salaire de Jayce se révéla à peine suÈsant pour subvenir à leurs besoins. Et le second mois démarrait sous de mauvais auspices, car son
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