Louis et les esprits de Banie
150 pages
Français

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Louis et les esprits de Banie , livre ebook

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150 pages
Français

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Description

Embarquer à la conquête du Pacifique

En son temps inconnu et désormais dans l’oubli, comme des milliers d’autres bougres, assoiffé de curiosités et de découvertes, un homme tenta, un peu malgré lui, l’aventure qu’offraient tous ces mondes, qui, aux yeux de la vieille Europe, paraissaient bien nouveaux. Il s’embarqua un jour sur un navire qui promettait les merveilles de l’Orient, les perles du Pacifique et l’Eldorado. Le temps d’une épopée, il se tint dans l’ombre de son capitaine, qui se fit seul une place dans l’histoire. Comme ces illustres hommes, il ne voulait point conquérir. Il espérait mettre l’Homme en contact avec l’Homme. Il voulait rencontrer ses congénères, il voulait comprendre les autres, il désirait savoir. Aujourd’hui comme hier, on se souvient des massacres perpétrés par les Européens au nom de la foi et de l’or. Puisse demain, se souvenir aussi de ces hommes des premiers contacts, car eux n’avaient qu’une seule ambition : la connaissance.

Un roman historique et exotique hors du commun

EXTRAIT

(Bateau…)
Lorsqu’il vit au loin la silhouette de l’imposant navire, il referma les yeux et l’ignora. Il crut à un autre de ses fantasmes.
— (Bateau.)
Il rouvrit un œil face au soleil aveuglant. Sa joue se décolla de la peau de son avant-bras dans un bruit de déchirure, il releva la tête et posa un coude sur le sable.
— (Bateau !)
— Bateau ?
Il se pétrit le visage et plaça sa main sur son front en guise de visière. Il fronça les sourcils, se frotta les yeux. Il se toucha ; se pinça, comme pour s’assurer que ce n’était point un mirage, et se leva. Le simple spectacle d’un navire qui passait lui paraissait parfaitement irrationnel. Il lui fallait réfléchir.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Thierry Tanakas est né en 1975 à Marseille où il vit. Louis et les esprits de Banie est son premier roman, il a été écrit et développé dans les îles Salomon et en Indonésie.

Informations

Publié par
Date de parution 08 janvier 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9791023600711
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Thierry Tanakas
Louis et les esprits de Banie



À l’Ours


Premier mouvement – La liberté vient en errant
Bateau …
Lorsqu’il vit au loin la silhouette de l’imposant navire, il referma les yeux et l’ignora. Il crut à un autre de ses fantasmes.
Bateau.
Il rouvrit un œil face au soleil aveuglant. Sa joue se décolla de la peau de son avant-bras dans un bruit de déchirure, il releva la tête et posa un coude sur le sable.
Bateau !
– Bateau ?
Il se pétrit le visage et plaça sa main sur son front en guise de visière. Il fronça les sourcils, se frotta les yeux. Il se toucha ; se pinça, comme pour s’assurer que ce n’était point un mirage, et se leva. Le simple spectacle d’un navire qui passait lui paraissait parfaitement irrationnel. Il lui fallait réfléchir.
Un navire, que diable ! Un navire !
Il sourit.
Les mains posées sur les hanches, il commença à avancer sur la plage d’un pas lent et fébrile, il mit un pied dans l’eau, il rit. Un bourdonnement de bonheur envahit soudain son corps décharné. Les frissons, les tremblements, les spasmes, les grelottements, la chair de poule, le poil hérissé, les gouttes de sueur. Tout ce que pouvait produire son corps pour manifester l’ensemble des émotions qui le traversaient fut mis à contribution. Émerveillé, il reprit son souffle. Il ne pouvait y croire, un navire enfin, cet inespéré navire que lui et ses compagnons avaient tant attendu. S’ils savaient, eux qui désormais reposent sur les hauts de cette île funeste.
– Comment s’appelle cet endroit qui a servi de cimetière ?
Piano ? Parno ?
Il n’arrivait pas à s’en souvenir, son esprit divaguait depuis déjà trop longtemps et sa mémoire était farceuse. Il leva les bras. Il commença à appeler, doucement, il se tut. Il rappela. Se tut à nouveau. Puis il cria, hurla, sauta. Il gesticulait tant qu’il pouvait. Il se mit à courir sur la plage en faisant de grands gestes, du bruit, du bruit, il fallait faire du bruit, il fallait qu’il soit vu, on devait le voir, on devait le croire, on devait venir. Le navire s’approcha. C’était un gros galion espagnol d’au moins mille tonneaux.
– Au moins !
Puissant et massif, il portait sur sa poupe l’inscription de son nom en lettres d’or : Esperanza.
Esperanza !
– Esperanza…
Il le trouva très beau. Il n’avait pas vu de tel gréement depuis bien longtemps. Sa grand-voile repliée, le fier galion semblait examiner les alentours. Les géographes du bord devaient tracer leurs cartes. Les artistes devaient être à pied d’œuvre pour décrire, de tout leur talent, ces îles perdues. Les officiers étudiaient la position ; le commandant retranscrivait le tout sur son carnet de bord.
Dans ces moments, il le savait, on s’équipait de sa meilleure longue-vue, on scrutait l’horizon, on voyait tout. Et forcément, on allait le voir, lui, seul être vivant à des lieues à la ronde, on allait le voir. On allait envoyer un canot vers lui et le sortir d’ici.
Forcément.
Le son rauque du soulagement qui sortit de ses tripes provoqua un rire incontrôlable et les larmes lui montèrent aux yeux. L’excitation prit le dessus. Déjà, il trépignait d’impatience à l’idée d’être à bord, de conter son histoire, de manger, de se laver, de boire, de parler.
– Enfin sauvé !
Il riait et dansait.
– Sauvé ! Sauvé !
Sur de grands sauts de joie, il clamait désormais son bonheur d’avoir été retrouvé. Il exécutait des cabrioles et des acrobaties absurdes, il se jeta par terre dans un grand soupir d’allégresse. Son corps se décontracta entièrement, sa poitrine émit un tremblement d’émotion, il s’étira et les bras croisés derrière la tête, il partit en rêvasserie.
– Tous ces mois de misère et d’attente n’auront pas été vains ! Sauvé ! Je suis sauvé !
Il allait prendre le chemin de l’Europe, ce ne serait qu’un simple voyage de quelques mois…
– Qu’est-ce qu’un mois ?
Devant lui, se dressait déjà le tableau bucolique de son retour héroïque. Il arriverait en France et la première chose qu’il ferait, ce serait se procurer un bon gueuleton.
– Un vrai ! Avec des fromages frais, du pain croustillant, des viandes plus rouges que le sang, et le meilleur vin !
Il se toucha le ventre et éructa. Une fois repu, il prendrait la direction de Paris dans une confortable voiture, paré de bons vêtements, qu’il aurait pris soin de faire confectionner par le meilleur tailleur de la ville. Un collant de soie dans les tons de beige, une chemise blanche de belle facture, un gilet de même couleur ou peut-être jaune – soyons fantaisistes ! – le tout surmonté d’un très beau pourpoint foncé – mais pas trop – et un couvre-chef digne de ce nom.
À Paris, son bon oncle Urbain lui offrirait l’hospitalité.
– Ce bon oncle, quelle joie de le revoir !
Dans les salons cossus de la capitale, il raconterait son aventure, son épopée.
– Que dis-je ! Mon odyssée ! Ah ! Comme beau est le monde et bien faite est la nature !
Il fantasma longtemps, sa tête tournait à la vue de ces songes délicieux. Il soupira de satisfaction. Le sourire béat et les yeux mis clos, son esprit commença à couler dans les profondeurs de ses illusions. Il ressentait un bien-être jusque-là jamais atteint. Son esprit et son corps sombrèrent dans les transes vertueuses de la félicité. Tel un roi vaillant saluant son peuple au retour d’une bataille hardiment gagnée, il savourait sa victoire homérique sur les éléments, les maladies, les corruptions humaines et le destin en général. Il régnait en maître sur la fatalité dans son habit de soie, dans les salons cossus… Les mains dans le sable… La tête sous un cocotier… Habillé de guenilles puantes… Et l’épée affutée de son ennemi ressuscité lui transperça le corps d’une douleur tranchante, qui mit un terme violent à ses chimères. Il se réveilla brusquement, les larmes aux yeux, terrorisé par sa propre bêtise. Sot qu’il était, il n’avait pas assez crié. Il réalisa hébété, tel un pauvre bougre sur son îlot sablonneux, que les marins du navire n’avaient montré aucun signe qu’il fût vu, et pour faits et actes, ils ne le virent pas. Il regarda autour de lui et l’épouvantable réalité éclata. Le navire avait disparu. Pris de panique, il courut sur la plage pour le rattraper, il courut en criant, en hurlant, mais rien n’y fit, il ne le voyait plus ; ils ne le verraient plus et il n’avait aucun moyen de le faire revenir. Alors, il se jeta à l’eau et il nagea tant qu’il put, mais à bout de souffle, il s’arrêta. Il insulta le navire, ses marins, les îles, les cocotiers, l’eau, le sable et la vie. Les vagues mouvements de brasse, qui lui maintenaient la tête hors de l’eau, devenaient de plus en plus difficiles ; résigné, il fit demi-tour et retourna au rivage. Il sortit en titubant et tomba à genoux. Les idées fusaient dans sa tête. De tous ses sens réunis, l’information atteignit son cerveau. Ses pauvres méninges analysèrent la situation : bateau parti, bateau plus là. – Pauvre idiot ! – Fin de l’analyse.
Ses yeux s’inondèrent de larmes. Vide de force, il s’écroula sur le sable brûlant. Son visage offert au puissant soleil, sa balafre se mit vite à rougir et le brûla. Le bateau était parti. Sans lui. Il pleurait. Il poussa un hurlement de douleur, tapa de ses poings contre le sable, tapa de sa tête. Il vomit. Il se releva, courut vers un maudit cocotier et le frappa hargneusement à mains nues. Son visage s’était avachi sous l’effet de la haine. Il était rouge, difforme, hoquetant, les poings et le front en sang. Il s’écroula à terre, épuisé de rage. Ses pensées divaguèrent. Il ne se souvenait même plus depuis combien de temps il était là. Là ou ailleurs, il allait d’îlot en îlot depuis des semaines, des mois peut-être, qui sait. Il essayait de se souvenir de son âge, il lui semblait savoir quelque chose de son nom. Cela devait être « Antoine », à moins que ce ne soit « Ambroise », ou bien « Anselme », en tout cas, ça commençait par un A, enfin par une voyelle.
– Quelle voyelle déjà ? Une consonne peut-être ?
C’était sans importance, cela faisait longtemps que son nom n’avait plus d’utilité. Il était seul, seul au milieu du Pacifique. Ils avaient tous disparu. Il y avait ceux qui étaient morts dans le naufrage

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