Manhattan 1907
156 pages
Français

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Manhattan 1907 , livre ebook

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Description

« Le 22 mars 1907, j'ai quitté San Giovanni et j'ai rallié Vasto à dos d'âne. Quarante kilomètres à travers les oliviers sur mon brave Barone avec, pour seul bagage, une valise en bois. Cette valise, c'est mon seul bien, mon seul lien avec ma vie d'avant. J'ai laissé Barone à regret à la gare de Vasto. Mon cher Barone... Avant de prendre le train pour Naples, j'ai cru voir au fond de ses grands yeux noirs l'expression d'une insondable tristesse. Ou bien ai-je rêvé... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 février 2017
Nombre de lectures 14
EAN13 9782140029387
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Écritures Collection fondée par Maguy Albet

Écritures
Collection fondée par Maguy Albet
Pialot (Robert), La courtisane rouge , 2017.
Lutaud (Laurent), L’araignée au plafond , 2017.
Mahé (Henri), Quelques nouvelles du port , 2017.
Chatillon (Pierre), La danse de l’aube , 2017.
Gontard (Marc), Fractales , 2017.
Pisetta (Jean-Pierre), Hostilités , 2016.
Toubiana (Line) et Point (Marie-Christine), De porte en porte. Histoires parisiennes , 2016.
Pain (Laurence), Selon Gabrielle , 2016.
Seigneur (Pauline), Augusta mouille-cailloux , 2016.
Berkani (Derri), Les couveuses , 2016.
Gaspin (René), Froideterre. Le roman d’un poilu , 2016.
Galluzzo (Rosine), Toutes les larmes de mon corps , 2016.
Rouet (Alain), Les incivilités du trapèze volant , 2016.
Tanguy Taddonio (Anne), Le mariage , 2016.
Le Boiteux (François), Le rêve grec , 2016.
* * *
Ces quinze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent.
La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Titre

Umberto D’Aloise







Manhattan 1907

Roman
Copyright

Du même auteur
Visages , nouvelles, Éditions La Main Multiple, Annecy, 1998.
Le Temps Raccourci , poésies, Éditions La Main Multiple, Annecy, 2007.
Esquisses , nouvelles, Éditions L’Harmattan, Paris, 2011.
Mélodies , nouvelles, Éditions L’Harmattan, Paris, 2014.
















© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-78174-7
Dédicace

A mon père
Almerindo
Exergue

Donnez-moi votre fatigue, votre pauvre
Masse qui en rangs serrés aspire à vivre libres,
Le rebut de vos rivages surpeuplés
Envoyez-les moi, les déshérités, que la tempête m’apporte,
De ma lumière, j’éclaire la porte d’or !
Emma Lazarus
Ouverture


A partir des années 1880, l’Italie connaît une grave période de crise. Ce sont les années noires de l’économie italienne. Cette situation est due notamment à la rupture commerciale avec la France qui engendre et aggrave la crise agricole. C’est dans ce contexte plutôt morose que débutent les départs massifs d’Italiens vers l’étranger, le nord fournissant une part importante des migrants vers l’Europe alors que le sud, lui, alimentera les départs vers les Amériques.
Le rêve de l’American Dream a fait des Etats-Unis une destination privilégiée avec souvent, à la clé, une terrible déception. Les migrants italiens furent pour la plupart contraints d’accepter les postes les plus pénibles et de vivre dans des conditions que les Américains eux-mêmes n’auraient jamais tolérées.
Point de passage obligé pour cet Eldorado : Ellis Island. Cette petite île, située à huit cents mètres de la Statue de la Liberté, verra passer des migrants du monde entier dont près de quatre millions d’Italiens entre 1886 et 1913. C’est la porte d’entrée du Nouveau-Monde, en réalité un lieu d’isolement que la maladie pouvait à tout instant renvoyer vers leur pays d’origine.
La crainte de voir passer des mafieux venus du sud de l’Italie durcit considérablement les contrôles, ce qui n’empêcha pas les gangs de Paolo Antonio Vacarelli ou de Monk Eastman de se livrer une lutte sans merci pour le contrôle de Manhattan, en particulier dans le Lower East Side.
C’est dans ce contexte morose qu’un jeune contadino 1 des Abruzzes, Eduardo Filippantonio, rallie un jour Vasto à dos d’âne. Passionné de peinture, il a eu le temps de se perfectionner dans cet art avec Don Berardino, un vieux maître venu de Vasto.
La rude traversée de l’Atlantique, de Naples à Ellis Island, se présente à Eduardo, comme aux autres migrants, comme un voyage sans retour. Mais que pèsent ces craintes face à la promesse d’un avenir meilleur, là-bas, à Manhattan ?
Restée seule à San Giovanni, comme bien d’autres femmes, sa mère Teresa, qu’Eduardo nomme mammina , n’a plus pour espoir que d’embarquer un jour, à son tour, à destination d’Ellis Island.
1 . Paysan
Chapitre 1 Ellis Island
Livre 1
I
30 septembre 1907
Chère mammina
A l’heure où tu liras ces mots, je serai peut-être déjà à New York, sur cette terre bénite que j’aperçois là-bas, de l’autre côté de l’Hudson, cette terre que je n’ai cessé pendant plus de trois semaines, alors que nous traversions les eaux tumultueuses de l’océan Atlantique, de magnifier dans des rêves fiévreux que j’ai souvent, depuis, tenté de dessiner.
Ou peut-être, au contraire, serai-je déjà sur le chemin du retour, refoulé comme l’ont été avant moi des milliers de migrants. Il suffirait qu’un médecin vienne à me trouver quelque maladie infectieuse, quelque signe de démence, quelque chose de louche… Que sais-je encore ?
Ma vue est mauvaise et mes lunettes aux verres épais pourraient me nuire. J’essaie de ne pas y penser pour l’instant. Je veux juste t’écrire, perdu sur un pont de navire où, de bâbord à tribord, se presse une foule de personnes presque aussi nombreuse que notre village tout entier. Imagine ! Deux mille personnes, des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières entassées dans un bâtiment aux allures de hall de gare, pressées dans d’interminables files d’attente, fatiguées, affamées parfois, traînant derrière elles de grosses valises bardées de ficelle, attendant que d’un geste de la main on leur montre enfin le chemin de la liberté. A moins que l’aventure ne se termine là, au bout d’une de ces longues files de migrants venus des quatre coins du monde, après des semaines entières passées au fond d’une cale à rêver d’un monde nouveau.
Seront refoulés d’Ellis Island les prostituées, les condamnés, les personnes souffrant d’un retard mental, les polygames, les personnes porteuses de maladies contagieuses, les anarchistes, les mineurs non accompagnés… J’ai peur, mammina. Peur d’être renvoyé de l’autre côté de l’Atlantique, peur que mon rêve ne se termine à nouveau au fond d’une cale miteuse. Toutes ces nuits passées à se boucher les oreilles pour ne plus entendre ronfler, tousser, râler, toutes ces nuits à s’empêcher de respirer pour ne plus sentir cette odeur insupportable de transpiration.
Pour l’heure, atteindre, coûte que coûte, l’autre côté de la rive, passer l’Hudson et toucher enfin cette terre qui m’apparaît, là-bas, comme un mirage.
J’embrasse ton doux visage
Eduardo
II
J’avance avec angoisse dans cette énorme pièce aux allures de cathédrale qu’on nomme ici Bagage room . S’y entassent un peu partout, dans un désordre impressionnant, toutes sortes de ballots, de valises, de nippes, de couvertures, d’étuis à violons, à mandoline ou à guitare, de cartons à moitié défoncés. Les migrants ne cessent d’arriver, par vagues, comme une houle qui ne cesserait jamais. On les voit, bagages à la main et carte d’immatriculation serrée entre leurs dents, tenter de se frayer un chemin dans cette foule toujours plus compacte.
Il m’en coûterait d’être renvoyé à San Giovanni et d’affronter, le cœur serré, le regard de ma mère. Elle serait déçue, je le sais. Alors, je prie pour qu’on me trouve fort et bien fait, comme ceux du village. Ah ! Si au moins je n’avais pas eu en héritage une aussi médiocre vue…
Rien d’autre à faire qu’attendre, attendre encore, en espérant que tout se passe au mieux. Assis sur ma valise, je lis ou je dessine sur un coin de feuille la salle des Bagages, le plafond voûté, les grandes fenêtres à ogives, les murs en briques rouges. Il flotte ici une atmosphère de crainte. On a peur de tout ; de se faire voler sa valise ou son argent, de perdre ses papiers, de n’être pas en règle et, surtout, de se faire refouler.
Un officier de santé finit par arriver. A la va-vite, il inspecte les migrants en traçant sur leur veste une lettre en gros et à la craie.
C’est mon tour. Il ôte mes lunettes, me soulève sans ménagement la paupière avec un crochet pour s’assurer que je n&

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