Perles d accueil
51 pages
Français

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Perles d'accueil , livre ebook

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Description

Des milliers de personnes se sont relayées au quotidien pour apporter leur soutien auprès des réfugiés depuis 2015 en Belgique.

En septembre 2015 s’est créée la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés en réaction aux politiques belges peu enclines à trouver des solutions durables et humaines à la crise migratoire que traverse le pays ces dernières années. Depuis sa création, des milliers de personnes se sont relayées au quotidien pour apporter leur soutien auprès des réfugiés, sous la forme d’un repas, d’un hébergement, d’un soutien psychologique ou logistique, jusqu’à être inquiétée par la justice pour certaines d’entre elles. Conscientes qu’un tel élan de solidarité raconte beaucoup sur le fonctionnement actuel de nos démocraties et témoigne d’une certaine façon du fossé qui semble se creuser entre les politiques et les citoyens sur des questions essentielles de société, les éditions Mardaga ont choisi de participer au débat en éditant ce recueil de Perles, à savoir une sélection des meilleurs témoignages partagés sur Facebook (40 000 followers) par les bénévoles du mouvement – accueillants ou chauffeurs – sur leur expérience d’accueil. Les textes, souvent touchants, parfois drôles, toujours sincères, sont entrecoupés des billets d’humeur de Mehdi Kassou, Adriana Costa Santos, Edgar Szoc, Xavier Deutsch, Cédric Herrou, Alexis Deswaef, Guillaume de Stexhe, Irène Kaufer, Françoise Gemenne et Philippe Hensmans, et portés par l’excellent travail de l’illustratrice Élise Neirinck. L’entièreté des droits d’auteur de ce livre sera versée à la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés / BXLRefugees.

Des textes, souvent touchants, parfois drôles, toujours sincères ! Ce recueil de Perles est une sélection des meilleurs témoignages partagés sur Facebook par les bénévoles du mouvement – accueillants ou chauffeurs – sur leur expérience d’accueil.

EXTRAIT

Nous sommes en octobre 2017. Il est huit heures du matin. Je demande à Samy de ne pas réveiller Mustapha. « Il est extrêmement fatigué, tu sais, ça fait plusieurs nuits qu’il dort très peu ou même pas. » Samy en profite pour se blottir sous la couverture, bien au chaud, dans notre lit. Mais la curiosité l’empêche bien vite de tenir le poste et, quelques minutes plus tard… « Papa, est-ce que tu peux demander à Mustapha s’il veut jouer avec moi ? » Mustapha, à moitié endormi, n’a pas besoin de traduction et, quand je me lève, ils sont déjà en train de jouer à la PlayStation. Il n’aura fallu qu’une nuit passée sous notre toit pour que Mustapha, cet inconnu, devienne aux yeux de Samy le copain de papa, puis très vite son copain aussi, qui n’a pas de maison et vient donc dormir dans la nôtre. Normal.
Quelques jours avant pourtant, Mustapha s’était réveillé au parc, entouré de policiers s’élançant pour saisir les dormeurs et les emmener menottés, au son des cris d’alarme, des gens à peine réveillés et ensuite debout en sursaut, des coups de pied, des colsons, des gens qui courent, crient et laissent tout derrière eux pour sauver leur peau, leur paix, leur espoir, leur liberté. Des adolescents à pieds nus, des femmes jetées à terre par d’autres femmes, des hommes âgés tétanisés par la peur, des combis de police remplis de gens, des très jeunes gens, qui n’ont commis d’autre crime que celui de fuir leur pays et d’autre infraction que celle de n’avoir pas de papiers.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

C'est un chef-d'oeuvre ? oui, à bien des égards. Les contributeurs ont certes, pour la plupart, la plume facile et le style agréable. Mais, soyons de bon compte, c'est pas Victor Hugo. Mais au-delà du chef d'oeuvre de littérature, c'est simplement l'humanité qui se dégage de ces histoires simples de rencontres.- Ninule - Babelio

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 avril 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782804706821
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Page de titre
Adriana Costa Santos
22 août 2018
Aujourd’hui c’était l’aïd.
Nous avons tous des jours sans et des jours avec. N’est-ce pas ?
Aujourd’hui c’était comme ça. Réveil de m, journée normale, monde de m. Qu’est ce que je fous là, ici et pas ailleurs ?
C’est dans des journées comme ça que je souhaite ne pas aller au parc.
Ce n’est pas à moi d’aller importuner les autres avec des journées sans, sans sens, sans sang.
Surtout pas avec des gens à qui souvent je ne peux offrir qu’un sourire, faute de mieux. C’est déjà ça, puisque je me suis habituée à ce qu’ils partagent leurs sourires avec moi en retour.
Aujourd’hui c’était pas ma journée.
Je faisais ce que j’avais à faire, dans des grises pensées, mouvements lents et ce bête cerveau qui n’arrêtait pas d’y rajouter des couches.
C’était pas la bonne journée et je suis quand même allée jusqu’au parc, parce qu’il le faut, parce que je n’ai même pas pris le temps de chercher une alternative.
En arrivant au parc, tu ne peux juste pas faire autrement. Tu souris parce que tu vois des regards radiants et des sourires s’illuminer de tous les côtés. C’est irrésistible, je dirais obligatoire.
Et c’est là que tu découvres que le sourire est une corrélation entre le mouvement et l’expression, l’expression, le mouvement et ainsi de suite.
Tu rends un sourire, tu dis quelques petits mots en arabe et tout le monde rigole et sourit, comme si rien d’autre n’avait d’importance que le moment présent.
Aujourd’hui c’est l’aïd !
L’aïd veut dire la fête, la célébration.
Je pense à F qui, hier soir à la Porte D’Ulysse m’a dit pour la première fois en six mois « ça va pas ». Pourquoi ? « Parce que demain c’est l’aïd et mon père et ma mère me manquent ».
Hier c’était peut-être le jour sans de F, qui ne voit pas ses parents depuis plus d’un an.
F qui a traversé la moitié du monde, qui a survécu aux terribles maux de la moitié du monde et qui se retrouve en Europe dans cette impasse de m, dans ces politiques déshumanisantes et que je n’ai pas croisé dans ma journée sans.
Ce soir je n’ai pas croisé F, mais je suis sûre qu’il a passé une journée avec.
Aujourd’hui c’est l’aïd et on sourit, c’est inévitable, je dirais obligatoire.
Après une soirée remplie de sourires au parc, j’accompagne les derniers invités à la Porte d’Ulysse. Nous entrons dans le bâtiment et nous dirigeons directement vers le réfectoire, j’ai même oublié de manger dans ma journée sans. Nous avons tous faim, les uns plus que les autres. Tout le monde sourit.
Hannane a préparé un repas du feu de dieu et, comme si ce n’était pas assez, le réfectoire est devenu une piste de danse.
Les tables et les chaises contre les murs, les uns mangent, les autres dansent, tout le monde sourit. C’est l’aïd. C’est la fête.
Tout le monde sourit et le sourire est une corrélation entre le mouvement et l’expression, le mouvement, l’expression et ainsi de suite.
Tout le monde sourit parce que c’est l’aïd.
Tout le monde sourit parce qu’il y a à manger, il y a de la musique.
Tout le monde sourit parce que tout le monde sourit.
Il est 3h du matin et je suis toujours en train de sourire, depuis sept heures. Ça fait un bon paquet de sourires partagés dans ma journée sans.
Ce n’est plus une journée sans, parce que c’est l’aïd.
Ce n’est plus une journée sans, parce qu’il y a à manger, il y a de la musique.
Ce n’est plus une journée sans, parce que tout le monde sourit, comme si rien d’autre n’avait d’importance que le moment présent.
Ce n’est plus une journée sans, parce que ce soir j’ai eu la chance de croiser des centaines de sourires et d’apercevoir l’inévitable, voire obligatoire, nécessité de répondre à chacun de ces sourires.
Préface
Adriana Costa Santos
Ceci est une histoire de réveil, d’éveil, de rupture avec l’individualisme et d’ouverture à un être étrange, un étranger, un autre en danger qui entre dans une maison grâce à un acte de spontanéité solidaire, humaine.
En 2017 et 2018, l’inefficacité, le durcissement, l’inhumanité de la politique migratoire belge ont provoqué une vague de solidarité, d’engagement et une mobilisation citoyenne sans précédent. Les bénévoles de la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés ont commencé par venir en aide aux exilés du parc Maximilien. Ensuite, ils ont dénoncé les abus de pouvoir et la violence d’État, pratiqués dans l’ombre et justifiés par l’absence d’une case administrative pour ces hommes, femmes et enfants inconnus des Belges, isolés dans leur exil, sans droits ni protection, seuls dans leur quête de paix et de liberté. Ces réfugiés viennent majoritairement du Soudan, d’Érythrée et d’Éthiopie, mais aussi d’Égypte, de Libye, d’Irak, de Syrie et du Yémen…
L’urgence à l’époque était déjà de les protéger du froid, de nos rues et de nos lois. D’abord huit, puis vingt-cinq et jusqu’à cinq cents personnes hébergées tous les soirs. Les citoyens belges ont ouvert les portes de leur maison pour protéger ces humains en danger. Ils ont répondu à ceux qui disaient ironiquement : « Si vous voulez les protéger, prenez-les chez vous ! » Mais ils ne se sont pas limités à les abriter pendant la nuit. Aussi vite que naturellement, ils ont commencé à les connaître, les accompagner, les écouter, les comprendre, les orienter, les informer, à se renseigner pour pouvoir les aider. À leur rendre l’humanité que le gouvernement, à travers la répression, l’intimidation et la violence, s’acharne à leur ôter.
Chaque soir au parc Maximilien, hébergeurs, chauffeurs et réfugiés vont à la rencontre de l’équipe de bénévoles, les « vestes blanches ». Un par un, par deux, par cinq, les garçons et les filles du parc sont envoyés, conduits et accueillis dans les familles. Et ce manège se poursuit chaque soir jusqu’à ce que le parc soit vide, avec persévérance, bienveillance. Et de cette rencontre improbable émergent des milliers de témoignages, questions, doutes, surprises d’humanité, gifles de réalité.
Dans le groupe Facebook HÉBERGEMENT PLATEFORME CITOYENNE , depuis le premier jour, sont échangées des astuces et des expériences d’accueil. Les premiers témoignages parlaient de cette peur pour nous de partager l’intimité de nos maisons, et juste après de cette peur pour eux ressentie le lendemain, une fois les invités redéposés au parc et les « au revoir » échangés.
Dans le groupe Facebook, depuis le premier jour, on rencontre tout un joli monde qui s’invente, qui construit une autre Belgique, une Belgique solidaire : la dame qui veut héberger et sa voisine qui se propose pour venir lui déposer des repas prêts pour elle et ses invités, les étudiants d’un kot à la recherche d’un matelas gonflable pour pouvoir commencer à accueillir, les recettes d’injera, les bons plans de harissa et les conseils pour obtenir l’aide médicale d’urgence pour un invité, les quantités de sucre dans le café, les couacs de communication, la volonté de se comprendre, les hésitations des uns, les défis des autres…
Sur le groupe Facebook, on lit aussi l’envers du décor : la découverte du parcours migratoire, l’absence de voies sûres et légales, l’enfer libyen, la traversée de la Méditerranée, les empreintes en Italie, les camps européens, la misère, l’attente, la désillusion, le règlement Dublin et ses absurdes OQT (ordres de quitter le territoire), les violences policières, les centres fermés. Notre impuissance à tous face à la violence d’État qui menace chaque jour les valeurs de notre société. C’est l’histoire de l’injustice qui criminalise ceux qui n’ont pas notre chance d’avoir les bons papiers dans un pays en paix.
Le groupe Facebook, c’est aussi l’histoire de notre ouverture à l’autre et à sa réalité. C’est l’histoire de leur ouverture à notre réalité. C’est l’histoire d’une rencontre. De familles qui s’agrandissent et qui font fi des différences. D’une amitié entre les peuples. Presque d’une histoire d’amour improbable.
En un an, cette véritable révolution sociale s’est répandue des quatre coins du parc aux quatre coins de la Belgique. Ceux que nous nous sommes habitués à appeler les « vnous 1 » se sont organisés, structurés dans l’urgence et mis au travail pour rendre à des centaines d’hommes, femmes et enfants la dignité que les États s’ingénient à leur enlever. Et ce faisant, se la rendre à eux-mêmes et à un pays entier menacé par la montée de l’extrême droite, des populismes en Europe et dans le monde. Le discours de la peur et de l’intolérance a été vite transformé par les jeunes hommes et les jeunes femmes souriants qui dormaient dans nos canapés et chambres d’amis. Et cela représente un progrès d’humanité irréversible.
Je me souviens.
Nous sommes en octobre 2017. Il est huit heures du matin. Je demande à Samy de ne pas réveiller Mustapha. « Il est extrêmement fatigué, tu sais, ça fait plusieurs nuits qu’il dort très peu ou même pas. » Samy en profite pour se blottir sous la couverture, bien au chaud, dans notre lit. Mais la curiosité l’empêche bien vite de tenir le poste et, quelques minutes plus tard… « Papa, est-ce que tu peux demander à Mustapha s’il veut jouer avec moi ? » Mustapha, à moitié endormi, n’a pas besoin de traduction et, quand je me lève, ils sont déjà en train de jouer à la PlayStation. Il n’aura fallu qu’une nuit passée sous notre toit pour que Mustapha, cet inconnu, devienne aux yeux de Samy le copain de papa, puis très vite son copain aussi, qui n’a pas de maison et vient donc dormir dans la nôtre. Normal.
Quelques jours avant pourtant, Mustapha s’était réveillé au parc, entouré de policiers s’élançant pour saisir les dormeurs et les emmener menottés, au son des cris d’alarme, des gens à peine réveillés et ensuite debout en sursaut, des coups de pied, des colsons, des gens qui courent, crient et laissent tout derrière eux pour sauver leur peau, leur paix, leur espoir, leur liberté. Des adolescents à pieds nus, des femmes jetées à terre par d’autres femmes, des hommes âgés tétanisés par la peur, des combis de police remplis de gens, des très jeunes gens, qui n’ont com

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