Le fantôme d Elvire Lhommel
52 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le fantôme d'Elvire Lhommel , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
52 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tomber en panne de voiture, la nuit, en pleine campagne, voilà qui n’est pas très amusant.


Quand en plus il pleut, la chose s’avère totalement désagréable.


Mais si on a la chance d’apercevoir au loin une ferme, même si elle est habitée par un vieux gardien mutique, et que l’on trouve refuge dans une chambre empoussiérée qui semble ne pas avoir été ouverte depuis des décennies, alors, on peut voir les événements sous un angle positif...


Sauf si, un peu trop curieux, on force la porte d’une armoire et que l’on y découvre le corps momifié d’une femme avec deux trous dans le crâne...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9791070031469
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE FANTÔME D’ELVIRE LHOMMEL

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE LOUIS XV
 
La nuit était profonde, le vent violent et les phares éclairaient mal. Mais la vingt-chevaux grand sport que Jacques Sauternes pilotait lui-même roula encore quelques kilomètres avant de s'immobiliser définitivement.
— Cette fois, c'est bien la panne, maugréa le pilote.
Jacques Sauternes sauta dans une flaque boueuse. Les phares s'étaient éteints. L'eau avait dû noyer la dynamo. Sans grande conviction, il souleva le capot, tâchant de s'éclairer de sa lampe de poche. Puis il chercha à se repérer sur cette route de montagne, assez mal entretenue, bordée de loin en loin de peupliers étiques. Saint-Flour devait être à plus de vingt kilomètres et il y avait peu d'espoir qu'une autre voiture aventureuse arrivât jusqu'à lui.
— Quelle idée aussi d'avoir abandonné la nationale pour emprunter ce raccourci !
Décidément furieux après lui-même, Sauternes boutonna le col de sa gabardine, car l'orage redoublait, lui jetant à la face des paquets de pluie lourde.
Que faire ? Attendre ? Mais quoi ? Que les écluses se referment, que pointe le jour ?
Sauternes ralluma sa lampe pour consulter son bracelet-montre. Vingt-trois heures dix ! Il haussa les épaules, ramassa sur le siège une mallette de cuir fauve, hésita devant une valise, repoussa la portière d'un geste brusque et s'éloigna d'un pas résolu.
Après avoir longé le bas-côté de la route pendant environ deux kilomètres, il lui fallut se rendre à l'évidence : pas un village en vue, pas une borne indicatrice, rien d'autre à l'entour qu'une masse noire de collines boisées.
À quoi servirait-il maintenant de revenir à la voiture ? Il était suffisamment trempé pour se payer le luxe d'aller de l'avant. D'ailleurs, un chemin de traverse s'amorçait dans la descente. Il conduisait bien quelque part...
Après dix minutes d'une marche rendue un peu moins pénible par la présence d'une châtaigneraie protectrice, Jacques Sauternes crut entrevoir sur sa gauche une masse plus sombre qui tranchait sur celle des arbres et des monts.
Encore un chemin de traverse, un vrai bourbier, celui-là ! Mais Sauternes sentit le courage lui revenir, car, tout au fond, se distinguait un léger clignotement. Il pressa le pas, sans se poser la question de savoir qui pouvait encore veiller en un tel lieu à cette heure si avancée de la nuit.
Et pas davantage Sauternes ne se demanda sur quel genre de bâtiment s'ouvrait l'énorme portail à deux battants auquel il frappait comme un sourd.
Il y eut d'abord pour lui répondre les aboiements prolongés d'un chien. Sauternes insista, mais en vain. Personne ne bougea... C'est alors qu'appuyant sur un battant, il comprit que la porte n'était pas fermée. Il pénétra dans une cour aux pavés cernés d'herbe drue, sa lampe au poing. Il vit une façade nue, percée de hautes fenêtres sans auvents, aux vitres sales et souvent cassées. L'une d'elles était éclairée et c'était sans nul doute cette lueur qui avait guidé sa marche. Un perron de pierres donnait accès à une porte pleine que Sauternes n'eut qu'à pousser pour se trouver enfin à l'abri dans une sorte de vestibule où l'attendait un chien énorme, à poils longs, maussade et grognon, mais, contre toute attente, plus surpris de cette présence humaine que véritablement méchant.
Sauternes avait repéré que la lumière venait du premier étage. Bien déterminé à ne s'étonner de rien, il se défit de sa gabardine et de son chapeau qu'il jeta sur un vieux coffre à bois. Puis, après avoir fait la paix avec l'animal, il grimpa un large escalier aux marches gémissantes. Le molosse semblait lui montrer le chemin...
Nulle voix ne répondit à son appel, mais, dans une chambre exiguë, il vit un homme, émergeant d'un lit campagnard. Vieux, les yeux bridés, le visage mangé d'une barbe broussailleuse et suspecte, les cheveux d'un blanc jaunâtre, le cou décharné, il regardait, mais sans paraître le voir, le visiteur nocturne. Sur une table, près du lit, brûlaient deux lampes à huile. Ce détail insolite arrêta Sauternes qui toussa doucement avant de commencer le récit de son aventure.
L'autre l'écoutait en silence, approuvant parfois de la tête sans que Sauternes pût démêler s'il devait tenir ce geste pour une approbation ou bien un tic.
— Bah ! une nuit comme celle-ci est vite passée, soupira Sauternes, donnant ainsi à entendre qu'il demandait l'hospitalité.
L'homme ne le regardait plus. Ses yeux égarés fixaient un point dans l'espace. Mais il avait parfaitement compris, car il se décida enfin à faire entendre le son de sa voix. Sa main tremblante montra une grosse clé rouillée pendue à un clou :
— Deuxième chambre, là-haut... prendre lampe... Allumer feu...
Sauternes s'enquit encore des services qu'il aurait pu rendre, mais le vieillard ne répondant plus, il décrocha la clé, prit l'une des deux lampes et partit à la découverte.
Vingt minutes plus tard, ayant trouvé l'immense cheminée de sa chambre bourrée de sarments secs et y ayant jeté une allumette, il se glissait entre les draps d'un lit à baldaquin.
N'eût été l'épaisse couche de poussière qui recouvrait tout – sauf la literie miraculeusement protégée par une toile – Sauternes se serait cru l'hôte de quelque exquise gentilhommière. Mais il fallait se rendre à l'évidence, cette pièce n'avait pas été habitée depuis nombre d'années. La décoration, les meubles étaient authentiquement Louis XV et la tapisserie des fauteuils d'Aubusson véritable. Le plus étrange, en dépit de la poussière accumulée, était que tout était resté comme si cette chambre avait été abandonnée la veille. Sur une crédence à fleurs, un candélabre à deux branches était encore muni de ses chandelles et du tiroir baillant d'une commode ventrue sortait de la lingerie féminine, elle aussi, hélas ! grise de poussière. Les portes de deux placards se découpaient dans la tapisserie murale, fanée, représentant des biches et des nymphes. L'une d'elles, grande ouverte, laissait voir des robes 1900, des boas, une douillette de soie rose. Avant de s'abandonner au sommeil, Jacques Sauternes remarqua sans raison que la porte du second placard était close.
 
* * *
 
Tout, dans la chambre, était soleil lorsque Sauternes se réveilla, tard dans la matinée. Il sauta du lit, dévoré d'un désir furieux d'action.
C'était un homme jeune encore, grand, au visage net et ouvert, aux yeux gris dont une lueur narquoise tempérait fort heureusement le feu un peu dur. Les mains étaient fines, expressives, soignées ; Jacques Sauternes avait la coquetterie de ses mains.
S'étant assuré qu'il trouverait difficilement de quoi procéder à sa toilette, Sauternes tira de sa mallette un flacon d'eau de Cologne et un gant de crin. Quand il en eut terminé avec ses soins, il entreprit une nouvelle inspection de la pièce.
— C'est toujours intéressant de savoir comment vivent les autres, émit-il en manière d'excuse.
À vrai dire, il fut un peu déçu de retrouver le cadre identique à lui-même. La lumière du jour n'embellissait rien et la chambre où il venait de passer la nuit présentait toujours son aspect vieillot, poussiéreux et fané. Le placard ouvert retint davantage son attention. Il tapota les robes 1900, ces robes Princesse qui moulaient la ligne féminine aux courbes opulentes, des jupes cloches, deux ou trois immenses chapeaux à la Boldini. Rêveur, il souleva le couvercle d'un carton. Gisaient là-dedans, en un pêle-mêle lamentable, des épingles à chapeaux, des guimpes, de faux seins et de fausses fesses. Le témoignage de toute une époque où le postiche était roi, ou le ventre seul était proscrit !
Ce mélancolique retour sur le passé incitait Sauternes à plus de curiosité. L'envie le démangeait de savoir ce que recelait le second placard. Que la porte en fût fermée à clé n'était pas pour le retenir... Au moyen d'un crochet...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents