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Description
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Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 29 juillet 2020 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9791037709783 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Janine Lionet-Bonis
L’année du nain
Roman
© Lys Bleu Éditions – Janine Lionet-Bonis
ISBN : 979-10-377-0978-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
« Le pire en ce monde ne résulte pas toujours de la méchanceté ou de la violence, mais plus souvent de la faiblesse »
Stefan Zweig
Du même auteur
Romans
La Nuit des Astérides , Furet du Nord Voix du Nord
Prix : À la découverte d’un écrivain du Nord Pas de Calais
L’Acacia fleurit en hiver , Ed. Littera
Prix : Maurice Schumann. Renaissance française du Nord Pas-de-Calais
Les Dames de Cœur , Ed Le Riffle
Romans jeunesse
Un Cirque au nom d’étoile , Ed Safrat Paris
Le Repaire du Garde-fou , Ed Safrat Paris
Nouvelles
Les Chemins de la Haute Mer Hauteurs N° 4
Naissance d’un Projet , L’Encrier Renversé N° 5
Prologue
La commune de Marelles, dans les Hauts de France, autrefois le Nord, est entrée dans le vingt et unième siècle en cachant à peine son impatience. Quinze années plus tôt, ce n’était qu’un bourg, connu seulement pour ses monuments et ses remparts, qui commençait à mordre sur les terres voisines, pressé de faire craquer sa carapace et d’accéder à son nouveau statut de petite ville, comme on gravit une marche vers la célébrité.
C’est à peu près à cette époque que Jacques Catalan, celui que les habitants d’ici et ceux des communes voisines appelleraient désormais le nain sans autre forme d’état civil, est apparu pour la première fois dans une de ses tenues voyantes devant la gare, aussitôt repérable et repéré. Par les badauds sur le trottoir. Par le patron de la pizzeria d’en face, toujours un œil sur sa vitrine. Et par l’ensemble des clients accoudés au comptoir du Café des Voyageurs. Il était manifestement ivre. Deux employés de gare durent le porter, son sac de voyage accroché à l’épaule, jusqu’à la camionnette d’Anna Cordillère qui l’attendait.
Du coup, personne ne s’est soucié de son nom, malgré les événements qui ont marqué son passage à Marelles. Pour les gens de la région, l’année 2000 est restée celle où l’entreprise des cartonnages Verrier a fermé ses portes et licencié 120 personnes. Celle du Grand Bûcher qui a tellement frappé les esprits. Mais surtout, dans un raccourci effrayant, celle de l’année du nain , un repère et une référence. Comme il y a dans le calendrier chinois l’année du chat ou celle du dragon.
Je voudrais ici écrire pour me souvenir, et redonner leur nom aux trois protagonistes du drame cette année-là. Je dispose pour cela d’une excellente mémoire. Et puis il y a les faits dont j’ai été témoin, les événements que j’ai moi-même vécus, les textes, courriers et confidences que j’ai pu recueillir, et surtout les longs échanges avec le libraire Sébastien Joulle à qui, pendant des années, j’ai rendu visite en prison.
L’oubli est une deuxième mort qui ferme définitivement les tombeaux. Il n’y a qu’un remède à cela, les mots. Ils charrient l’espoir et finissent par redonner vie. Oui, je veux faire revivre Jacques Catalan, alias le nain , qui fut mon ami. Sébastien Joulle, aujourd’hui en libération conditionnelle, qui se terre dans sa librairie. Et Anna, la femme oiseau comme nous l’appelions entre nous, Anna Cordillère, décédée l’an dernier d’une morsure de rat mal soignée, dont le beau domaine de La Tourette vient d’être revendu.
L’acheteur est un groupe russe, qui va tout raser pour construire un golf de neuf trous et un luxueux Club House.
Paul Jourdain, Docteur vétérinaire à Villiers.
Jacques Catalan à Paul Jourdain
Journal
À Villiers, j’ai mis au point un numéro qu’on vous a sûrement rapporté. Quand je franchis le pont de la Lys, pour peu qu’il y ait des passants ou des pêcheurs sur la berge, je fais mine chaque fois d’enjamber le parapet. L’effet est garanti. Les gens sont d’abord étonnés, puis c’est la panique. On crie au suicide, on m’apostrophe, on tente de s’approcher, on sort les téléphones portables pour appeler le SAMU, et je n’ai plus qu’à fuir à toutes jambes – pas facile pour un nain – en jubilant au fond de moi. Même si je crains qu’un jour la police avertie ne vienne me cueillir au bout du pont.
Dans le même ordre d’idée, je ne peux pas marcher dans la rue sans provoquer la grogne des gens. Ceux qui me croisent n’osent pas m’aborder mais sont choqués, je le vois dans leurs yeux, je lis leurs pensées à livre ouvert. Quand on est un nain, on passe discrètement, on s’habille discrètement, sans zigzaguer sur le trottoir …
Manque de chance, j’aime l’extravagance, les couleurs voyantes, j’aime avoir l’air d’un vieil enfant, plutôt mal élevé, qui se croit tout permis. C’est mal, je sais. Vous n’êtes pas d’accord, Paul Jourdain, je sais. Mais c’est ma façon d’exister, de défier les centimètres qui me manquent et que je ne compte plus depuis longtemps ! Chez moi, il n’y a jamais eu de toise ! Voilà, c’est dit !
La conséquence c’est que, partout où je vais, les mauvaises langues sont à mes trousses, ou plutôt elles m’accompagnent comme un chœur de pleureuses.
Ici, à Marelles, vous avez dû entendre les rumeurs. Elles naissent, selon moi, rue Pasteur, dans la promiscuité des maisons de brique, mitoyennes, ennuyeuses, toutes semblables. Un mur étroit, un étage, deux fenêtres sur rue. On se serre la main d’un seuil à l’autre.
Quand je traverse ce quartier, il me pousse des antennes, tant l’impression physique d’être espionné me rend méfiant. Il arrive que les rideaux bougent ou se lèvent franchement sur mon passage. Les rumeurs se répandent ensuite dans les familles, à la sortie des écoles, chez les commerçants, elles envahissent l’espace, apportées par un coup de vent, avant de s’épanouir au Café du Commerce ou dans la sacoche du facteur. Bref, elles sont partout. Mieux vaut ne pas les écouter, même si quelqu’un suggère qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Je vous dirai un jour, et ce sera ma vérité, l’amitié qui nous lie, Anna Cordillère et moi.
Pour commencer, je crois qu’elle est un peu sorcière. Je m’en suis rendu compte dès notre première rencontre. Mine de rien, elle a tout de suite percé à jour mes contradictions, mon apparence bourrue de nain mal dans sa peau. Après, ce n’était plus qu’un jeu d’enfant pour elle de me jeter un sort et de me prendre dans ses filets. La preuve de ce que j’avance ? Eh bien, depuis ce jour, moi qui déteste les contraintes, les horaires, les habitudes, les dates marqu&