L An 40 sur le vif
193 pages
Français

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Description

Brutalement, en mai 40, les armées allemandes déferlent sur la France avec une force insoupçonnée. Tout comme des millions de civils, l'armée française en débandade est poussée sur les routes de l'exode. Le 12 juin 1940, le jeune soldat Jean Villette, chartrain d'origine, obéit à l'ordre de retraite du commandement militaire français et quitte le camp de Satory près de Versailles où il est mobilisé depuis des mois. Commence alors une interminable errance à pied vers le sud. De Versailles à Orléans en passant par Saint-Arnould-en- Yvelines et Angerville, de Beaugency à Terminiers en passant par Blois et Meung, Jean Villette est finalement fait prisonnier par les Allemands et interné à Voves. Ironie du sort, c'est dans ce camp que l'armée française a construit avant-guerre en vue d'enfermer les soldats allemands qu'elle était certaine de capturer, qu'il est retenu prisonnier. Ce texte "oublié" est resté inédit. Il est publié pour la première fois. Il constitue une contribution unique et irremplaçable d'un témoin direct des événements de juin 40 et fait revivre avec émotion une période qui a fortement marqué la population française.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 173
EAN13 9782365751827
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean Villette



L’An 40 sur le vif








PRÉFACE

Un samedi après-midi de 1988, Jean Villette et moi étions invités dans une librairie chartraine. Nous étions assis côte à côte et, entre deux signatures de nos livres (lui des livres sur la cathédrale, moi des romans du terroir), nous bavardions très amicalement de nos projets respectifs. Je lui confiais que j’étais en train d’écrire un roman qui avait pour cadre l’exode de juin 40 (Drôle de Moisson), ce qui est un exercice risqué pour un romancier né juste après la libération.
– En ce qui concerne l’exode des civils, j’ai accumulé quantité de témoignages et d’anecdotes, lui dis-je. Par contre, je dispose de peu de témoignages de militaires.
– En 40, me répondit Jean Villette, j’étais mobilisé au camp de Satory. J’ai fait plus de deux cents kilomètres à pied pour, finalement, me retrouver prisonnier au camp de Voves.
– Vous avez été interné au camp de Voves ?
Des lecteurs nous demandaient de dédicacer leur livre. Jean Villette n’eut pas le temps de me donner davantage de détails sur son périple. En fin de soirée, il me dit simplement :
– Pendant les quinze jours de mon exode de soldat, j’ai noté heure par heure tout ce que j’ai vu et vécu. J’ai aussi fait de nombreux croquis. Je viens tout juste de reprendre ces notes et de les mettre au propre. Si cela peut vous être utile, je peux vous confier ce témoignage que j’ai intitulé L’An 40 sur le vif .
Je fus très sensible à la confiance qu’il m’accordait. Quelques jours plus tard, il me confia le texte dactylographié et annoté de L’An 40 sur le vif .
À cette époque, je connaissais l’homme de grande culture, le Jean Villette historien, érudit, brillant spécialiste de Chartres. Je connaissais ses livres sur les vitraux et les portails de la cathédrale. Jean Villette venait d’être promu chevalier des Arts et Lettres et la nouvelle, qui avait fait le tour de Chartres, avait réjoui les nombreux Chartrains qui appréciaient ses visites-conférences de la cathédrale (dont le seul défaut était qu’il refusait l’utilisation d’un micro). Je savais aussi qu’il était dessinateur mais, à l’époque, j’ignorais son œuvre graphique. À la lecture des premières pages de L’An 40 sur le vif , la précision des faits rapportés me fit découvrir son immense qualité d’observateur. Que ce soit au moyen du dessin ou des mots, Jean Villette portait le regard aiguisé du peintre et du dessinateur sur le spectacle extravagant de la débâcle. Au travers de ses croquis et de son texte, j’avais l’impression d’avoir sous les yeux le témoignage direct d’un reporter de guerre.
Jean Villette est né en 1913 à Chartres. Du collège Saint-François-de-Sales d’Alençon à la Sorbonne en passant par l’institution Notre-Dame-de-Chartres, il suit un cursus de lettres, de droit et d’histoire. Artiste dessinateur et aquarelliste de talent, il devient professeur de dessin et d’histoire de l’art au collège Saint-Erembert de Saint-Germain-en-Laye. C’est là que la guerre le rattrape et il est mobilisé au camp de Satory près de Versailles. C’est dans ce camp qu’il passe toute la période de la « Drôle de Guerre », hiver 1939 et printemps 1940, attendant comme des centaines de milliers de soldats le déclenchement d’hosti lités qui n’explosent avec une violence inouïe qu’en mai 1940. Un mois plus tard, c’est la débâcle des civils et des militaires. Le sergent Jean Villette est emporté, comme toute l’armée française, par l’immense vague de panique. Deux semaines de marche à pied et deux cents kilomètres plus tard, il est fait prisonnier et interné au camp de Voves avant d’être mis en congé de captivité. Il ne partira pas en Allemagne. Jusqu’en 1945, il travaille sous la direction de Gabriel Loire.
Après la libération, Jean Villette commence des cycles de visites commentées de la cathédrale de Chartres, d’abord pour des étudiants, puis pour des Chartrains et des touristes. Ces visites régulières couvriront un demi-siècle. Lors des venues à Chartres des présidents Eisenhower, François Mitterrand ou Léopold Sédar Senghor, c’est à Jean Villette qu’est confié le soin de les guider. C’est aussi le cas quand des personnalités officielles (ambassadeurs, ministres) sont reçues par la ville de Chartres.
En parallèle, Jean Villette exerce les fonctions d’attaché culturel de la ville de Chartres, publie des livres sur l’histoire de la ville, les vitraux et les portails de la cathédrale et poursuit ses recherches historiques. Son œil observateur toujours en éveil et son esprit curieux l’amènent à rechercher sans cesse la vérité historique. L’exemple emblématique de cette attitude est l’histoire de la « tête de l’ange Gabriel ». En 1958, Jean Villette remarqua au Musée des Beaux-Arts de Chartres une tête de statue étiquetée « tête de roi anonyme ». Tout de suite, il eut l’intuition que cette tête pouvait être celle d’un personnage de la cathédrale, décapité, comme beaucoup d’autres, pendant la période révolutionnaire. Il effectua de patientes recherches, mesura les statues sans tête et conclut que la tête de ce roi anonyme était celle de l’ange Gabriel dans la scène de l’annonciation du porche nord. Ses arguments convainquirent l’inspecteur des Monuments historiques et la tête fut replacée au bon endroit. Sans l’œil observateur de Jean Villette, il est plus que probable que cette statue n’aurait toujours pas retrouvé son intégrité.
C’est ce même regard observateur que Jean Villette a posé sur l’exode civil et militaire de juin 40, ce qui fait de L’An 40 sur le vif un témoignage authentique particulièrement précieux.
Lors de l’un de ses passages à Chartres, j’ai entendu le président du Sénégal Léopold Sédar Senghor citer un écrivain africain : « Quand un ancien s’éteint, c’est une bibliothèque qui brûle. » Jean Villette est décédé le 30 mai 2005 à l’âge de 91 ans. Ce jour-là, c’est effectivement une vaste bibliothèque chartraine qui a brûlé.

Roger Judenne


Avant-propos

Ceci est un simple témoignage. Les faits qui sont rapportés jour par jour, et parfois heure par heure, permettent d’éclairer l’histoire d’une période exceptionnelle. Presque toujours il ne s’agit que de faits en eux-mêmes de peu d’importance, mise à part la tragédie du pont Joffre à Orléans, effroyable massacre auquel j’ai échappé d’extrême justesse et dont je suis probablement un des très rares témoins survivants.
Au cours de la guerre de 1939-1945 et de l’occupation de la France, nombreux ont été les actes d’héroïsme. On ne trouvera rien de semblable ici. C’est la vie de tous les jours que j’ai tenu à restituer là où je l’ai observée.
Les paroles et les faits rapportés sont rigoureusement authentiques. Bien sûr, quand j’ai transcrit une conversation, c’est à l’esprit que je suis resté fidèle et je ne prétends pas la citer mot pour mot. Mais dans bien des cas, des réflexions entendues, des phrases recueillies, lorsqu’elles m’ont frappé, sont citées dans les termes mêmes qui ont été employés. Elles sont précieuses dans la mesure où elles révèlent un état d’esprit. Même et surtout quand celui-ci, à la lumière des événements survenus par la suite, paraît invraisemblable. C’est le cas des fausses nouvelles qui se colportaient et des illusions dont on se berçait.
Une partie de ce récit avait été rédigée dès 1940. Pour le reste, je disposais de notes griffonnées à ce moment-là en style télégraphique. C’est dans la seconde moitié de 1988 que je les ai exhumées, après plusieurs décennies d’oubli total. En effet, j’ai pris alors conscience que beaucoup de gens ne se rappelaient plus bien ce qui fut vécu en 1940.
Cette époque, pour mes enfants et petits-enfants, c’est tout à fait l’inconnu. Comme la grande histoire, telle qu’elle est consignée dans les livres, se constitue aussi de menus événements quotidiens, il m’a semblé utile d’écrire ces mémoires sans prétention.
Bien des noms, je les avais oubliés. J’ai été heureux de les retrouver grâce à mes notes. Les noms cités sont réels, certains peut-être mal orthographiés parce que je ne les ai jamais vus écrits. J’ai tu celui d’un seul homme parmi ceux que j’ai rencontrés, par souci de ne pas nuire à sa mémoire, car je n’avais aucun bien à dire de lui. Les noms de lieux sont presque toujours précisés. Quand mes souvenirs me donnent l’impression d’être flous, ce qui reste vraiment l’exception, je l’indique en toute honnêteté.
L’An 40 sur le vif . Pourquoi ce titre ? Tout le monde connaît l’expression « s’en moquer comme de l’an 40 »,

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