Itinéraire d une vietnamienne - L étudiante insoumise
127 pages
Français

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Itinéraire d'une vietnamienne - L'étudiante insoumise , livre ebook

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Description

Thi-Hien est née dans un petit village du Nord Vietnam où elle partage sa vie entre l’école et le travail dans les champs. Sous les bombardements américains en 1972, la jeune fille, brillante bachelière de 17 ans, est sélectionnée pour partir étudier en Pologne, république socialiste et modèle de réussite. Fiers et admiratifs que l’une des leurs ait été ainsi « élue » par les autorités, sa famille et les habitants de son village vont alors attendre son retour avec impatience pour qu’elle les aide à reconstruire le pays après la guerre. En Pologne, Thi-Hien verra son destin changer d’orientation. En 1981, lasse de la clandestinité, elle part en France, laissant derrière elle son mari et sa fille. Elle y découvre la liberté et un système politique nouveau, mais aussi la mesquinerie et la bassesse de ceux qui ne manqueront pas d’exploiter sa situation précaire. Il lui faudra traverser de nouvelles épreuves, et attendre une longue année avant que les siens puissent la rejoindre. Thi Hien TRAN nous livre ici le témoignage émouvant d’une femme, rebelle et insoumise, éprise de liberté et qui, toute sa vie, aura essayé de vivre son propre destin, non pas celui que le système communiste, qu’elle n’a cependant jamais renié, avait choisi pour elle. Loin d’avoir réalisé son rêve de jeune fille, Thi-Hien TRAN n’a jamais cessé de se battre et a surmonté de terribles épreuves. Rongée par la honte d’avoir « trahi » ses proches pour décider seule de son avenir, elle n’est retournée au Vietnam que 19 ans plus tard.

Informations

Publié par
Date de parution 28 novembre 2014
Nombre de lectures 18
EAN13 9791029001826
Langue Français

Extrait

Itinéraire d’une vietnamienne
Thi-Hien Tran
Itinéraire d’une vietnamienne
L’étudiante insoumise
Récit écrit avec la complicité de Pierric Le Neveu
Photo de couverture : Le Thanh Tu








Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2014
ISBN : 979-10-290-0182-6
Je remercie tous ceux avec qui j’ai effectué un bout de chemin, échangé un mot ou un sourire, qui ont apporté, chacun à sa façon, une petite pierre à l’édifice de ma vie.
Prologue
Ce récit autobiographique est le strict reflet de mon parcours. Il est totalement dénué d’arrière-pensées politiques.

Depuis 1981, année de mon arrivée en France, je porte en moi le désir de raconter le long chemin parcouru entre mon village natal, au Vietnam , et Paris .

Les premières pages ont été hésitantes ; je ne savais comment m’y prendre. Petit à petit, pourtant, je me suis jetée à l’eau. Puis, coup du sort, j’ai perdu mes premiers écrits lors d’un déménagement ; il m’a fallu une longue période de réflexion avant de reprendre mon récit. Longtemps, ce travail a été chaotique : j’ai écrit, réécrit sans vraiment trouver le bon rythme. N’allait-on pas me trouver prétentieuse ? Je ne faisais pas partie des savants, des stars du monde des arts, des hommes politiques, qui, eux, avaient des raisons de raconter leur vie. Qui s’intéresserait à mon histoire ? À ces doutes s’ajoutait une vie encore instable, ponctuée de séjours à l’étranger. J’ai laissé mes souvenirs en sommeil. Je sentais que je manquais de recul, de maturité, et de sérénité.
Mais sous la pression affectueuse de mes deux filles qui souhaitaient connaître les détails de ma vie, une vie qui après tout était aussi un peu la leur, et à la demande de mes amis ou anciens condisciples, j’ai repris le travail ébauché à mon arrivée en France. J’ai puisé dans mon énergie pour me remettre à l’ouvrage. J’ai retrouvé la force et le dynamisme qui m’animaient à mon départ du Vietnam .

Après mon baccalauréat, j’ai été désignée par les autorités vietnamiennes pour entreprendre des études supérieures dans un « pays frère » : la Pologne , comme je l’apprendrais plus tard. Je pourrais ainsi revenir un jour participer à la reconstruction de mon pays. Je réalisais ainsi mon rêve d’adolescente. J’ai donc quitté le Vietnam , à dix-sept ans, avec honneur, fierté et volonté de réussir, à bord du Train de l’Amitié. J’échappais du même coup à la guerre, à la dévastation et aux larmes. J’ai traversé deux continents dans des conditions étonnantes et construit ma vie sur des choix aussi imprévisibles qu’audacieux. Élevée dans un système à la fois dirigiste et protecteur qui avait voulu décider de mon avenir, je me suis écartée d’un chemin tout tracé et j’ai été confrontée à des difficultés qui m’ont souvent paru insurmontables. Pourtant, ma bonne volonté et mon sens de la discipline étaient bien réels ; depuis mes six ans, j’avais été une élève exemplaire, jusqu’à faire partie des « élus du système » à la fin de mes études secondaires, alors que la guerre, la crainte des bombardements et les restrictions m’avaient privée d’enfance et d’adolescence. J’ai côtoyé ou subi la maladie, la mort, l’endoctrinement.

En Pologne , ce pays « froid » si éloigné de mon pays natal, tout était différent. Élève assidue, je me suis passionnée pour sa culture, pour son mode de vie ; j’ai découvert un pays qui, bien qu’appartenant au système soviétique, était moins intransigeant que le Vietnam . Malgré les interdictions et les règlements rigoureux, j’y ai fait la rencontre de la chaleur humaine, de l’amitié et de l’amour, qui allaient m’offrir une vie riche d’enseignements. Après une grossesse et un mariage « clandestin », j’ai vécu pendant des années sans statut, en dépit de ma maîtrise de droit. Je suis devenue maman alors que j’étais condamnée à mener une existence marginale et que nous n’avions parfois rien à manger, mais, malgré mon passeport périmé, j’ai réussi à faire des déplacements alimentaires dans les pays socialistes voisins.

Mon destin était alors bien incertain.
Mon enfance marquée par la guerre, mon très long voyage en train à travers la Chine et l’ URSS , mes années d’apprentissage et d’études à Lodz puis à Torun ont souvent pesé très lourdement sur mes frêles épaules. L’espoir, la joie et le rêve se sont parfois transformés en découragement. Heureusement, la solidité de l’éducation traditionnelle que j’ai reçue m’a permis de lutter, loin de mes racines.

Il m’a fallu patienter de longues années avant que le calme et la stabilité s’imposent à mon esprit et me permettent enfin de partager mon histoire en toute sérénité. Aujourd’hui seulement, je peux inviter ceux qui le souhaitent à voyager, avec moi, sur le long fleuve, rarement tranquille, qu’a été ma vie. Ce livre est le récit fidèle de mon parcours à travers les différentes cultures qui ont façonné mon regard sur le monde. Je me sens, bien que fondamentalement apatride, nostalgiquement vietnamienne, sentimentalement polonaise, virtuellement française. En moi cohabitent en permanence trois cultures, qui se retrouvent dans les plus petites choses du quotidien, comme les recettes de cuisine ; trois cultures dont je suis imprégnée au point de me sentir autant européenne qu’asiatique.
1
Mon enfance
Je suis née en 1955 à Xom Ba Kim Thai , dans la province de Nam Dinh , à environ cent kilomètres au sud de Hanoi ; un village paisible, perdu dans le Vietnam profond. Au-delà des haies de bambous, le paysage y est pittoresque, et la vue superbe : aussi loin que porte le regard, des petites collines plantées d’arbres fruitiers et de fleurs invitent au bonheur. Les pousses sont bien alignées dans les rizières, et les chapeaux coniques des femmes courbées par le labeur animent les champs verdoyants ; de grands buffles noirs paissent nonchalamment au bord des chemins. L’harmonie est parfaite entre les hommes et la nature.

À la sortie du village, sur la droite, la pagode bouddhiste est entourée de grands eucalyptus qui parfument agréablement l’air en été, tandis que l’arôme léger des fleurs de lotus s’empare furtive- ment des sens de celui qui s’approche de l’étang. Au sommet des collines dominent des blockhaus datant de la guerre d’Indochine, des forteresses massives en béton, aujourd’hui « monuments historiques ». Un centre de culte partagé entre le taoïsme et la croyance populaire accueille tous les ans, au mois de mars du calendrier vietnamien, une fête religieuse et folklorique, le hôi phu day , qui dure trois semaines.

À cette occasion, ma mère faisait entrer dans la maison un thay phu thuy (un « exorciste »), qui venait, à grand renfort d’accessoires et d’incantations, chasser les mauvais esprits et implorer la protection des bons génies pour que l’année nouvelle soit au moins aussi profitable que celle qui s’en allait. Une coutume que déplorait discrètement mon frère Hoan : cette cérémonie signifiait la perte d’un coq ou d’un autre présent, qui allait garnir le panier de l’homme de l’art. Des pèlerins logeaient à la maison, source pour notre famille d’un petit revenu supplémentaire. Petite, je participais à l’événement, à ma façon, en vendant du thé ; je me souviens de la fierté avec laquelle je donnais l’argent récolté à ma mère.

Je suis issue d’une famille de cinq enfants nés du premier lit de mon père. Je suis la petite dernière. Ma mère m’a raconté que j’étais si menue à la naissance – qui survint en plein champ – que la famille et les voisins m’appelaient « chuot » (ou « petite souris »). C’est ainsi que l’on me nomma durant les premières années de ma vie ; mon prénom, Hien , qui signifie « bonté et sérénité », ne me fut rendu que plus tard. À cette époque, dans les villages, au Vietnam , les formalités administratives telles que la déclaration de naissance n’avaient pas le caract

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