Trois bas de nylon
62 pages
Français

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Description

Une prostituée est trouvée morte, un bas de soie noué autour du cou. Son maquereau s’apprête à fuir le pays...


Le dossier pourrait être d’une simplicité consternante si une seconde victime, une jeune dactylo, ne faisait son apparition, elle aussi étranglée avec un bas de soie similaire au premier.


Chargé de l’enquête, le commissaire Odilon QUENTIN patauge lamentablement quand le grand patron lui impose de faire rechercher madame Berthe Dutrieux, une riche cliente d’un notaire de Neuilly s’inquiétant de la disparition de celle-ci.


Le policier, de son air bougon habituel, ne peut s’empêcher de rétorquer : « — Je vous avouerai franchement que Berthe Dutrieux ne commencera à m’intéresser que le jour où on la retrouvera avec un bas de nylon serré autour du cou ! »


Et l’affaire va fortement l’intéresser quand ses hommes la découvriront avec un troisième bas de nylon lui enserrant la gorge...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782373472783
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Odilon QUENTIN
* 27 *
TROIS BAS DE NYLON
Roman policier
par Charles RICHEBOURG
CHAPITRE PREMIER
CONFIDENCES AU « VERMOUTH-BAR »
D'une lavette poisseuse, Pepito Mallagon essuyait m ollement le zinc de son comptoir ; mais comme cette activité ne lui causait nul plaisir, il l'abandonna en même temps que son torchon, préférant se regarder d ans la glace, entre les bouteilles multicolores des apéritifs.
Expérience déplorable ! Le miroir lui renvoya l'ima ge d'une caricature jaunâtre, où les poils drus d'une barbe de deux jou rs estompaient des ombres bleues : une vraie gueule de toreador myope et adip eux, dans laquelle il eut peine à se reconnaître.
Et pourtant, c'était bien lui ! Aucun doute ne subs istait à cet égard puisque, au-dessus de sa tête, il pouvait déchiffrer l'ensei gne de son propre bistrot : le « Vermouth-Bar »il était dans sa maison, rue Fontaine, au cœur d  ; e Montmartre.
C'est bizarre, mais il y a des jours où l'on a l'im pression de vivre dans une atmosphère de mirage qui déforme les êtres et les c hoses ; il est vrai qu'après une nuit blanche, le gros Espagnol n'avait pas enco re les yeux en face des trous. Alors, pour se retaper, il s'envoya un « rin ce-cochon » soigné : vin blanc sec, une larme de sirop de citron, un trait d'eau g azeuse.
La mixture lui fit du bien et il étouffa un renvoi puissant, sans parvenir cependant à dissiper cette sensation d'ennui, de ma laise, qui flottait dans l'air vicié comme une caresse gluante ou une menace impré cise.
Dehors, le jour se levait ; un petit matin pisseux de novembre, terne et gris. Saloperie de métier ! Le« Vermouth-Bar »resté ouvert toute la nuit, mais était c'est à peine si la recette couvrirait les frais de lumière et de chauffage. Pour comble de malheur, au moment où Pepito s'apprêtait à descendre les volets mécaniques de la devanture, Émile le Cordonnier et Freddy le Malabar étaient entrés.
On ne chasse pas de bons clients ; et les deux homm es avaient immédiatement confirmé leur réputation en buvant co up sur coup trois mandarin-curaçao. Puis, à son tour, l'Italien avait poussé la porte et s'était installé à la table voisine. Maintenant, il paraiss ait somnoler, devant un Chianti à moitié vide.
Le patron connaissait de vue son vilain museau de f ouine ! Alberto Pedroni qu'il s'appelait. Il déambulait à Montmartre, la nu it, drapé dans un immense pardessus noir à pèlerine, dix fois trop large pour son corps d'avorton ; quand il
n'offrait pas aux noctambules des pochettes de cart es postales obscènes, il s'efforçait de les entraîner vers le cinéma-cochon dont il était le « pisteur » officiel.
On gagne sa vie comme on peut et Mallagon avait les idées larges. Mais malgré tout, il n'aimait pas l'Italo ; peut-être à cause de son regard sournois, que l'on parvenait difficilement à saisir ; ou encore à cause de ses poignées de main moites et inconsistantes.
Par contre, Freddy et Mimile, eux, ils étaient fran cs comme l'or ; durs, mais réguliers. Il n'y avait qu'à les écouter pour s'en rendre compte ; d'autant plus qu'en ce moment le Malabar donnait une conférence s ur les femmes et les pierres précieuses.
Un type vraiment bien, ce Freddy ! Toujours nippé c omme un prince russe : souliers en lama cognac, à grosses semelles déborda ntes ! chapeau vert réséda, et pardessus en teddy beige clair. De loin, il avait l'aspect débonnaire d'un ours en peluche !
Au surplus, il était généreux comme un grand seigne ur : c'est toujours lui qui offrait la première tournée aux copains. Il pouvait se le permettre du reste, puisque trois femmes turbinaient pour son compte : sa régulière, à Barbès-Rochechouart ; et deux « doublards » en province : l'une à Lille, rue de l'A.B.C. et l'autre à Nancy, juste derrière la place Stanislas. Il allait les voir régulièrement, chaque mois, pour toucher son fric ; comme un honnê te capitaliste détache ses coupons, à la banque.
Dans le milieu, le Malabar faisait figure de caïd, et il le méritait, car il avait l'âme d'un chef ; de plus, il était tatillon et à c heval sur les principes. Ce qui était extraordinaire, c'est qu'à huit heures et demie du matin l'homme ne paraissait nullement disposé à aller se pieuter ; pourtant, il était l'esclave de ses habitudes ; or, au lieu de se lever en repoussant l a table du geste qui lui était familier, il continuait à philosopher, de sa voix traînante de voyou fatigué :
— Les gonzesses, vois-tu, c'est tout le contraire d es diams ! Prends par exemple une souris de vingt-deux berges, belle comm e le jour, bien rembourrée, et tout et tout. C'te sauterelle-là vaut son pesant d'or : bien lancée sur le macadam, elle se fera des sacs tant qu'elle voudra, à condition que son p'tit homme lui serre la vis et la maintienne dans le dro it chemin. Bon ! Mais donne-lui trente piges de plus !
« Elle est tout juste bonne à faire les cinés et au tres lieux obscurs où les détails perdent toute espèce d'importance ; elle bo it comme un trou et fume comme un sapeur ; son rendement a diminué en même t emps que son tarif. Et si tu la fous en cabane, on ne la recevra plus que dans les boîtes à sidis de dernier ordre. En tous cas, c'est plus à cet âge-là qu'une grenouille attrape des durillons dans l'dos !
— Je ne vois pas bien où tu veux en venir...
— Tu vas piger, mon pote ! Crains rien. Passons mai ntenant aux diams. Supposes-en un de vingt carats. C'est rudement chou ette, me diras-tu... et digne de figurer à la vitrine d'un bijoutier de la rue de la Paix. D'accord... Mais ajoutes-y trente de plus, histoire de le transformer en un caillou de cinquante : du coup, tu l'retrouves au Louvre, ni plus ni moins, à côté du Régent ! C'est donc bien ce que je te disais : quand une môme prend du poids, e lle dégringole. Les diams au contraire, plus ils en ont, plus ils s'élèvent.
— Au fond, t'as raison ! approuva Mimile, convaincu par ce raisonnement sans fissure. Alors, on remet ça ?...
— Pour sûr ! Faudra bien tuer l'temps en attendant Zidore... La même chose, Pepito !
L'homme au manteau de teddy lança un regard soupçon neux dans la direction de l'Italien, mais la respiration réguliè re du marchand de cartes postales le rassura : c'est tout juste si le dormeu r ne ronflait pas.
— Malheur de malheur... gronda Freddy sur un ton où la pitié le disputait au dégoût. Quand j'pense que ça nous pend au nez à tou s, tant que nous sommes...
Le patron s'était approché, ses bouteilles posées s ur un plateau qu'il maniait avec la dextérité gracieuse d'un jongleur de music-hall :
— C'est l'grand Zidore que vous attendez ? s'inform a-t-il. Isidore Truffeau ?
— Oui...
Le Malabar lança un regard éloquent du côté du cons ommateur endormi, puis il poursuivit, strictement confidentiel cette fois :
— Il est plongé jusqu'au cou dans les emmerdements, le pauvre ! T'es pas au courant ?
— Je l'ai vu il y a deux ou trois jours ; il est ve nu ici sur le coup de cinq heures, et nous avons joué un zanzi à quatre, avec l'Enflé et Jojo le Marseillais. Il était comme d'habitude !
— C'est d'hier que ça date ! intervint Mimile le Co rdonnier. Il y a quelques heures à peine.
— Qu'est-ce qui est arrivé ?
Freddy connaissait Mallagon ; l'Espagnol avait rend u plus d'un service à la corporation des mauvais garçons, n'hésitant pas à j eter dans la balance de la Justice le poids de son serment de commerçant paten té, afin de procurer à quelque copain dans la détresse un alibi de fantais ie. On pouvait avoir confiance en lui ! Pepito avait fait ses preuves.
— C'est toute une histoire... commença l'ours en pe luche en rejetant son chapeau vert sur sa nuque. Zidore est un mec du bât iment, tu l'sais aussi bien que moi ; et il a une gonzesse qui travaille pour l ui ; plus d'la dernière couvée, je l'reconnais, mais enfin, elle a encore du rendement !
— La grosse Louise, de la rue de la Charbonnière ?
— Tout juste ! Eh bien, la môme lui a joué une ento urloupette, et une fameuse : quinte et quatorze et l'point bon !
— Pas possible ?...
— Comme je te l'dis ! Elle s'est amourachée d'un mi cheton, un beau frisé qu'a une gueule d'amour comme un p'tit Saint Jean, paraît-il. Depuis, elle se l'tape tous les joursgratis pro deo, et elle lui refile son fric par-dessus le marché ! Tu te rends compte ?
— C'que les femmes sont vicieuses quand même !
— Tu penses si l'grand Zidore a réagi !... Il a com mencé par lui dire ses quatre vérités, à sa môme ; puis, il lui a foutu un e dérouille que les étincelles en volaient dans tout le quartier !
— Tout compte fait, elle l'avait mérité ! approuva gravement Émile qui était un partisan résolu de la manière forte.
— V'là donc le copain qui met les bouts, l'opératio n terminée, et il s'en va jouer quelques belotes avec les potes ; puis, vers minuit, il rapplique sur les lieux, histoire de voir si l'traitement a fait de l 'effet. Pas besoin de te confier qu'il a également une autre idée dans l'ciboulot : il veu t lessiver son p'tit condé avec le frisé, qui revient tous les jours à la même heure...
« Et qu'est-ce qu'il voit l'Zidore ?... Toute la ru e est sens dessus dessous : descente de police ! Notre homme a l'nez creux : il se propage avec prudence, sans avoir l'air d'y toucher, et il s'informe en do uce auprès d'une pépée qu'il connaît de vue, Malou la Bretonne.« Fais gaffe, mon gars ;lui répond. qu'elle Un cave a découvert la Louise avec des bleus des pi eds à la tête ; elle a passé l'arme à gauche, et l'mec n'a rien eu d'plus pressé que de donner un coup de fil aux flics. »Tu vois l'résultat !
— Merde alors... s'exclama Pepito franchement admir atif. Il cogne dur, Truffeau !
— Il ne connaît pas sa force quand il est en colère ... Enfin, soit ! Il a dépassé les limites, mais on n'peut guère lui en vouloir pu isqu'il était dans son droit. De plus, c'est déjà assez triste qu'avec la Louise il perde son gagne-pain ! Toutefois, tu n'connais pas l'plus crevant de l'his toire !
— Quoi donc ?
— Les roussins ont poissé Gueule d'Amour qui venait repiquer au truc !
— Y a quand même une justice ! jubila le cordonnier . Car au fond, c'est à cause de lui que tout est arrivé... Que deviendrait le monde si les demi-sel se mettaient à faire la concurrence aux barbeaux ?
— Et l'grand Zidore ?
— Tu penses s'il s'est déguisé en courant d'air ! E t il n'a rien eu de plus pressé que de venir me demander conseil.« T'énerve pas,que j'y ai dit.Faudra un bout de temps avant que l'curieux s'aperçoive qu 'il s'est foutu l'doigt dans l'œil. Profites-en pour te tirer avec élégance et m ettre une frontière entre ta pomme et les poulets. »
— Où compte-t-il aller ?
— En Belgique, pardi ! Je lui ai donné l'adresse de Baruch Lipsky pour se procurer des faux papiers, et il n'aura aucune pein e à se faire embaucher comme mineur dans un charbonnage, en attendant mieu x. Il tirera son plan, crois-moi ! L'Zidore est un fortiche !
— Il a du fric ?
— Ça, je m'en charge ! répliqua Freddy avec majesté . Il ferait beau voir que j'laisse un frère dans la mêlasse. J'y ai dit d'pas ser par ici avant d'prendre son train.
Afin de montrer combien il appréciait la noblesse d e ces sentiments altruistes, Mallagon remplit les verres d'autorité ; c'était sa tournée ! Et pour ne pas se singulariser, il se versa un mandarin-cu, à lui aussi, nourrissant l'espoir qu'il fasse bon ménage avec le rince-cochon de tout à l'heure.
— Qu'est-ce qu'il en écrase, à côté ! lança Mimile en désignant l'Italien de la pointe du menton.
— T'occupe pas... répliqua le patron avec une légère touche de mépris. Moi, j'peux plus blairer les spaghettis depuis Carapetto !
Pepito avait surmonté cette étrange sensation de co ntrariété, d'écœurement qui l'étreignait depuis un bon bout de temps déjà ; c'était toujours la même chose lorsqu'il pressentait une catastrophe. Mais m aintenant qu'il savait qu'il n'était pas dans le coup, il envisageait la situati on avec plus de sérénité.
Isidore Truffeau entra au« Vermouth-Bar »moment précis où le au régulateur sonnait...
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