La nuit des mandarines
199 pages
Français

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Description

Gigi, professeur de lycée enthousiaste et fantaisiste, file le parfait amour avec sa jeune épouse. Mais, un beau matin, il se découvre un double : quelqu'un qui lui ressemble comme un frère jumeau le précède en toute occasion. C'est inssuportable, d'autant qu'un beau jour, ce pervers pourrait bien s'en prendre à sa femme...


Face à la défaillance de la police et à l'agressivité de la commissaire, Gigi décide de mener lui-même l'enquête...


Préface de Serge Garde.



Editions Tangerine nights

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 mars 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9791093275451
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA NUIT DES MANDARINES
Geneviève BUONO
 
Roman
 
 
 
 
e T n T angeRine nights
 
Les Editions Tangerine nights
46 Domaine du Vert Coteau 14800 Touques
 
ISBN : 979-10-93275-01-7
EAN : 9791093275017
ISBN  NUMERIQUE : 979-10-93275-45-1
EAN NUMERIQUE : 9791093275451
 
 
 
PREFACE
 
Bienvenue dans l’univers de Geneviève Buono. Bienvenue dans ce monde qui ressemble tant au nôtre et qui, pourtant, en diffère profondément. Un monde où il est parfaitement normal d’épouser une femme qui se termine en queue de poisson. Un monde où les maracas peuvent être désaccordées. Un monde conflictuel encadré par les forces d’un certain ordre...
Tout se passe dans le Nord ? Normal puisque l’action se déroule à proximité d’un terril, étrange postiche montagneux en un plat pays pluvieux… Mais non, vous n’y êtes pas du tout … Humez donc les embruns sémantiques qui éclaboussent pendant la lecture. Que Geneviève Buono soit née en Algérie n’y est pour rien… Et puis, après tout, à vous de prendre un atlas et de chercher au verso d’une carte, le lieu de cette narration… Là où les corons flirtent avec les calanques… Il vous crève pourtant les yeux, ce pays zéliénien…
 
 
SERGE GARDEBLED, Grand prix de littérature policière 1998
 
 
 
Chapitre 1
 
Les fesses collées au ventre nu de ma sirène, je dérivais au large des îles de la Sonde lorsque le réveil sonna. D’une bourrade, je le fis taire, avant de basculer avec ma reine dans l’océan de tous les délices. Il y eut une secousse aussi brève qu’intense, et je pris en plein cœur l’éclair qui, tout à coup, me tordit d’un spasme merveilleux.
C’est elle qui émergea la première. Elle tendit le bras hors du lit et, libérant la lumière, la cruelle me creva les yeux. Je m’habillai à la hâte, enfilai mes chaussures, saisis machinalement mon cartable et m’enfuis.
Une fois dans la voiture, je trouvai deux mandarines au fond de mon manteau. Au premier feu rouge, j’eus le temps d’en éplucher une et de commencer à la manger. Au moment où je redémarrais, je me fis griller par une voiture surgie je ne sais d’où. Une cinq portes de chez Peugeot. Même marque, même modèle, teinte tangerine comme la mienne, avec au volant un type un peu dans mon genre. Intrigué, j’écrasai le champignon et, au feu suivant, je me plaçai en double file à sa hauteur pour dévisager l’inconnu : tenez-vous bien, c’était moi. Oui, le type au volant, avec ses cheveux bruns dans le cou, sa barbe de trois jours, son nez droit, sa fossette au menton, bref, le type qui conduisait la même voiture que moi était moi. Et comme moi, il était en train de manger une mandarine.
Je tiens ici à certifier l’authenticité de toutes les scènes qui figurent dans ce livre. Pour les événements auxquels je n’ai pas assisté personnellement, je précise que des témoins dignes de la plus grande foi me les ont rapportés.
Pour attirer son attention, je donnai un léger coup de klaxon, mais déjà, on passait au vert. Au carrefour suivant, je baissai la vitre :
- Hé, vous, regardez par là !
Il daigna enfin tourner la tête :
- Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
- Il y a que vous… enfin que vous êtes moi.
De nouveau, il fixait la route, répétant comme en écho :
- Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Et il démarra en trombe. Sidéré par sa mauvaise foi, je me lançai à sa poursuite, mais plus j’accélérais, plus il faisait de même et, comme il avait de l’avance, le rattraper s’avérait délicat. Je refusai une priorité, puis je grillai un signal « stop ». À ce moment, une voix que j’entends quelquefois me rappela d’un ton ferme qu’il ne reste plus qu’un point sur mon permis. Je me rendis à la raison. Je levai le pied et, dépité, je le vis se dissoudre lentement dans les lointains. Pendant de longues minutes j’enrageai, puis j’appelai ma sirène. Elle prenait son premier bain de la journée, et elle m’écouta lui donner toutes sortes de détails sans m’interrompre. Ensuite, rien qu’à la vibration de sa voix d’opale, je sus qu’elle ne croyait pas un mot de ce que j’avais raconté. « Mon amour, c’était merveilleux ce matin, tu sais. Peut-être trop fort pour ta petite cervelle. Il faut te ménager, mon chéri. Bizous. »
Sans doute notre dernier plongeon m’avait-il mis les sens à vif, il fallait que je me calme, que je me comporte en individu normal et surtout que je retrouve ma sérénité avant d’affronter mon boulot.
Le parking du lycée était clairsemé à cette heure, et je me rangeai sans encombre près du gymnase. Je descendais en petites foulées l’allée qui mène au grand portail lorsque mon sang se figea : sa voiture était garée là. Je dis sa  voiture, mais en fait il s’agissait bien de la mienne. Ma petite Peugeot rouge avec son aile droite un peu cabossée, son pare-choc de travers et ses enjoliveurs dépareillés. Et, preuve irréfutable entre toutes, le numéro minéralogique. Elle était placée légèrement de travers, et prête à s’en aller. Quant au conducteur… évaporé ! Un truc effrayant était en train de m’arriver, mes cheveux s’en dressaient sur ma tête. Que faire ? Alerter la police serait certainement le plus sage. Mais, dans l’immédiat, je devais m’occuper de mes élèves. J’étais déjà en retard, et pour la troisième fois de la semaine, alors que je venais tout juste d’intégrer ce poste de prof.
Je poussai le portail, traversai la cour à grandes enjambées à la recherche de mon double, mais il avait bel et bien disparu. Où était-il ? Du haut de ses deux étages, le bâtiment principal me narguait silencieusement. À travers les baies vitrées, je décortiquai l’intérieur des classes situées sur cette façade. Depuis la 110, un élève leva le nez de sa copie, puis un autre l’imita, et le prof à son tour tourna la tête. C’était un petit frisé plutôt jovial avec des lunettes de métal. De la pointe de sa règle plate, il tapotait un tableau de Mendeleïev tagué au plafond. Alors que je tentai vainement de retrouver le numéro atomique du plutonium, je dus me rendre à l’évidence : ce prof n’était pas moi.
Monsieur Legrand se tenait à l’entrée du couloir principal. Le proviseur est un type imposant avec un double menton et des moustaches d’hercule de foire, toujours vêtu d’une longue blouse grise. Comme je m’y attendais, il fronça le sourcil à mon arrivée. Aussi, je pris les devants et m’excusai :
- Pardonnez mon retard, il m’est arrivé…
- Mais, qui êtes-vous, Monsieur ?
- Hé bien, Monsieur Richard ! Avec ce froid, ma voiture a eu du mal à démarrer.
- Vous n’êtes pas Monsieur Richard. Monsieur Richard est passé tout à l’heure.
- Mais je suis Monsieur Richard, j’arrive tout juste…
- C’est trop fort, ça, je vous dis que Monsieur Richard est en classe, il a déjà commencé son cours… 
D’une allure déterminée, il prenait la direction de la P8, aussi je lui emboîtai le pas. La P8 est une salle préfabriquée, le genre de choses qu’on montait à la hâte dans les années quatre vingts, avec la ferme intention de s’en défaire au plus vite. De P1 à P7, tous les préfas ont eu le bon goût de disparaître au fil des tempêtes et de quelques incendies, mais, entre déluges et divers types d’érosion, P8 résiste encore. Le plancher est crevé par endroit, le tableau s’écaille, et lorsqu’il pleut, l’eau ruisselle le long des parois. C’est ma salle, ma salle de cours à moi.
Cette fois-là, il en montait un sérieux vacarme, doublé d’une déchirante odeur de pâtisserie lorsque le proviseur poussa la porte. Basculés la tête en bas, deux grands élèves d’origine africaine faisaient une démonstration de hip-hop, l’un sur les mains, l’autre sur la tête, rythmée à qui-mieux-mieux par leurs camarades sur tous les tams-tams – tableau, chaises, pupitres, volets, murs, armoire, plancher – dont disposait la salle. Le tableau était couvert de déclarations d’amour à mon intention. Au fond de la classe, Tatiana, la déléguée-fille, promenait Gaspard en laisse tandis qu’assis en tailleur, Farid cuisait des galettes de semoule sur un brasero posé à même le sol.
A la vue du proviseur, le silence descendit sur la plaine. Les danseurs retrouvèrent leur assiette ordinaire et regagnèrent leurs places respectives. Quant à la déléguée, elle fourra le furet dans son col. « Avec ou sans Chantilly ? », demanda Farid à Monsieur Legrand qui agita les mains devant sa bouche d’un air faussement gêné : « Oui, mais juste un soupçon ». Le garçon lui tendit alors une galette coiffée d’un superbe nuage de crème, non sans ajouter : « Prenez garde, elles sont très chaudes ».
- Où est monsieur Richard ? lança le proviseur une fois avalée la première bouchée.
Un énorme éclat de rire lui répondit. Sans qu’il ne s’en aperçoive, je m’étais glissé dans son dos.
Le proviseur essuya du revers de la main ses lèvres couvertes de mousse blanche et me jeta un regard des plus sombres. Puis il tourna les talons en grommelant la bouche pleine : « Ça ne se passera pas comme ça ! Nous ne sommes pas le premier avril ! »
 
Je saisis un bâton de craie et commençai mon cours. Je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais le métier d’enseignant n’a déjà plus de secret pour moi : il suffit d’inscrire un titre de chapitre au tableau pour que les rangs se calment. Puis un exercice à chercher et hop ! Le tour est joué. Pendant que bouillonnent les jeunes cerveaux, le mien se positionne en veille prolongée.
Je me laissai tomber sur mon siège et passai la main dans mes cheveux. Une matinée qui avait pourtant si bien commencé ! Dire que je n’avais même pas eu le temps de me coiffer ! Je tirai mon téléphone de sa gaine et me laissai glisser sous le bureau. Là, roulé en boule entre les quatre bonnes vieilles planches de chêne, se nichait ma sérénité. Il me suffisait de lancer à l’aveuglette : « Sabrina, balaie donc la salle, il y a des crottes partout ! », « Nicolas, ne mets pas tant de sucre, tu sais bien que Gaspard est diabétique », ou « Farid, n’oublie pas de me recopier la recette des frites à la mode de Caen ! » et des heures paisibles s’écoulaient.
Je composai le numéro de ma sirèn

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