À sa manière
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Description


Je suis entré. J'ai attendu vers l'entrée, puis je me suis dirigé lentement vers le bureau d'accueil. La personne derrière, une femme blonde, les cheveux courts, tapait sur son clavier d'ordinateur, et ne m'a pas regardé. Elle a seulement dit "C'est pour quoi ?" J'ai dit que je venais déposer une plainte. Elle a dit "De quel genre ?" J'ai dit Une plainte pour des coups et blessures. Elle a continué à m'ignorer. J'ai dit "Et aussi pour viol". La personne à l'accueil ne m'a regardé qu'une fois après avoir dit « pour viol ». Elle m'a fait répéter, comme si elle entendait ça pour la première fois, de la bouche d'un homme.



Elle a eu un petit sourire, d'un quart de seconde. Comme si c'était un réflexe. Comme si ce n'était pas normal. Je pense qu'elle l'a regretté de suite, et qu'elle s'en est voulue, parce que que c'est là qu'elle a vu mon visage pour la première fois, un visage mordu par les privations et des douleurs. Elle s'est levée, elle a vu mon corps décharné. Elle m'a encore fait répéter, pour être bien sûre "Vous dites pour viol ?" j'ai opiné du chef. Elle a continué "Vous savez qui est votre agresseur ?" J'ai encore opiné et j'ai lâché le morceau "C'est mon frère.


Le charme de Loana Hoarau, c’est qu’elle sait comment nous présenter calmement les réalités les plus cruelles qui cernent notre univers ordinaire... Après Exuo, qui nous a laissé tous pantois, voici le tout dernier roman de cet auteur remarquable.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 33
EAN13 9782924550472
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Àsa manière
LOANA HOARAU
© ÉLP éditeur, 2019 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-47-2
Conception graphique : Allan E. Berger
Image de la couverture : © David Heinis, 2018
Avis de l'éditeur
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ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois un e vocation transatlantique : ses auteurs comme les membres de son comité éditorial p roviennent de toute la Francophonie. Pour toute question ou commentaire co ncernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : ecrirelirepenser@gmail.com
« Tu honoreras ton père et ta mère, y compris ton frère aîné. »
PROLOGUE
Je me suis rendu compte d'un coup que j'étais nu co mme un ver et que les vêtements qui me recouvraient étaient mes bleus, me s ecchymoses, mes lacérations. Ils habillaient mon corps entier, à l’extérieur, de la plante des pieds jusqu'au haut de mon crâne, à l’intérieur, de mon cerveau jusqu'au m oindre de mes nerfs. Le soleil les sublimait, les rappelait à moi, en les voyant j'ava is mal, et je hurlais. Paysage englouti. Sans conscience. Sans fumet. Sans rien. Je ne voyai s rien. Juste ce chemin sur lequel je courais à en perdre haleine.
À en perdre mon souffle.
À en perdre mon reste de raison.
Je ne sentais pas les gravats brûlants sous mes pie ds ravagés, en sang, ni ce corps qui me portait encore et qui n'était plus que caric ature. Je ne sentais plus mon corps exploité, mutilé. En sang. Je ne pensais plus qu'à une seule chose.
Courir.
Courir encore.
Lorsque j'ai dépassé le terrain vague, qui s'était évertué à me faire tomber dans ses crevasses et sa vase, il s'était écoulé je pense pl us de dix minutes. Pour moi, cela semblait des heures, une éternité. Toujours avec ce tte terreur de le voir me poursuivre. Il n’en était rien. Comme si tout cela n'avait été qu'un rêve, qu'une illusion. Après le terrain vague, il y avait des immeubles. Des tas d' immeubles se ressemblant les uns les autres, il était facile de se fondre dans ce dé cor de ciment.
J'ai continué à courir, j'étais encore trop près de ma prison, il fallait que je m'en éloigne le plus possible. Partir loin, très loin de cet endroit de malheur. Il me fallait cette pensée pour pouvoir avoir encore assez de forces po ur échapper à ce monde-là.
Je me suis arrêté de courir lorsque j'ai vu à quelq ues mètres de distance des gens marcher. Les rues étaient proches. Le jour et la ch aleur avaient fait sortir bien du monde. Étourdi, suffoqué par cette folle course que j'avais entreprise, je regardais autour de moi afin de trouver quelque chose qui env elopperait efficacement mon corps.
Je me fichais bien que l'on me voie nu. Je m’inquié tais seulement que l'on remarque l'ouragan de coups tatoués sur toute mon anatomie.
Je pensais me rendre directement à la gendarmerie. Je m'étais imaginé des jours et des jours durant y aller, on m'aurait installé sur une chaise dans un petit couloir sombre, ou dans une salle d'attente comme chez le m édecin, mais cette fois-ci sans magazine pour patienter, et j'aurais ressassé toute mon histoire avant de la débiter à des personnes étrangères, les premières que j'aurai s aperçues au bout de toutes ces semaines.
Alors j'aurais pleuré devant elles, ces personnes é trangères qui m'auraient pris pour un dingue, qui m'auraient demandé comment je m'appe lle, et dont le seul réflexe aurait été de répondre « sale merde », parce que c'est com me ça qu'il m'appelait depuis des jours et des jours et des jours.
Puisj'auraisreprisconscienceenmedisantquejem’appelaisLauri.Lauri
Puisj'aurais repris conscience en medisant queje mappelaisLauri.Lauri comment ? Je ne sais plus vraiment. De toute façon, ce prénom ne me servait à rien, vraiment à pas grand chose en vérité, alors pourquo i s'en souvenir ? Mon empoisonneur m'avait interdit de le prononcer. Je n 'avais plus le droit de parler, de penser, ou même de suggérer par un geste mon mécontentement.
Et puis je me serais ravisé, parce que si les genda rmes avaient su comment je m'appelais, ils auraient tout compris, ils auraient retrouvé des choses insupportables s u rnous, ils m'auraient fait la morale sans doute, en pren ant des pincettes bien sûr, mais ils m'auraient parlé sans discontinuer, pesant le pour et le contre, me disant que j'avais mérité ce qui m'était arrivé parce que j'av ais ma part de responsabilité là-dedans.
Alors j'aurais eu mal, très mal, je serais peut-êtr e sorti du commissariat avec des menottes autour des poignets, ou peut-être que j'au rais été mis en détention provisoire en attendant un verdict, ou peut-être que je serais ressorti libre, mais le mal étant ce qu'il est, je me serais suicidé à la première occas ion, parce qu'avant de me libérer, ils m'auraient forcé à affronter le regard de mon geôli er, ils m'auraient demandé de le reconnaître, et je n'aurais pas eu de difficulté à le reconnaître, puisqu'il est si proche de moi.
Mon frère.
Cher journal,
I 2004
Il faut que je te dise quelque chose. Quelque chose de vraiment bizarre. Je ne sais pas si je dois en parler à maman et papa. Je ne sai s pas s'ils m'en voudront. Je me demande si ça va pas leur faire du mal. Ou peut-êtr e pas. Je ne sais pas si je dois leur parler de ce qui s'est passé ce soir. Mais à toi, j e sais que je peux tout dire. Tu es comme un copain muet. Tu écoutes, et tu dis rien.
Alors voilà. Nell, il est bizarre. Je veux dire, il est bizarre avec moi. Tu me diras explique-toi, je comprends pas bien, et même moi je comprends pas trop, alors je vais essayer de t'expliquer ça si j'y arrive. Alors voil à. Déjà la dernière fois, c'était il y a deux jours, quand on est partis faire un pique-nique dan s la forêt pas loin de chez nous, moi et Nell, on a joué à cache-cache. Alors Nell, il a seize ans, sept ans de plus que moi, mais il est gentil à vouloir bien s'occuper de moi, parce que, bon, on joue plus à cache-cache quand on a seize ans, c'est un jeu pour les e nfants, ou pour les bébés aussi. Mais comme on est que les deux enfants de la famill e, et à cause de l’écart d'âge, des fois je m'ennuie à devoir m'amuser tout seul, parce que Nell il est grand, et des fois il me ditJoue tout seul, je suis pas là pour faire le baby-s itter. Mais cet après midi-là, il a bien voulu jouer avec moi. Enfin, c'était surtout p arce que maman et papa lui ont ditOn prépare la table tranquillement et on vous appeller a quand ce sera l'heure de manger. Va un peu jouer avec ton frère, Nell.
Alors voilà, donc Nell il a un peu rechigné, mais i l obéit toujours aux parents. Des fois il fait des histoires, mais il écoute toujours mama n et il a peur un peu de papa. Alors il a accepté de faire une partie de cache-cache. Alors j e m'étais caché derrière des buissons, assez loin des parents, c'était impossibl e qu'il me trouve parce qu'on entendait même plus le bruit de la route ou des gen s autour de notre table, mais il m'a trouvé, va savoir comment. Il m'a surpris par derri ère, il a mis sa main sur ma bouche, et il m'a chatouillé le ventre et on a fait un peu la bagarre. J'ai gigoté en riant bien sûr, c'était marrant.
Avec Nell, on jouait souvent à la bagarre, ou aux j eux de guerre, comme tous les frères de la Terre d'ailleurs. Et même si on a sept ans de différence, c'est pas grave, il s'amuse quand même souvent avec moi, et maman est c ontente de savoir qu'on s'entend si bien. Mais des fois, maman est un peu i nquiète. Parce que Nell il est souvent seul, il a pas trop d'amis, et maman a touj ours l'impression qu'il s'ennuie et qu'il ne fait pas des choses de son âge. Maman a so uvent dit à NellJoues aussi avec des filles !ais une fille à laC'est de ton âge, tu sais ? Pourquoi tu ramènes jam maison ?
Nell il en a ramené une, un jour, juste pour la for me. Je ne sais plus comment elle s’appelle. Maman était heureuse comme pas possible et elle voulait lui montrer toutes les photos de nous de quand on était petits. Ça ava it bien fait rire la fille, maman était toute tourneboulée et elle lui a ditC'est tellement rare de voir une fille à la maison, je me demande même s'il s'intéresse aux filles ! et Nell ça l'avait un peu énervé que
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