La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 01 juin 2020 |
Nombre de lectures | 12 |
EAN13 | 9791037708403 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Fabrice Liaudet
Il te faudra apprendre
Roman
© Lys Bleu Éditions – Fabrice Liaudet
ISBN : 979-10-377-0840-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Illustrateur de la couverture : Moreau Chantal
1
Il avait dix-sept ans lorsqu’il le rencontra pour la première fois et il se souvenait encore de cet instant comme si c’était hier. Il avait débarqué chez eux un soir d’automne ; une fraîcheur soudaine s’immisçant sous sa petite veste avec une ferveur frisant l’indécence ; les premières feuilles du grand chêne commençant tout juste à tomber, le ciel de plus en plus terne.
Il rentrait du bois comme toujours, en prévision d’un hiver que les anciens du village prévoyaient rude.
Comme chaque année, pensa-t-il.
Chaque bûche, chaque morceau, même le plus insignifiant fût trié et transporté sous la grande remise.
Clovis s’obstina jusqu’à grimacer de douleur, jusqu’à ne plus pouvoir gérer ce mal qui le rongeait depuis trop longtemps. Une douleur tenace dut à un accident lorsqu’il était enfant. Il devait gérer cela seul ; sans vraiment pouvoir en parler. Si ce n’était qu’à sa mère. Car son père n’était plus de ce monde et il n’avait de souvenirs que ses mains rocailleuses lorsque de temps à autre – un peu trop souvent à son grand désespoir – elles venaient percuter de plein fouet son visage. Il n’était pas vraiment une petite teigne, un peu effronté peut-être, comme pouvait l’être n’importe quel enfant, toujours en éveil, la verve haute et le sens inné de ce qu’il estimait être juste, et ce que son père lui faisait subir ne l’était en aucun cas. Il était battu, simplement parce qu’il existait, par ce qu’un beau jour de printemps, sa mère l’avait mis au monde dans la plus stricte intimité.
Son bourreau était là, guettant ses moindres faits et gestes, lui reprochant chaque seconde d’être apparu trop soudainement dans sa petite vie tranquille ; comme en d’autres temps où les enfants n’étaient pas toujours désirés, et il n’avait pas échappé à cette règle.
Mais Clovis s’affirmait chaque jour un peu plus sous les coups répétés ; ceux-là mêmes qui venaient le tirer de ses rêvasseries perpétuelles.
Il était un « doux rêveur », comme disait sa mère et un rêveur, ça ne permet pas de nourrir sa famille ! Le seul petit reproche qu’elle pouvait lui faire, tant elle l’aimait ; un rempart bien fragile, mais consolidé par un amour inconditionnel.
Alors, tous deux continuèrent de vivre, à espérer des jours meilleurs, plus sereins, sans violence… Une mère qui malgré une vie difficile, venait quand elle le pouvait, l’envelopper d’une infinie tendresse ; le réconforter, lui donner cet amour qui l’aida finalement à se construire.
Ce fut une enfance de dureté, parsemée ici et là d’un amour sans failles ; la bonté même contre la tyrannie ; jusqu’à ce jour où celui qui fut son bourreau eut un accident mortel.
Clovis n’a jamais vraiment su de quelle façon cela était arrivé et lorsqu’il interrogeait sa mère elle changeait de sujet, lui demandait de ne pas insister, car « toutes les vérités ne sont pas bonnes à être révélées », voilà ce qu’elle finissait toujours par répondre, le laissant encore à ce jour dans le questionnement…
Quant au mal qui rongeait la jambe de Clovis, il restait lui aussi très trouble : un coup de sabot, rien de plus que cela, aucun autre détail, il n’a donc plus jamais rien demandé, ni pour son accident ni pour son père.
Alors ce soir-là quand cet homme est venu frappé à leur porte, il a senti son cœur s’accélérer, son sang couler dans ses veines à la vitesse d’un cheval au galop. Que voulait-il ?
Il s’est d’abord présenté très poliment, puis s’est excusé pour le dérangement.
Clovis a tout d’abord ressenti quelque chose d’indescriptible quand ses yeux d’un bleu profond l’ont dévisagé, alors qu’il expliquait à sa mère qu’ils n’avaient rien à craindre et qu’il cherchait du travail. Il lui a semblé l’espace d’un instant que le temps venait de s’arrêter. Son regard l’a enveloppé d’une énergie jusque-là jamais ressentie, alors qu’il ne connaissait cet homme que depuis deux minutes et pourtant, il lui semblait le connaître depuis toujours, comme deux chemins que tout oppose et qui finissent par se rencontrer.
C’était un grand gaillard taillé pour le travail à la ferme, la quarantaine tout au plus, cheveux grisonnants et habillé très sobrement ; il avait un sac à dos de couleur rouge posé sur son épaule et un petit sac en toile de jute. La mère de Clovis l’a dévisagé avec méfiance, les étrangers de passage dans la région n’étaient pas habituels et encore moins lorsqu’il venait frapper à leur porte.
« Je ne vous demande rien comme rémunération, sinon de quoi me nourrir et un petit coin dans votre étable… Je me ferais discret le reste du temps et ne vous importunerais d’aucune façon. »
Son langage respirait la poésie, il sentait bon l’élégance, tout en lui sinon son apparence quelconque, indiquait une certaine culture.
Sa mère hésita ; veuve depuis dix ans, elle restait méfiante. Leur demeure était quelque peu isolée et les étrangers de passage étaient rares dans les environs, il n’y avait que les voisins qui de temps à autre, venaient leur rendre visite. Mais, ils avaient besoin de main-d’œuvre, l’hiver se préparait tout doucement, et son fils ne pouvait l’aider comme il se devait. Alors elle lui demanda ce qui l’avait poussé à venir chez eux.
« Rien, sinon le hasard et votre demeure m’a inspiré confiance.
— Très bien, répondit-elle. Trouvez-vous un coin dans l’étable… Mais au moindre problème, vous partez, c’est compris.
— Je ne vous causerai aucun souci, n’ayez crainte. Merci beaucoup ! »
L’homme se retira avec déférence, tout en lui inspirait la bonté ; son visage, son regard, ses manières. Rien en lui ne poussait à ressentir de la méfiance. Clovis en fut presque chamboulé. Il n’avait jamais éprouvé un tel sentiment. Il ne connaissait pas cet homme et pourtant une petite voix intérieure lui insufflait d’avoir confiance. La mère de Clovis après avoir fermé la porte, lui fit aussitôt quelques recommandations.
« Ne t’approche pas de cet homme tu m’entends, c’est un étranger, on ne connaît rien de lui !
— Mais maman, répondit Clovis étonné, il n’a pas l’air méchant, comment peut-on le juger alors que l’on ne connaît rien de lui