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Description
Informations
Publié par | Éditions Les Lettres Mouchetées |
Date de parution | 29 mars 2017 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9791095999119 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait

Éditions Les Lettres Mouchetées – septembre 2016
Collection MBONGI
ISBN : 979-10-95999-11-9 – septembre 2016
Éditions Les Lettres Mouchetées
91, rue Germain Bikouma
Pointe-Noire – Congo
ed.lettresmouchetees@gmail.com
Illustration de la couverture : Guillaume MAKANI
Emmanuel NGOMA NGUINZA
MVOUNGOUTI,
LE R Ê VE DANS LA TOMBE
nouvelle
Les Lettres Mouchetées
Nul ne peut quitter cette terre sans laisser quelques traces pour recommander la m é moire à la post é rit é .
Napoléon BONAPARTE
À la mémoire de :
Thérèse FOUNZI MATAYA
( Mwan ’ Nguete )
Gloire TCHITOULA
( ‘ Kulutu b ’ Kissi b ’ si mu likanda li mbala)
Jean NZAOU
( Zorro, Papa tranquille)
« Tuamanu kwinu. Tu ba Zabe bes ’ bo ti mu ntoto mua tu fumina, mu ntoto mua tu vutuka. Mu beso tua siala, tu é li â nu, tu é sef â nu kuitu ; ka luzingu mb â su me vesso » . 1
À ma grand-mère :
Hélène FOUTY TATY (Kadafi Vitik’Mamo)
« Bune u lekule mua mfu ntsio, liyaka li katu u lia.
Ntizika li ba â mba. Mu kaketa b â ti : Tshiaku tshiaku, tshia gana, tshi gana.
Mu ku baka munga u nguli i ngana fuanikini mbongo. Dzié bune u kambusu lu mbongo dzie u mvimba mu ku baka munga.
Ning’muana wa van’ntim’ka nguli ngana ka tchikum’tchi ke fof’» 2
Pr é face
Un événement assez sombre a servi de prétexte à l’écriture de cette nouvelle : la catastrophe ferroviaire du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) survenue en 1991, en gare de Mvoungouti. Ce drame endeuilla beaucoup de familles. Ce fut comme le réveil brutal et agité de celui qui sort d’un cauchemar, tant la réalité fut difficile à épouser ; tant l’évidence fut incroyable mais vraie ! Le Congo Brazzaville fut le théâtre de ces terribles événements.
Toute mort brusque est toujours vue comme l’arrêt forcé d’une passion, comme la privation injuste du droit à la vie ou à la joie. C’est pour le
nourrisson, en pleine tétée, le retrait inattendu, par sa mère, du sein maternel. Il s’ensuit une sorte de révolte, de frustration, de colère, mais aussi une crainte inavouée, une certaine inquiétude face à l’évidence que l’on essaie de nier et de conjurer : c’est le choc !
L’homme redoute la douleur, la souffrance. L’imagination lui sert alors d’antidote. L’imagination prête ses ailes à quiconque nie la dure évidence. Tout devient alors possible dans l’univers de la pensée pour consoler. Nos morts peuvent alors rêver, se mêler aux vivants, mener une vie vraie dans l’irréel !
Le R ê ve dans la tombe est un regard porté sur le drame de Mvoungouti et ses répercussions parmi les vivants. C’est un jeu de regards réciproques entre les vivants et les morts. Ces regards sont sous-tendus par la remise en cause des nombreux clichés sur la mort : l’amour des vivants pour leurs morts, la vie dans l’au-delà…
Le prétexte dont s’est servi Emmanuel NGOMA NGUINZA est vrai, mais l’histoire l’est plus, parce qu’elle est une création vivante et perpétuelle. Elle le sera davantage dans la tête (peut-être dans le cœur) du lecteur ! L’histoire se multiplie.
À chacun son Mvoungouti.
Bruno Roger MAKAYA
Professeur de Lettres
Un père souhaite écrire au fils qui lui manque. Lui-même rappelé à Dieu où il n’y a ni science ni travail.
Son désir pourrait-il se réaliser ?
Cette lettre pourrait-elle lui parvenir ?
Il écrit…
Par où commencer ?
Je sais que la date, c’est à droite, en haut.
Faut-il que j’écrive : Le cimeti è re, le … ?
Ou directement : Mongo Kamba, le … ?
Ou encore : Pays du repos é ternel, le … ?
Ou bien : Point final city, le … ?
Ensuite, par quelle phrase introduire après la formule d’appel ; Cher fils, bonjour … ?
Ce laps de temps me permet de t ’é crire une petite lettre … ou
C ’ est avec une grande joie que je te r é dige cette missive … ?
J’y reviendrai, l’essentiel, pour moi, est de transmettre mon message.
Les os, rien que les os de mes doigts, ne me permettent pas d’appuyer sur le stylo, par manque de chair, mais ce qui est sûr, quand je vais fermer mon enveloppe, j’écrirai à la place réservée à l’expéditeur : assied-toi avant d ’ ouvrir et devines …
Je dois te signaler qu’ ici , il n’y a pas de commerces où acheter quoi que ce soit. Ce cahier et ce stylo, je les ai ramassés sur la tombe de « la présidente » KAMBA (de son vrai nom Nkamba Suzanne, décédée à l’âge de 8 ans). Celle-ci n’est pas du genre à offrir des cadeaux aux pauvres étrangers que nous sommes, car ici, je ne suis pas dans ma région. Elle n’est pas passé par voie de concours ni par une quelconque élection pour être Présidente. Sa nomination vient du simple fait qu’elle fut la première à être enterrée ici sur cette montagne, à la sortie de Pointe-Noire, appelée en vili 3 : Mongo (montagne). Ces fournitures scolaires appartiennent aux élèves qui préparent leurs examens en suivant les consignes de leurs féticheurs, marabouts et autres ; ils ont eu pour instruction de déposer ces deux éléments au cimetière, à minuit, et de quitter les lieux sans regarder derrière eux.
Ces gens-là, mon fils, il ne faut jamais les croire. Ils ne sont même pas dans l’à-peu-près. Si tu prends les panneaux de signalisation, eux au moins, ils t’indiquent la bonne route. Pas comme ces escrocs qui te promettent beaucoup d’argent, alors qu’eux-mêmes n’ont pas le moindre sou. Ils font miroiter aux étudiants la réussite aux examens alors qu’eux-mêmes n’ont jamais été sur les bancs de l’école. Ils sont menteurs. Ils jouent sur ton esprit. Ils veulent que tu avances alors qu’eux-mêmes ne font que reculer en courant sans se soucier de la distance. Le magicien ne crée rien. Il se contente d’évaluer tes capacités et tes chances de réussite.
À près de deux mètres de profondeur sous terre, nous sommes allongés et plongés dans un profond sommeil éternel, le front face au soleil, que les vivants nous refusent en remplissant nos tombes de terre.
Enfoncée dans cette terre, une croix (en bois ou métallique) détermine la place réservée à chacun. « Ici g î t … n é le … , d é c é d é le … », jamais, « D é c é d é pour telle raison ou tel motif, il é tait ceci, il a laiss é cela », d’où l’expression : « É galit é au tombeau ».
La famille viendra déposer des fleurs, des larmes, de la boisson, de la nourriture, chaque premier novembre de chaque année, à la mémoire du disparu. Cette manière d’honorer les morts tend à disparaître avec la façon de voir les choses des Églises dites « de réveil » qui s’opposent aux prêches traditionnels et prétendent qu’honorer les morts revient à honorer des démons.
On dit qu’il faut mettre au monde un enfant pour témoigner de notre existence après la mort. Mais moi, je ne t’ai pas encore déposé dans le ventre de ta mère… D’ailleurs, que dis-je ?
Je ne sais pas si tu existes, au fond ?
Et mon enveloppe corporelle tend à devenir poussière, état auquel nous retournons, pendant que mon âme attend son jugement.
Si je manifeste le désir de t’écrire, c’est parce que j’ai des preuves. Les morts reviennent…
Une nuit, de mon vivant, je fis la connaissance d’une très belle et très gentille demoiselle. Cette nuit-là, ce ne fut pas facile pour qu’elle me cède son corps et que je te dépose à l’intérieur.
Nous avons pris rendez-vous pour le lendemain après-midi.
À cette heure-là, je devais passer la chercher chez elle. En guise de promesse, elle m’avait laissé son foulard qu’elle avait dénoué de son cou, tout en m’assurant de n’avoir peur de personne dans leur parcelle.
Le lendemain, à 16 heures, j’allai chez elle ; une maman me reçut et s’étonna de m’entendre prononcer le prénom de la jeune fille. Elle appela deux autres femmes qui étaient à l’intérieur de la maison. Je leur présentai le foulard en