Au royaume des vivants
50 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Au royaume des vivants , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
50 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

"L’aurore naissante, ragaillardi par les mots de Gladys qui résonnent encore à mes oreilles, je me noie dans le travail, fermement résolu à percer le mystère d’Hippolyte Carbonel. Mon mur est envahi d’holoscans et de photographies issus de mes archives, auxquels se sont rajoutés reportages et autres rapports d’enquêtes fournis gracieusement par le capitaine Ferrer. Déterminé à ce que rien ne m’échappe, je recoupe l’ensemble des éléments à ma disposition, en quête de la moindre similitude entre les différentes disparitions. Maintenant que le dénominateur commun est en ma possession, cela devrait être plus facile. Une fois toutes les pièces rassemblées, je ne doute pas de parvenir à faire éclater la vérité."


Dans un futur plus ou moins proche, pour aller d'Hanoï à Rio de Janeiro en quelques minutes à peine, il suffit d'emprunter le réseau mondial des téléporteurs. Simple, pratique, abordable. Désormais, tout le monde peut franchir les océans en traversant une porte. Tout le monde, sauf les personnes du groupe sanguin AB négatif, et ce bien qu'aucune science ne soit capable d'expliquer pourquoi. C'est ainsi. Dominique Serin, enquêteur privé de son état, ne peut pas se téléporter. Pourtant, ça lui serait fort utile pour résoudre ces cas de disparitions qui l'obsèdent depuis des années. Car là encore, la science a échoué à résoudre le mystère de ces disparitions. Vraiment, il se passe des choses étranges au royaume des vivants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2020
Nombre de lectures 2
EAN13 9791097100742
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Emmanuel Quentin
Au royaume des vivants
   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les Éditions Mille Cent Quinze
Toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l’auteur
ou des ayants droit
est illicite
(article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle).
 
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction
réservés pour tous pays.
 
 © Emmanuel Quentin
 © 2020, Les Éditions Mille Cent Quinze
 
ISBN : 979-10-97100-74-2
 
Photo de couverture   : 2020 © Victor Yale
 
Retrouvez nos autres titres sur
http://editions1115.com

 
 
 
 
Emmanuel Quentin
 
 
AU ROYAUME
DES VIVANTS
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les é ditions 1115

1
 
 
En matière de chiffres, lorsqu’un privé commence à regarder ses statistiques plus encore que l’état de son compte en banque, c’est qu’il y a un problème. Je sais de quoi je parle. Je suis détective. Et si j’en crois les tableaux comparatifs des affaires traitées par mes soins ces trois dernières années, le doute n’est plus permis : il y a quelque chose de pourri au royaume des vivants.
Formulé ainsi, on pourrait croire que les chiffres sont à la baisse, mais ce n’est pas le cas. C’est même tout à fait l’inverse. De mémoire, je n’ai jamais observé une telle courbe ascendante… Forcément, avant je ne consultais pas les statistiques. Les statistiques sont au détective ce que le désintéressement et l’empathie sont au banquier : une incongruité, un non-sens, une extravagance. Je sais de quoi je parle. Mon banquier est une ordure. Avant, quand je tirais le diable par la queue, il me harcelait sans répit. Rappels à l’ordre, menaces, cela dépendait de son humeur ou de ma persévérance à crever le plafond de mon découvert autorisé. Aujourd’hui, il me contacte encore très souvent, trop souvent, mais pas pour les mêmes raisons. Maintenant, on dirait qu’il voudrait me protéger de la terre entière, de la mort, des incendies, des actions en justice. Il s’inquiète pour moi. Souvent. Un accident est si vite arrivé, répète-t-il. C’est vrai, un accident est si vite arrivé…
Ceci dit, revenons à nos chiffres. Il ne faut pas chercher bien loin pour remonter aux origines de cette recrudescence des affaires. Car pour être honnête, mes incontestables compétences mises à part, je dois reconnaître que ma vie, ainsi que celle de mes confrères et concitoyens, a radicalement changé avec l’apparition des premières bornes de téléportation. Trois ans plus tôt, donc.
Jusqu’ici tout va bien, la logique est respectée. Avec cette ouverture au monde , les affaires ont explosé et, naturellement, l’argent est entré dans les caisses. J’ai pu recruter un apprenti – plusieurs se sont même succédé, mais sans répondre aux critères requis, une catastrophe – et le dernier en date fait preuve…
— Dominique, dit Gontran, déboulant dans le bureau sans frapper, votre cliente est arrivée et elle tire une tronche, je vous raconte pas.
… d’une familiarité, d’un sang-gêne et d’une maladresse qui, s’il ne m’avait pas été recommandé par ma chère Gladys, lui auraient coûté sa place depuis longtemps. Son entrée fracassante me fait sursauter dans mon flotteuil et je porte aussitôt la main à mon cœur fragile.
Ting !
L’avertissement émis par la boule en marbre connectée reposant sur mon bureau est on ne peut plus clair. Ma fréquence cardiaque s’emballe.
— Gontran, je t’avais averti que je ne voulais pas être dérangé cet après-midi. De plus, je n’ai aucun rendez-vous inscrit aujourd’hui. Tu l’aurais su si tu avais pris soin de jeter un œil sur l’agenda.
La remontrance coule sur le jeune homme et s’évapore aussitôt dans l’air ambiant.
— OK, fait Gontran de sa sempiternelle voix traînante en se retournant. Je lui dis d’aller voir ailleurs.
— Attends ! Elle t’a exposé sa demande ? Un cas de disparition ?
Il hausse les sourcils, perplexe.
— Euh… je sais pas. Peut-être. Elle a pas… Elle souhaite vous parler à vous et rien qu’à vous.
Exactement le type de flatterie à laquelle je ne suis pas en mesure de résister. Une de mes principales faiblesses.
— Fais-la entrer.
— C’est que… vous êtes OK pour être dérangé maintenant ? J’ai du mal à vous suivre des fois…
En présence de ce grand échalas de vingt-cinq ans – longs bras, longues jambes, visage fin surmonté d’une tignasse de cheveux bruns tombant aux épaules – les soupirs sont légion, et quelque chose me dit qu’il s’en réjouit ou, pire encore, qu’il joue avec mes nerfs à dessein, s’amusant à repousser des limites que j’ai jusqu’alors été incapable de fixer. Avec ses prédécesseurs, je n’ai pas eu à en poser, ils se sont grillés tout seuls en réalisant très tôt que le métier ne correspondait pas du tout à l’image qu’ils s’en faisaient. Détective privé, c’est un art. Pas seulement celui de la discrétion, du désilhouettage ou de la roublardise gouailleuse. Détective, c’est surtout l’art de se faire chier les trois quarts du temps sans jamais en être affecté. Et quelque chose me dit que Gontran possède ce potentiel. Le problème c’est qu’il est juste outrageusement irritant, et si je ne me suis pas encore résolu à fixer les limites, des limites qui lui feraient pourtant le plus grand bien, c’est à cause de Gladys. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle me le glisse entre les pattes sous prétexte qu’il s’agissait de son neveu ? Et pourquoi, pourquoi ne puis-je rien lui refuser ?
— Alors, je fais quoi ? insiste Gontran, l’œil goguenard.
— Fais-la entrer, je t’ai dit.
— OK, OK, c’est vous le boss. Boss.
Si je n’avais pas une si grande utilité de ma boule de détection des troubles cardiaques, cela m’aurait fait un bien fou de la lui fracasser sur le crâne. Ce n’est certes pas très charitable, mais pour ma défense, si je veux passer l’hiver, il faut bien que je trouve des solutions pour faire baisser ma tension.
Alors que Gontran s’en retourne chercher notre potentielle cliente, mon regard se reporte sur l’écran holographique où s’affichent toujours mes singulières statistiques : en l’espace de trois ans, les cas de disparition ont triplé. Soit. Avec la téléportation, la tentation est grande de se fondre dans le décor, de rompre les amarres avec un quotidien devenu trop pesant. Passer à l’acte n’est pas simple, mais accessible à n’importe quel quidam. À condition de s’en donner les moyens. Après tout, la corruption ne connaît pas de frontières, et qu’on le veuille ou non, tout le monde laisse des traces derrière soi. C’est un point d’équilibre, une règle d’or. Seulement voilà, c’est affiché bleu luminescent sur fond transparent, chiffre 0 clignotant à l’appui : je n’ai retrouvé personne et ne suis parvenu à remonter aucune piste.
Tristement aucune.

2
 
 
Sur le pas de la porte, la cliente n’ose pas avancer. Elle inspecte rapidement la pièce, comme pour y trouver un gage de respectabilité et de sérieux. J’ai l’habitude d’un tel comportement. Chez certaines personnes, la première impression est déterminante, quand bien même s’y fier me paraît absurde. Mon propre mentor vivait dans un taudis, dans les bas-fonds de la ville et s’il s’était lui-même éloigné des règles d’hygiène les plus élémentaires, ce qui rendait sa proximité un tantinet incommodante, il n’avait pas son pareil pour sonder le cœur des gens et déceler en eux leur nature profonde. Néanmoins, pour parer à la fâcheuse tendance de tout un chacun à juger sur les apparences, j’ai opté pour une décoration tout en sobriété. Il n’y a rien d’autre dans cette pièce qu’un bureau en chêne massif confectionné par un de mes arrière-grands-pères – Michel ou Yann, je ne sais jamais – trois flotteuils confortables, une chaise d’appoint et trois tableaux de Hopper accrochés aux murs blancs, People in the sun , Rooms in New-York et Office in a small city , lesquels s’accommodent à merveille de l’exposition de l’immeuble et de la lumière filtrant à travers les lattes en bois des stores vénitiens. À quelques détails près, mon bureau est la réplique exacte du cabinet de mon médecin, deux étages plus haut. Je suis parti de l’idée très simple que si j’étais moi-même rassuré dans un tel environnement, épuré et sobre, mes clients le seraient tout autant.
Son inspection terminée, la femme entre enfin, intimidée. Elle est petite, pas plus d’un mètre cinquante, vêtue d’une jupe sombre et d’un chemisier en soie beige avec, autour du cou, un collier de perles. Un petit sac à main noir brillant est suspendu au creux de son coude. Ses cheveux sont blonds, légèrement ondulés. Son visage est recouvert d’un fond de teint si épais qu’il peine à camoufler une peau couperosée, elle-même imprégnée d’un parfum capiteux à souhait. Ses gestes manquent d’assurance et révèlent une personne fragile, habitée par l’inquiétude et la peur, une personne pour laquelle un détective privé ne peut-être qu’un ultime recours. Ça sent l’affaire de mœurs à plein nez. Cela me convient. Ces derniers temps, j’ai exclusivement bossé sur des histoires de concurrence déloyale pour différentes entreprises alarmées par la perte soudaine de clients, la chute vertigineuse de leur chiffre d’affaires et les vagues de démission de leur personnel. Je devais en identifier la source. Classique, facile, insipide. Ce type d’enquêtes ne m’amuse plus. Les tours et détours des criminels en cols blancs répondent sans cesse aux mêmes schémas, systémiques et froids, sans surprises ni créativité. Je préfère de loin les affaires de mœurs, autrement plus passionnantes. Parce que derrière l’apparente répétition des causes et des effets qui les conditionnent aussi, il y a autant d’histoires que de personnes, nourries de leur vie, de leurs parcours, de leurs interactions sociales, autant de

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents