Lui
16 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

16 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Dans le bref format (une vingtaine de pages) qui est le plus familier à Lovecraft pour publier dans "Weird Tales" – mais précédé ici d'une longue introduction –, un récit qui s'enfonce dans New York la nuit et propose une vision hallucinée des étapes de la formation de la ville et de son prochain destin, dans un conte terrifiant et dérangeant.


On sait qu'en se mariant avec Sonia Hafikin, Lovecraft vient habiter 2 ans à New York, et que ce séjour finira par une double impasse, de son mariage, et de toute possible conciliation entre la modernité et lui-même. La phrase célèbre qui ouvre ce récit, "Ma venue à New York avait été une erreur" en fait un texte charnière aux yeux de toute la critique lovecraftienne.


D'autant que pour une fois on a de la chance : des petits carnets de bord quotidiens que tenait Lovecraft, seul celui de l'année 1925 a été conservé. Il vient de terminer "Horreur à Red Hook", et concevra bientôt le plan de "L'appel de Cthulhu", qu'il écrira un an plus tard. Cette nuit-là, le 11 août 1925 précisément, il arpente jusqu'au petit matin la pointe de Manhattan, puis à l'aube prend un ferry pour Staten Island puis le vieux quartier colonial qu'il affectionne, Elisabeth. Là, à 7 heures du matin, il achète un cahier à 10 cents et, dans un parc, écrit d'une traite ce récit.


Avec "Un air glacial" et "Horreur à Red Hook" les 3 seuls récits à oser s'attaquer à la New York sombre et tentaculaire. Mais ici comme si pour nous le grand fantastiqueur américain nous retournait et donnait à voir sa propre peau.


Dans l'élan d'une vision fantastique ancrée dans tous les procédés de l'horreur, c'est la vision d'un New York au futur qui soudain nous est livrée, et – à quelques décennies de son écriture – rien qui infirme que la ville d'aujourd'hui n'y ressemble pas déjà en bonne part... Est-ce que c'est pour cela, notre trouble ?


FB



On trouvera sur le site The Lovecraft Monument de nombreux textes et documents complémentaires.



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2014
Nombre de lectures 21
EAN13 9782814510104
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

cover

Lui

 

Howard Phillips Lovecraft

 

 

nouvelle traduction et introduction, François Bon

 

The Lovecraft Monument

ISBN 978-2-8145-1010-4


en guise d’introduction

« Convaincre est infécond », disait Walter Benjamin, et je sais bien que les textes les plus lus parmi ceux proposés ici sont ceux dont on connaît déjà au moins le titre.

Or, ici, pas de vrai titre : sauf que ce «lui », en anglais comme en français, pourrait aussi bien concerner le narrateur que le personnage qui lui fait face, et conditionne l’énigme.

Pourtant, j’ai la conviction qu’il s’agit d’un texte charnière, un texte central à la fois dans l’oeuvre même, et tout aussi pour ses résonances biographiques, ou pour ce qu’il nous ouvre dans la pensée de l’oeuvre, et son statut dans la littérature d’aujourd’hui.

Lovecraft, une semaine plus tôt, vient de terminer la rédaction et mise au point d’un texte bien plus long, Horreur à Red Hook. À déchiffrer son carnet de bord de juillet-août 1925, on peut reconstituer une gestation étalée sur trois semaines, avec les journées plus denses à la toute fin, probablement lorsqu’il le dactylographie. Et puis, ce 10 août au soir, le voilà qui marche toute la nuit dans ce sud Manhattan, traversant probablement une fois de plus les vieilles ruelles de Greenwich Village, près de Bleecker Street, traversant le quartier chinois qui s’est glissé dans l’interstice entre l’ancien Greenwich et le premier New York. Du détail de sa marche nocturne nous ne savons rien, elles lui sont habituelles. Je penserais, intuitivement, que la densité de cette marche tenait justement à ce qu’il venait d’achever cette écriture longue, Horreur à Red Hook, et du trouble qui peut s’ensuivre entre la réalité nue et les fantasmes qu’elle laisse surgir. Ce qui nous savons, c’est à qu’à 5 heures du matin Lovecraft prend le ferry pour Staten Island, puis un bus ou tram vers le deuxième ferry, celui qui mène à Elisabeth. De cette ville dans l’orbe déjà de New York, on sait qu’il apprécie les architectures et le caractère encore colonial, au point d’voir envisagé avec Sonia de s’y installer. On sait qu’à 7 heures du matin de ce 11 juillet 1925, dans la première épicerie ouverte, il achète un cahier à 10 cents, va s’installer dans un jardin public (Scott Park, vous pouvez visiter), et jusqu’au début de l’après-midi écrit d’un jet cette histoire de vingt pages, qu’il reprendra le soir sur la Remington 1906.

Dès le premier paragraphe, une phrase semble illuminée au néon pour tous les curieux de la vie de Lovecraft, la dureté financière et psychologique que sera cette année 1925, jusqu’à la décision du retour auprès de ses tantes à Providence, par quoi finira aussi son mariage. Phrase rétrospectivement célèbre : « My coming to New York has been a mistake. » Mais, dans cette période, les perspectives de travail, même si aucune n’aboutira, n’ont pas conduit au désespoir des mois suivants. Et, même si Sonia travaille à Cleveland et ne revient plus qu’une dizaine de jours tous les deux mois, la relation commune semble encore forte et, par d’autres côtés, presque paisible, avec cinéma, restaurants pas chers, excursions communes à Coney Island ou ailleurs. Même le symptôme qui adviendra bientôt, Lovecraft usant ses soirées dans les discussions sans fin avec les copains du premier cercle jusqu’à des 5 heures du matin, même quand Sonia est présente, ne sont pas encore apparus.

C’est plus au fond qu’il faut chercher. Ce texte écrit d’un souffle, le cahier à dix cents tenu sur les genoux, dans ce calme quartier de banlieue à l’écart du Manhattan en pleine expansion, ou élévation, se développe en multiples tiroirs. Par exemple, on s’imagine au début avoir affaire à une simple allégorie, lorsque le personnage se révèle dans son achronie. Mais lorsqu’il confronte le narrateur à la suite d’images hallucinées venues du passé et du futur, on rebascule d’une transition magnifique vers un schéma narratif dans la pure tradition conte d’horreur, dans une brièveté séquentielle qui place ces pages parmi les plus réussies de Lovecraft.

Ce qui pèse sur ce récit, encore plus froidement que dans Horreur à Red Hook, c’est ce que signe l’appellation commode de racisme...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents