Le crime des 4 jeudis
116 pages
Français

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Description

À la Gare de Nantes, un gros colis est en attente de livraison. Le destinataire est introuvable et inconnu à l’adresse indiquée, tout comme l’expéditeur.


Au bout de six jours, une odeur nauséabonde se fait sentir, incitant à l’ouverture du paquet : une malle-cabine.


À l’intérieur, le corps dénudé et sans vie d’un homme.


La victime est morte par empoisonnement et, chose curieuse, a été expédiée depuis son propre domicile...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782373476163
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE CRIME DES 4 JEUDIS
Roman policier
par Louis ROUBAUD
I
EN CONSIGNE NANTES-P. O.
L'AFFAIREavait commencé sans moi. – Je veux dire qu'un de mes camarades en avait été chargé dans les premiers jours. – Une nuit, je fus éveillé par la sonnerie du téléphone. C'était le Chef des Informations : — On vient d'identifier l'homme nu de la malle !... Cette nouvelle m'eût peut-être intéressé à tout aut re instant ; je l'accueillis fort mal à pareille heure. — Je vous remercie, cher ami... Mais j'étais dans mon premier sommeil et je ne vois pas en quoi... — Attendez ! Vous pouvez nous rendre service. N'êtes-vous pas en bonnes relations avec le directeur de la Banque Grédisan ? — M. Charles Pomet !... Quel rapport ?... — Oui, Charles Pomet, de Shanghaï.
— Sans doute, mais que vient-il faire ici ?
— L'homme à la malle est un de ses meilleurs amis. M. Pomet offre une prime importante à ceux qui auront contribué à la découverte de l'assassin. Nous avons essayé, cette nuit, de le joindre à sa sortie de la P. J. Il paraissait bouleversé. Il a semé tous les reporters et consigné à la presse son hôtel de l'avenue Henri-Martin. Or, nous bouclons notre « dernière » à cinq heures. Vous avez le temps de faire un saut jusque-là. Il vous recevra et nous serons seuls à publier ses déclarations.
La perspective de quitter mon lit, pour aller importuner un homme en proie à une vive douleur, ne me souriait guère. Mais on ne refuse pas un service à son journal. Comme le maître des faits-divers l'avait prévu, ayant réussi , après beaucoup d'insistance, à me faire annoncer par le concierge malgré l'implacable consigne, je fus immédiatement introduit.
Je vois encore Pomet dans une robe de chambre de velours grenat qui accentuait sa haute taille. Son visage pâle, ses yeux gonflés, ses chev eux ébouriffés me révélaient une physionomie inédite de l'homme correct, élégant, im peccable, rencontré d'abord au Club Sportif de Shanghaï et qui, depuis son arrivée en F rance, occupait une place de choix dans la chronique sportive et mondaine. Le Tout-Paris connaît ce visage aux traits réguliers sans fadeur, cette belle chevelure argent et or, ces yeu x vifs cerclés d'écaille blonde. Malgré le souvenir de cette nuit, je ne peux encore aujourd'hui évoquer Charles Pomet qu'en habit noir, spencer blanc, jaquette de turf ou culottes de golf…
Je l'avais attendu un instant dans son cabinet de travail. Sa voix m'était parvenue du fond du couloir, comme il priait sa femme de le laisser seul avec moi, de s'efforcer de dormir. Il
lle parlait bas pour ne pas réveiller les enfants. M Lajoux, sa secrétaire, était arrivée presque en même temps, alertée sans doute par téléphone.
— Vous ne venez pas pour votre journal, au moins ?
Puis, sans attendre ma réponse, il me serra les mains et me rassura.
— Vous avez bien fait ! Je n'aurais pu rester seul jusqu'au jour. Vous pouvez m'aider de vos conseils. Je veux mettre tout en œuvre pour déc ouvrir l'assassin. J'ai fait venir lle M Lajoux afin de rédiger quelques notes, quelques le ttres. Devrais-je y dépenser ma fortune, il faudra que la police arrive à trouver cet homme ! Quel coup inimaginable ! Je croyais mon vieux Robert dans les environs de Perpignan, sur la côte vermeille, dans un de ces petits trous qu'il affectionne, Argelès, Collio ure, Banyuls... Je ne m'inquiétais nullement de ne pas avoir reçu de lui de nouvelles. Je l'avais vu la veille ou l'avant-veille du jour que l'on donne comme date de sa disparition. Il ne m'av ait rien dit, mais cela était dans ses habitudes.
Cette histoire d'homme dans une malle ne m'intéress ait guère. Je l'avais suivie vaguement par les titres des journaux et n'avais pas lu l'adresse fournie par le mystérieux expéditeur, ce qui m'eût immédiatement alerté. — Est-ce bien lui ? En est-on bien sûr ? insistai-je. Pomet appuya ses deux poings sur ses yeux.
— Je viens de le voir !... C'est atroce ! Sur une t able de marbre, mon pauvre Robert ! C'est pour le reconnaître que l'on m'a appelé ce soir, ou plutôt hier soir, car il est 2 heures du matin. Malgré toutes les précautions du Commissaire pour ménager mon émotion, j'ai cru m'évanouir. Bien qu'on l'eût déjà identifié, on attendait mon témoignage comme une preuve suprême. Jusqu'au bout, jusqu'à la porte de cette horrible salle, j'ai voulu douter. Dans la voiture, je répétais aux inspecteurs : « C'est impo ssible ! C'est une erreur ! »... Hélas ! Je ne pouvais plus me faire d'illusion, malgré l'enflure du corps, la crispation des membres, une impression d'épouvante sur le visage. Le docteur Pierre, le médecin légiste, attendait la fin de l'épreuve avant de pratiquer l'autopsie. Il paraissait perplexe...
— Comment a-t-il été tué ?
— Précisément, le premier examen n'a révélé aucune blessure, aucune trace de lutte. Il a été empoisonné par un toxique aux effets très rapides, presque foudroyants, sur la nature duquel l'analyse des viscères nous fixera. Le docteur Pierre paraît en déduire, dès à présent, que l'assassin n'est pas un inconnu pour la victime. Le poison aurait été absorbé en présence de celui qui devait faire disparaître le cadavre.
Tandis qu'il parlait, Charles Pomet s'animait, domi nait ses nerfs. Son esprit vif, son activité naturelle, son réalisme d'homme d'affaires lui offraient une tâche urgente, capitale, qu'il voulait accomplir tout de suite et de sang-froid.
— Vous connaissez mieux que moi la police. Je sais que les crédits lui sont mesurés... Robert était plus qu'un frère. Je suis riche. Puis-je mettre une somme à la disposition de la
P. J. et de la Sûreté ? Voulez-vous vous charger de cela ? Ne pourrions-nous aussi commander une autre enquête à un détective privé ? Déjà il organisait un plan, dictait à sa secrétaire des lettres pour diverses personnes que je lui avais indiquées, notamment M. Blond, directe ur de la Police judiciaire, M. le commissaire Montbard, chef de la Brigade Spéciale, M. Nozay, le directeur de la Sûreté Nationale, ainsi que le commissaire en retraite, M. William, directeur d'un Cabinet de Police privée. Dès le lendemain, je devais me charger d'of frir tous défraiements et récompenses jugés nécessaires.
Je rédigeai, cette nuit, mon premier papier. Je dev ais, depuis, suivre jusqu'à son dénouement, de bout en bout, l'affaire de « l'Homme nu dans la Malle », tant pour le compte de mon ami que pour celui de mon journal. Parmi tou tes les enquêtes que j'ai menées dans le monde, à travers les révolutions, les guerres, les bagnes, les asiles de fous, les taudis, il n'en est pas qui m'ait laissé un aussi poignant souvenir.
***
Bien qu'il soit relativement récent, le fait-divers de « L'Homme nu dans la Malle » a pu être oublié. Ceux de mes lecteurs qui se le rappellent m'excuseront d'en résumer les premiers éléments.
Le 24 octobre 1937, dans la matinée, M. Dasle, le C ommissaire spécial de la gare de Nantes-P. O., qui occupe un petit bureau dans une aile du bâtiment sur la cour extérieure, se reposait entre deux rapports en conversant amicalem ent avec son adjoint, M. Panjas. Ce dernier, inscrit sous le pseudonyme de Géo Pey, à la Société des Auteurs et Compositeurs, fredonnait sa dernière création, qu'il destinait à une vedette en renom et qu'il avait intitulée « Zigouigoui ». Il regarda la pendule au-dessus de sa tête et proposa : — C'est l'heure du muscadet ! Il avait préparé un écriteau discret, bien connu des employés, pour l'afficher sur la porte vitrée : « Prière de s'adresser à la succursale. »
Il n'y avait, en effet, qu'à traverser la « Prairie-aux-Ducs » pour accéder au café où, vers midi, les deux fonctionnaires engageaient une belote devant quelque fillette de vin blanc. La proposition était acceptée quand le facteur-chef Linsecq ouvrit la porte.
— Excusez-moi, messieurs, dit-il. Mais il y a quelque chose qui me tracasse et je n'ai pas voulu attendre cet après-midi pour vous en parler. C'est un gros colis, arrivé en gare il y a six jours, par grande vitesse, destiné à M. Quévin, 14 rue Crébillon. Le facteur chargé de porter l'avis au destinataire n'a pas trouvé ce dernier, d'ailleurs inconnu à cette adresse. Une lettre a alors été envoyée à l'expéditeur, un nommé Archamps, 3bisrue de la Sablière, à Paris. Elle nous a été retournée avec la mention « inconnu ». — Hé bien, intervint Panjas, gardez-le à la consigne ! L'un ou l'autre viendra bien le
réclamer. Surtout s'il n'est pas en port dû...
— Le port a été payé. Mais voilà, monsieur le Commi ssaire, je me fais peut-être des idées... Linsecq hésita, redoutant de provoquer une plaisanterie. — ... Je me fais peut-être des idées, mais cela me paraît suspect. Il a une odeur, ce colis ! Il y a quelque chose qui pourrit là-dedans. — Une femme coupée en morceaux, sans doute ? plaisanta M. Dasle. — J'espère bien que non ! Mais c'est tout de même des denrées pas fraîches.
Le Commissaire ordonna : — Allez faire un tour jusque-là, Panjas, et revenez me trouver à la succursale. Un peu contrarié de ce retard, le Commissaire-chansonnier accompagna le facteur-chef jusqu'à la consigne. Une malle de grosses dimension s, longue et plate, destinée à être introduite sous la couchette d'une cabine de paquebot, était installée sur le banc des bagages. Mesurant 1 mètre 40 de longueur, sur 70 centimètres de largeur et 70 centimètres de hauteur, elle était fermée de l'extérieur par deux moraillons solides, rabattus sur des anneaux dans chacun desquels était passé un fort cadenas. Elle avait, en outre, été soigneusement cordée à double tour, en longueur et en largeur, d'une seule corde fortement nouée à chaque point de jonction. Une grosse étiquette de papier blanc, col lée sur le couvercle, portait en lettres romaines, tracées avec un dos de porte-plume à l'en cre noire, les deux adresses réglementaires. Une odeur caractéristique se dégageait du colis. Panjas fredonna un instant, machinalement, son refr ain « Zigouigoui », consulta sa montre et se décida : — Il faut un serrurier, afin de ne rien détériorer.
Une heure plus tard, en présence du sous-chef de ga re et des deux Commissaires, l'ouvrier, n'ayant pu faire fonctionner la serrure des cadenas, fit sauter les moraillons et, sitôt la malle ouverte, les hommes eurent ensemble un mouvement de recul.
Allongé dans le coffre, les jambes repliées, le buste calé par des coussins, un cadavre entièrement nu était apparu. Un homme d'une cinquantaine d'années, assez robuste, le visage rasé – mais dont la barbe avait commencé de pousser, sans doute après la mort – exprimait une indicible horreur. On pouvait reconnaître ses t raits, malgré le commencement de décomposition.
Ce jour-là, M. le Commissaire et son adjoint manquèrent leur belote, leur apéritif, même leur déjeuner. La Police mobile, le Substitut du Procureur et le médecin légiste accomplirent les premières constatations et formalités. Pendant, plusieurs jours « L'Homme nu dans la Malle » défraya la chronique, car on ne parvenait pas à l'identifier, aucune disparition n'étant signalée. En l'absence de son maître, le domestique de l'unique locataire à l'adresse supposée de l'expéditeur, avait ignoré, jusqu'ici, le nom de M. Archamps.
D'après l'employé enregistreur du colis à la gare d'Austerlitz, la malle avait été véhiculée en taxi jusqu'à l'entrée de la salle, par un homme dont le visage ne lui était pas complètement inconnu, mais n'appartenant pas au corps des commissionnaires régulièrement accrédités.
Cependant, le numéro 3bisde la rue de la Sablière était celui d'un petit hô tel habité, en compagnie d'un boy annamite, par M. Jeansagnière, veuf, paraissant âgé d'une cinquantaine d'années, actuellement en voyage et n'ayant pas laissé d'adresse. Cette absence, au dire des gens du quartier, n'avait rien d'anormal, M. Jeansagnière ayant l'habitude de quitter Paris souvent pour plusieurs semaines. Or, deux jours après avoir fourni les renseignements que lui avaient demandé les inspecteurs, le boy disparut à son tour, sans attendre la rentrée de son maître. Ce fait, ajouté au silence de M. Jeansagnière, qui avait été prié par la voie de la presse d'indiquer le lieu de sa résidence et d'écourter so n voyage, parut assez suspect. La Police parisienne obtint le transfert du cadavre à l'Institut médico-légal de Paris, dans le but de le présenter, pour identification, à quelques habitants du quartier.
Ceux-ci, au nombre de cinq, s'accordèrent à reconnaître, sans aucun doute, leur voisin. Le soir même, la seule relation qu'avait conservée Jeansagnière, le seul visiteur qui fréquentât par intermittence le petit hôtel, M. Charles Pomet, directeur de la Banque Grédisan de Shanghaï, était avisé. On sait comment celui-ci faillit s'évanouir en découvrant, sur le marbre, le corps de son ami et comment, dès le lendemain, les lecteurs duPetit Parisien eurent la primeur des déclarations du banquier.
***
Dès le lendemain, je me rendis au quatrième étage d u Palais, dans l'annexe de la Préfecture où sont installés les bureaux de la Brig ade Spéciale. J'y rencontrai M. le Commissaire Montbard, l'inspecteur principal Piguet et le brigadier Herman, à qui venait d'être confiée l'enquête. Je connaissais ces deux inspecteurs qui avaient été à la bonne école de leur ancien patron, le Commissaire William. Ils m'autorisèrent d'autant plus volontiers à suivre leurs recherches que je leur promis de n'en rien révéler pouvant nuire à la manifestation de la vérité. J'étais d'ailleurs le mandataire du banquier, qui m'avait ouvert les plus larges crédits, afin que l'enquête ne fût entravée ni retardée par aucun souci d'économie.
Ni Piguet ni Herman ne sont des policiers de roman. Rien ne les exaspère comme ces déductions basées sur l'examen d'un menu objet, d'u ne poussière ou d'une empreinte ; « déductions faciles à établir, me disaient-ils, pour un écrivain qui a déterminé la solution du problème avant d'en fournir les données ».
— Le romancier, ajoutait Herman, commence par la fi n. Nous sommes bien obligés, nous, de nous placer devant une inconnue et de nous garder, avant tout, de notre plus dangereuse ennemie : l'imagination.
Nous déjeunions tous trois frugalement à la Taverne des Deux-Palais, sur la rue de Lutèce. Piguet mangeait avec appétit et ne paraissa it nullement impatient de déchiffrer
l'énigme qui lui avait été proposée. Lui non plus n 'a pas la physionomie du détective britannique. C'est un solide gars un peu rougeaud, aux cheveux grisonnants, une bonne tête de bourgeois cossu qui sait, à la rigueur, travailler de ses bras, un robuste bon sens... Il sortit de son portefeuille une vingtaine de photos de l'anthropométrie et me déclara placidement :
— Ça m'étonnerait bien que notre homme ne fut pas là-dedans.
— On va toujours essayer, interrompit Herman. Ils voulurent bien, entre le fromage et la carafe de beaujolais, me fournir une première explication. L'employé Breuzin, qui enregistra le colis en gare d'Austerlitz, avait déclaré que le porteur de la malle ne lui était pas tout à fait inconnu, mais qu'il n'appartenait pas au corps des commissionnaires régulièrement accrédités. Dans ces conditions, il s'agissait très probablement d'un commissionnaire sans autorisation à qui sa médaille avait été retirée ou refusée et qui devait rôder à l'extérieur des gares pour y racoler quelques clients.
— Nous avons donc pris la liste de tous les récidiv istes ayant fait l'objet de contraventions pour cette infraction et qui, par de menus délits, vagabondage ou autres, ont obtenu un portrait gratuit au studio anthropométrique. Nous allons présenter ces portraits à M. Breuzin. S'il reconnaît l'individu, nous posséderons son nom, et, grâce au Service des Garnis, sa trace sera rapidement trouvée.
Sitôt le repas terminé, la voiture que M. Pomet ava it mise à ma disposition nous conduisit, tous trois, gare d'Austerlitz. Breuzin examina une à une les vingt photos. Pour dix-sept d'entre elles, il fut catégorique. Aucun doute dans son esprit. L'homme que nous cherchions n'était pas dans le lot. Pour les trois autres, il marqua une hésitation avant de se résoudre encore à nous décevoir.
— C'est bien un type dans cegenre, mais ce n'est pas ça ! répéta-t-il à trois reprises.
Or, le « genre » que l'employé indiquait différait de l'une à l'autre des photos ; celle-ci représentant un gros visage d'ivrogne au nez en tomate, celle-là reproduisant les traits d'une sorte de voyou qui devait être pâle et maladif, la troisième fixant la physionomie d'un campagnard robuste et sain.
Au Service des Garnis, les fiches de ces trois personnages nous indiquèrent qu'ils avaient l'habitude de changer fréquemment de domicile, qu'i ls erraient d'un garni à l'autre, mais toujours situé à proximité d'une grande gare parisienne. La dernière adresse de chacun d'eux était assez récente. Le cabriolet de M. Pomet nous conduisit successivement à la Boule d'or, passage Brunoy (gare de Lyon), à l'Europe, rue de Reims (Austerlitz), et à la pension meublée de la rue des Petits-Hôtels (gare du Nord). Les logeurs reconnurent respectivement chacun son locataire dans la photographie qu'on lui présenta. Herman téléphona à la Brigade du Centre. Trois inspecteurs de ce service furent respectivement détachés en surveillance, chacun devant un garni, avec la mission de nous amener à la P. J. les commissionnaires marrons.
— Mais il faudrait un mandat d'amener, m'étonnai-je ? — Il ne s'agit pas d'arrestation, m'expliqua Piguet. Nos collègues prieront simplement,
chacun son client, de vouloir bien l'accompagner ju squ'à notre bureau pour nous fournir le tuyau dont nous avons besoin. Ils n'ont, évidemment, aucun moyen de les y contraindre. Mais il est rare qu'un témoin, ainsi sollicité, veuille se dérober. Au cas où l'un d'eux tenterait de fuir, nous ne manquerions pas de prendre la piste de l'imprudent qui se serait désigné lui-même à nos soupçons. Je crois, d'ailleurs, que si l'homme recherché se trouve parmi eux, il ne peut avoir participé au crime. Le criminel eut pris la précaution élémentaire d'inscrire un faux nom sur le registre du meublé.
Le lendemain matin, dans le couloir poussiéreux du quatrième étage sur lequel s'ouvrait le bureau de l'inspecteur principal, trois hommes, dûment convoqués, attendaient d'être introduits chez M. Piguet. J'arrivai à peu près à la même heure. Je trouvai le facteur Breuzin en conversation avec l'un des individus qui tournai t sa casquette d'un air penaud. Breuzin l'avait reconnu tout de suite et j'eus quelque peine, pour ma part, à identifier cet ivrogne inoffensif avec l'une des trois photos douteuses, celle du nez en tomate dont l'anthropométrie avait, me semble-t-il, exagéré les dimensions. Rentré tard à son hôtel cette nuit, il était venu bien docilement ce matin, vingt minutes au moins avant l'heure inscrite sur la convocation.
Lorsque Piguet et Herman entrèrent, l'identificatio n était donc faite. Ils renvoyèrent aussitôt les deux personnes hors de cause et introduisirent dans leur bureau, en compagnie de M. Breuzin, le sieur Janaillat, Vincent, Émile, tremblant de peur...
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