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Description
Rescapé de l’enfer de Verdun, il n’est pas seulement défiguré, il est mort vivant.
« Une nuit, la septicémie l’avait enlacé dans une longue étreinte mortelle. La fièvre le faisait divaguer. Léon avait tendu l’oreille. C’était incompréhensible, même si le mot « maman » revenait souvent. Léon ne connaissait que trop ce dialecte des derniers instants. Ce sursaut de vie sortait de tous les corps agonisants en un torrent de paroles insensées avant le râle fatidique. Alors Léon s’était rendormi. Même la mort, il s’en foutait. »
Peut-on encore mesurer l’horreur de la guerre quand le temps recouvre peu à peu les souvenirs ? Les combattants de la Grande guerre sont revenus bousillés, cassés dans leur chair et dans leur crâne. Sébastien Gehan évoque avec délicatesse et talent les affres d’un « revenant » au visage défiguré.
Sujets
Informations
Publié par | Ska Éditions |
Date de parution | 01 mars 2016 |
Nombre de lectures | 17 |
EAN13 | 9791023404883 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Sébastien Gehan
Gueule cassée
Nouvelle
Collection Noire sœur
Le soldat Luc Martin revient du front de Verdun pour une permission de quelques jours dans son village. Arrivé à la maison, il dépose son sac, s’assoit bien fatigué et s’abandonne à ses pensées. Ses yeux ciel d’orage s’embuent. Une vague de tristesse s’abat sur lui comme un torrent brise les digues sous la force de flots trop longtemps contenus. La source de ce chagrin lui est aussi inconnue que ces lieux. Il repense au train, à ces wagons jetés sur les rails, à cette étrange sensation de son corps ballotté au milieu de tous ces visages inconnus, à l’impression déplaisante de n’être qu’un bouchon de liège lâché sur un fleuve de métal et de fumées noires. Il se remémore les paysages entraperçus au cours de son périple, ces myriades de champs émeraude, ces échardes de forêts, ces bras de rivière indolents. Il se rappelle les odeurs de l’hôpital, l’éther, le chloroforme, la Javel jetée à grands baquets pour nettoyer les flaques de sang sombre comme le goudron. Il repense à ces visages familiers, sans noms...