L impertinent du Cambodge
123 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description


Un témoignage passionnant sur la vie au pays des Khmers rouges.

Enfant d’une famille modeste mais heureuse, brillant à l’école, François Ponchaud grandit avec le destin tout tracé de devenir prêtre, chez lui, en Savoie. Mais la vie s’en mêle. Un temps parachutiste pendant la guerre d’Algérie, son karma de missionnaire l’envoie au Cambodge pour une longue histoire d’amour. L’homme est passionné, toujours en action, entre rébellion contre l’injustice, d’où qu’elle vienne, et compassion pour les faibles. En 1977, le père Ponchaud est le premier à dénoncer le crime inouï des Khmers rouges avec Cambodge année zéro. Il est le témoin stupéfait de ce moment dramatique de l’Histoire, mais son livre se heurte à l’incompréhension du monde. 

Au fil d’entretiens menés en France et au Cambodge par Dane Cuypers, auteure de Tourments et merveilles en pays khmer (Actes Sud, 2009), la personnalité et l’engagement de ce missionnaire pas comme les autres se dévoilent : avec ses colères contre l’arrogance des puissants, avec son infini amour pour le peuple des rizières, avec les exigences de son apostolat chrétien en milieu bouddhiste, avec la gageure intellectuelle de traduire la Bible en khmer…
Lorsqu’il parle du Cambodge où il vit depuis 1965, François Ponchaud sait de quoi il parle. Il aborde sans détour les sujets les plus délicats, dans le seul but de redonner aux Cambodgiens qu’il côtoie la dignité de l’existence. Pour qui s’intéresse à ce pays parmi les plus attachants du monde, ce livre est peut-être le meilleur des guides par l’un de ses plus fins observateurs.

Laissez-vous guider par François Ponchaud, prêtre parti vivre au Cambodge depuis 1965, et découvrez le pays autrement !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Mêlant l'analyse politique au jour le jour à la connaissance profonde de la spiritualité bouddhique, François Ponchaud fait dans ce dernier livre ce que seuls les grands témoins peuvent faire, du haut de leur expérience et de leurs années passées, non à parler, mais à écouter : raconter l'âme d'un grand peuple blessé. - Richard Werly, Gavroche

François Ponchaud sait mieux que quiconque raconter l’histoire du Cambodge et ses tourments. - Le sourire de Sourn

À PROPOS DES AUTEURS

François Ponchaud est prêtre des Missions étrangères. En 1975, dans les locaux de l’ambassade de France, il vit douloureusement la prise de pouvoir des Khmers rouges à Phnom Penh, qui vident la capitale de tous ses habitants en quelques heures. En 2013, il a témoigné aux procès des dirigeants encore vivants. Aucune péripétie de l’histoire de ce pays ne lui est étrangère.

Dane Cuypers est journaliste, écrivain et formatrice au CFPJ, le centre de formation des journalistes. Elle est spécialisée dans les interviews de grandes personnalités, comme Françoise Giroud, Elisabeth Badinter ou Edgar Morin. Sa pièce de théâtre Un jour à Grazalema a été récompensée par le Prix d'Ecriture Théâtrale 2009.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782350743318
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PROLOGUE
Il y a dix ans, dans le live de Benoît Fidelin Prêtre au Cambodge 1 , François Ponchaud disait : « Le pays est foutu. » Le dirait-il encore aujourd’hui ? Je lui pose la question lors de notre premier rendez-vous de travail aux Missions étrangères de Paris, rue du Bac. Sa voix est grave, véhémente :
–Tout dépend du point de vue d’où l’on se place. On peut voir tout en rose ou tout en noir, selon son tempérament ou son idéologie. Un rapide séjour au Cambodge donne l’impression d’un pays merveilleux, où les gens paraissent heureux, un pays qui se développe à grande vitesse. Et c’est vrai ! Phnom Penh, avec ses quelques deux millions d’habitants est devenue une petite capitale asiatique bruyante, à l’activité frénétique, avec son flot de grosses cylindrées, ses 4x4 luxueux, ses gratte-ciels, ses bâtiments administratifs massifs, flambant neufs, ses cités périphériques relativement harmonieuses et bien construites. Les magasins regorgent de tout. Siem Reap et les villes de provinces donnent la même impression d’opulence. Même dans les campagnes, où vivrait 80 % de la population (on avance toujours ce même chiffre depuis vingt ans), on construit partout : usines, maisons, hôtels, etc. Le pays se couvre d’un réseau d’excellentes routes ; deux ponts, bientôt quatre, enjamberont le Mékong qui traverse le pays du nord au sud ; encore trois autres, et bientôt quatre, enjambent les deux bras de ce fleuve, le Tonlé Sap qui, de Phnom Penh, coule vers le nord-ouest, et le Bassac qui descend vers la mer. Le PIB individuel moyen se situerait aux d’environ de 860 dollars par an.
À côté de l’oligarchie immensément riche, dont les enfants défrayent la chronique par leurs frasques à bord de Ford Mustang, de Hummer ou d’autres voitures dernier cri, ou par l’usage de leurs armes à feu dans les bars et les karaokés, apparaît une classe moyenne de plus en plus nombreuse, formée de fonctionnaires, de commerçants ou de cadres de l’industrie naissante, qui bénéficient des retombées des fastes du pouvoir et des trafics en tous genres. Le prolétariat des laborieux, comme partout, est rejeté en périphérie. On est loin de l’état pitoyable du Cambodge de 1979, après les « trois ans, huit mois et vingt jours » du régime ubuesque et sanguinaire des Khmers rouges, ou même du délabrement de 1993, après dix ans d’occupation vietnamienne, qui avait laissé le pays presqu’en l’état où elle l’avait trouvé. Incontestablement, le Cambodge se développe à grande vitesse. Mais à quel prix et pour qui ?
Vu sa taille (un tiers de la France), le Cambodge ne sera jamais un pays qui pèsera dans l’économie mondiale. Il n’en reste pas moins que ce petit royaume est potentiellement riche et pourrait assurer le bien-être de sa population : son capital touristique exceptionnel (trois millions de touristes en 2012), ses plantations de caoutchouc, son industrie de transformation textile (plus de 85 % du total des exportations) ont assuré un taux de croissance du PIB de 6,7 % en 2012. De nombreuses terres non encore mises en valeur, les richesses minières que l’on découvre peu à peu (or, charbon, cuivre, bauxite, pétrole off-shore et peut-être dans le Tonlé Sap…), une population jeune (70 % de moins de trente ans), sont autant d’atouts prometteurs.
Je ne dirai plus aussi simplement que le Cambodge ravagé par les Khmers rouges est un pays « foutu ». De même, ne voir le Cambodge qu’en évoquant les Khmers rouges est injurieux pour 70 % des Cambodgiens qui n’ont jamais connu ce régime odieux. Utiliser les Khmers rouges pour expliquer tous les maux du Cambodge actuel est une excuse trop facile. Les Khmers rouges, c’est définitivement du passé. Nous voici en 2013, trente-quatre ans après leur chute, vingt-deux ans après les accords de Paris qui ont mis fin, officiellement, au drame cambodgien, quinze ans après la fin effective du mouvement révolutionnaire. Des milliards de dollars ont été déversés sur le pays, un peu comme lors du plan Marshall sur l’Europe en 1945. Quel était l’état de la France ou de l’Allemagne en 1979, en 1967, ou en 1960, trente-quatre ans, vingt-deux ans ou quinze ans après les ravages de la Deuxième Guerre mondiale ? Il y a longtemps que l’on avait mis de côté ce passé douloureux. Alors, de grâce, regardons le Cambodge comme il est aujourd’hui, avec un regard amical, avec ses lumières et ses espoirs. Il sera temps de constater ensuite ses ombres, mais toujours avec bienveillance. Le peuple cambodgien vit et se développe, pas toujours comme je le souhaiterais, certes, mais il vit !
Les 19 et 20 novembre 2012, Phnom Penh est devenue pour deux jours, la capitale du monde, avec, en plus des présidents ou Premiers ministres des dix pays de l’ASEAN 2 , la présence de Barack Obama, président des États-Unis, de Vladimir Poutine, président de la Russie, de Wen Jiabao, président Chinois, de Manmohan Singh, Premier ministre de l’Union indienne, de Yoshiko Noda, Premier ministre du Japon. Même le prince Sihanouk, au faîte de sa spendeur, n’avait jamais réalisé un tel exploit…
Ce jour-là, j’ai également demandé à François Ponchaud comment il avait atterri au pays khmer, au pays de l’eau et de la terre ? Choix ou karma ?
–En 1964, le conseil général de la société des Missions étrangères de Paris, à laquelle j’appartiens, m’a envoyé au Cambodge pour renforcer une petite équipe de prêtres regroupés autour du père Ramousse, un jeune évêque de trente-trois ans. Après l’indépendance du pays, en 1953, il fallait repartir sur des bases nouvelles, avec des jeunes. À l’époque, on ne discutait pas, on n’exprimait pas de choix pour tel ou tel pays.

Présence française dans le Sud-Est asiatique.
–Rien d’autre ?
–Cette explication est l’explication rationnelle de mes supérieurs, mais pas l’explication khmère ! Il y a une quinzaine d’années, Bernard Dupraz, supérieur du Grand séminaire de Battambang, m’a communiqué la photocopie d’un livre en anglais où il était précisé que le plus haut officier qui avait signé les Accords franco-siamois de 1905-1907, aux termes desquels les trois provinces du Nord étaient rétrocédées au Cambodge, s’appelait Ponchaud : « The hightest officer, his name was Ponchaud . » J’ai d’abord cru à un canular. Comme le livre datait de 1955, ce ne pouvait être le cas, car mon nom de famille n’était pas connu. J’ai fait des recherches et, effectivement, un de mes grands-oncles qui habitait Vandœuvre, près de Nancy, était militaire. J’ai le souvenir de mon père racontant qu’étant jeune, il allait rendre visite à ses cousines de Nancy. Cet oncle avait un fils, qui était lieutenant, tué en 1914. C’était donc plausible.
En 2004, j’ai raconté cette histoire lors de l’inauguration d’un collège construit par l’association Avenir Cambodge à Phum Kulen Prohm Tep dans la province de Preah Vihear, précisément rétrocédée au Cambodge en 1905. Depuis, les villageois me considèrent comme la réincarnation de ce grand-oncle ! Vous voyez, rien n’arrive au hasard au Cambodge, il y a une explication à tout…

1 . Albin Michel, Paris, 1999.
2 . Association des nations de l’Asie du Sud-Est, créée en 1967 pour tenter de juguler l’expansion communiste dans la région. L’ASEAN s’est renforcée sérieusement, lors de l’intervention vietnamienne au Cambodge de 1979, dans le but de faire barrage à l’hégémonisme soviétique présent dans les trois pays d’Indochine. Elle comprend actuellement dix pays (Cambodge, Brunei, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam), et représente près de six cents millions d’habitants. Le Cambodge a rejoint l’ASEAN en 1999 et y gagne progressivement sa place comme partenaire à égalité des autres membres. En 2012, le Cambodge en a pris la présidence tournante.
1. L ES ANNÉES CREUSET
« Avant de te façonner dans le sein de ta mère, moi Dieu, je te connaissais. »
Jérémie, 1,5
Missions étrangères, Paris, l’hiver .
Dehors, après la gadoue de la rue du Bac, les jardins enneigés des Missions étrangères élèvent l’âme. À l’intérieur, nous nous installons dans une petite salle de réunion neutre. « Ce lieu manque d’une trace féminine », commente François Ponchaud en suivant mon regard. Nous ne nous connaissons pas. Nous nous sommes vus une heure en 2007 à Phnom Penh. Nous ne sommes pas encore sûrs de concrétiser ce projet de livre. Je lui ai dit que je n’étais pas croyante, pas du tout. Cela le fait hésiter. Moi aussi. À la fin du premier entretien, nous décidons de nous accorder quelques jours de réflexion. On s’appelle peu de temps après : c’est d’accord .
Le berceau savoyard – Le séminaire étouffoir – La guerre d’Algérie – L’arrivée au Cambodge
Vous avez eu une enfance heureuse ?
Une enfance saine, donc heureuse. Je suis né &

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