Ning
154 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Ning, la vie en langue bassa, est un recueil de neuf nouvelles à travers lesquelles dans un mélange de réalisme et d'humour, l'auteur nous fait vivre quelques facettes de la société camerounaise. Une société caractérisée par une jeunesse vulnérabilisée et abandonnée à elle-même. Un univers trouble marqué par la disparition progressive des valeurs morales et dans lequel le fossé entre les classes sociales se creuse un peu chaque jour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 32
EAN13 9782296678194
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

NING
Littératures et Savoirs
Collection dirigée par Emmanuel Matateyou


Dans cette collection sont publiés des ouvrages de la littérature fiction mais également des essais produisant un discours sur des savoirs endogènes qui sont des interrogations sur les conditions permettant d’apporter aux sociétés du Sud et du Nord une amélioration significative dans leur mode de vie. Dans le domaine de la création des œuvres de l’esprit, les générations se bousculent et s’affrontent au Nord comme au Sud avec une violence telle que les ruptures s’accomplissent et se transposent dans les langages littéraires (aussi bien oral qu’écrit). Toute réflexion sur toutes ces ruptures, mais également sur les voies empruntées par les populations africaines et au sera très éclairante des nouveaux défis à relever.

La collection Littératures et Savoirs est un espace de promotion des nouvelles écritures africaines qui ont une esthétique propre ; ce qui permet aux critiques de dire désormais que la littérature africaine est une science objective de la subjectivité. Romans, pièces de théâtre, poésie, monographies, récits autobiographiques, mémoires… sur l’Afrique sont prioritairement appréciés.


Déjà parus

Edouard Elvis BVOUMA, L’épreuve par neuf , 2009.
Rodrigue NDZANA, Je t’aime en splash , 2009.
Patraud BILUNGA, L’Incestueuse , 2009.
Pierre Célestin MBOUA, Les Bâtards ou les damnés, Pièce en trois actes , 2009.
Pierre Célestin MBOUA, Les Cacophonies humaines, Poèmes , 2009.
Robert FOTSING MANGOUA (sous la direction de), L’imaginaire musical dans la littérature africaine, 2009.
Mayer ÉTONGUÉ, Hystérique …, 2008.
Robert FOTSING, Les pièges , 2008.
Olivier Thierry MBIH, Le Crépuscule des pleurs , 2008.
Marie Françoise Rosel Ngo Baneg


NING

nouvelles


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09083-5
EAN : 9782296090835

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A ma défunte mère Ngo Baneg Joséphine,
À mon Bébé, à ma famille et à tous ceux qui me sont chers.
LE CLUB
Si je me retrouve aujourd’hui au club des hôtesses, c’est par curiosité. Charlie m’en a tellement parlé et vanté le bien-fondé que je me suis finalement laissé convaincre. Aujourd’hui chez nous, les âges, les aptitudes intellectuelles, les compétences professionnelles se confondent. Les gens sont si miséreux, si démunis que les stades d’évolution de la vie sont intervertis, tronqués. Le gargouillement hargneux des intestins longtemps sevrés se confond au bouillonnement d’un cerveau de génie en action. Tout le monde est chômeur. Chacun est qualifié pour tous les postes et tous les moyens sont efficaces s’ils peuvent apporter quelque rentrée financière. Moi j’ai abandonné l’université après trois années de stagnation au premier niveau. Depuis lors, je vole d’un emploi de subsistance à un autre. De serveuse de bars de sous-quartier, je suis passée par un poste de secrétaire dans un service de communication, d’agent commercial pour un magasin. Il y a quelques mois que je suis rentrée au quartier et me suis installée derrière un call-box. Le paradis en somme. Je ne manque pas encore de pitance quotidienne. À la maison, j’ai réussi à alléger maman de quelques charges. Sur le loyer, les quittances d’eau et d’électricité… sur Charlie. Charlie, ma petite sœur.
Il existe un amalgame de raisons susceptibles de rapprocher des personnes sans tenir compte des liens de parenté. Ma mère et moi aimons toutes deux Charlie. Elle, parce que c’est le produit de sa chair ; la benjamine de ses deux enfants. Moi, c’est ma petite sœur chérie. Je pense cependant que cet amour est beaucoup plus encré en nous parce que Charlie est belle. Pas seulement de cette beauté qui se limite à un visage adorable, à un corps dispensé d’imperfections, à une peau qui signerait la perte des parfumeries. Charlie est dotée d’une beauté intérieure. Elle a toujours été si obéissante, si attachante ! Elle est une espiègle innée et c’est presque impossible de lui en vouloir. Elle caresse aussi des idéaux très rares de nos jours. Charlie n’appartiendra qu’à un seul homme, son mari. Charlie n’évolue à l’école que grâce à son intelligence. Charlie ne sera riche que si telle est la volonté de Dieu. Si telle est sa destinée. Les repris de justice, les pécheurs sont ceux qui ont un besoin constant de rappel à l’ordre. Des cours de morale, d’étude biblique. Charlie vient de fêter ses seize ans. Elle part en classe de seconde et nous sommes en vacances scolaires. Les hommes ne sont pas encore une préoccupation pour ma sœur et elle fréquente Solange, une jeune fille de son âge avec qui elle sort régulièrement. Ma mère et moi trouvons cette amitié bonne, innocente, inoffensive. Et un jour, Charlie et Solange rentrent toutes deux excitées et nous parlent du club des hôtesses. Leur enthousiasme tout puéril est beau à voir. Leurs yeux d’ébène brillent comme des topazes. Ni ma mère, ni moi n’y trouvons à redire. À ce moment, je ne connais pas grand-chose du club.
Le club des hôtesses surclasse de loin toutes les images projetées par mon imagination. Comme les églises qui naissent aujourd’hui jusque dans des salons familiaux, l’association de Joël Olinga n’a pas dérogé à la règle. Le long bâtiment aux murs écaillés qui tient lieu de salle de réunion pourrait convenablement servir de dépotoir à quelques sacs de provende. Des bancs disposés en deux rangées servent de parterre. Le podium est une table bancale toute tachetée de chaux, posée au fond de la salle. Le plus impressionnant ici est la quantité de jeunes filles qui s’y entassent comme des boîtes de conserve depuis notre arrivée. Charlie est belle. Mais aujourd’hui, je ne saurais comment la qualifier parmi la panoplie de visages ravissants qui m’entourent.
La mode a été conçue pour rendre gloire aux femmes. Et les femmes sont si encastrées dans cette envie maladive de l’épouser qu’elles en deviennent simplement des esclaves. Esclaves dans la tête, asservies dans l’âme, enchaînées toute la durée d’une vie. La femme vit dans l’ombre de la mode. Les fripiers, les tailleurs, l’industrie de l’habillement doivent leur fortune à la femme. Les salons de coiffure, les parfumeries lui sont redevables de leur souffle de vie. Et la femme africaine aujourd’hui est balayée par le vent violent de la mode venant de l’Occident. Vues de si près, toutes ces filles ont dû dépenser leurs derniers avoirs pour venir à cette réunion. Cette pièce sordide est noyée dans un océan de pantalons jeans, de courtes jupes collées à la peau et de petits bustiers assez osés. Les cheveux qui caressent en majorité le creux des reins ont une teinte jaunâtre ou une variance de bordeaux. Les lèvres connaissent de toutes les teintes jusqu’au vert citron. C’est une foule de jeunes filles extravagantes qui attendent avec impatience l’arrivée de monsieur Olinga. Expectative dans le chahut, dans des regards envieux et condescendants. Attente dans des silences hautains.
Ce silence qui depuis un certain moment enrobe la salle n’est plus de ceux simulés ou belliqueux. C’est un apaisement vrai. Un calme instauré par le respect et la concentration. Joël Olinga est enfin arrivé et depuis, c’est le sérieux. Ce sont des rappels sur la déontologie du club, sur ses fondements, sur son arbre généalogique dont les racines s’étendraient jusque dans des résidences de ministres. Les filles ne sont plus que sagesse. Pas de murmure, pas de concertation qui pourrait rapprocher des êtres appelés à ne partager que des relations de travail précaires. Le respect de la morale, du règlement du club, de la vie privée de chacun ; surtout celle de Joël Olinga pourra produire de nouveaux cadeaux comme ceux remis aujourd’hui à trois filles exemplaires. À côté de moi, Charlie et Solange tremblent de plaisir et de respect. Leurs yeux braqués sur les trois filles sont envieux. De temps à autre, elles jettent le regard sur le président des hôtesses.
Dans sa veste trois-pièces et ses chaussures en peau de crocodile, Joël Olinga inspire le respect. Il sR

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