Tu n auras pas d enfant
92 pages
Français

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Tu n'auras pas d'enfant , livre ebook

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Description

Alors embourbée dans un parcours de PMA difficile à l’issue très incertaine, Cécilia Viala a cherché du réconfort auprès de femmes qui ont vécu les mêmes épreuves qu’elle, et qui se sont servies de leur infertilité comme d’une force de création. Elles sont aujourd’hui célébrées pour leur art, mais comment Karen Blixen, femme de lettres danoise, Frida Kahlo, peintre mexicaine, et Marilyn Monroe, actrice américaine, ont-elles surmonté les épreuves liées à leur infertilité ? Comment les ont-elles transformées en énergie créatrice ?
Mêlant témoignage sans complaisance sur le monde de la PMA aujourd’hui et réflexions sur le sens de l’infertilité dans nos sociétés contemporaines, Cécilia Viala donne du sens à une expérience intime, traumatisante et qui touche pourtant de plus en plus de monde.
Voici le livre qu’elle aurait aimé lire lorsqu’elle se sentait si seule dans ce parcours éreintant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mai 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9782390094647
Langue Français

Extrait

© La Boîte à Pandore
Paris
http ://www.laboiteapandore.fr
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ISBN : 978-2-39009-464-7 – EAN : 9782390094647
Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.


Cécilia Viala
TU N’AURAS PAS D’ENFANT
Karen, Frida, Marilyn et moi…
Figures de femmes infertiles aux XX e et XXI e siècles


À Christophe


« Notre existence consiste à être continuellement contre la nature et à procéder contre la nature, disait Glenn, à procéder contre la nature jusqu’au moment où nous baissons les bras parce que la nature est plus forte que nous, nous qui, par outrecuidance, avons fait de nous-mêmes un produit de l’art […]
Nous sommes ceux qui veulent continuellement échapper à la nature, mais nous n’y arrivons pas, naturellement, dit-il, pensai-je, nous restons sur le carreau. »
Thomas Bernhard , Le naufragé
« Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. »
Winston Churchill


Introduction


De la putasserie de DNLP aujourd’hui
Le calvaire est long.
Au début, on compte en mois ( les cycles : C1, C2, C3… t’es tombée enceinte à quel cycle toi ? ). Puis en années. Avec la terreur qu’il dure enfin toute la vie. Qu’il redessine le passé sous une nouvelle lumière, sombre, et l’avenir entièrement noir. Le présent ? Le présent, lui, n’existe plus du tout. Avalé en même temps que les traitements.
Mais je devrais peut-être dire le combat ? C’est souvent le type de vocabulaire qu’on entend et qu’on emploie presque naturellement quand on est plongé dedans. « On a perdu la bataille, mais pas la guerre… », « il faut se reposer et reprendre des forces avant la prochaine tentative », « ne pas perdre espoir », « c’est un parcours du combattant »… Mais qui est l’ennemi dans cette improbable bataille ?
Contre qui bander les muscles, à qui montrer les dents ? Contre DNLP, Dame Nature la Pute, comme on dit entre nous, entre couples infertiles ? Elle semble être une ennemie bien injustement désignée. DNLP n’est-elle pas la victime désignée, évidente, de nos modes de vie extravagants ? N’est-elle pas la chose fragile constamment malmenée, l’agonisante de tous les jours détruite un peu plus par l’Homme victorieux et impitoyable, maître et possesseur de la nature, justement ?
Contre les médecins, qui proposent des traitements inopérants, et qui, irrémédiablement, finissent par avouer leur impuissance en déclarant des généralités du type « Vous savez, il y a bien des choses qu’on ne maitrise pas en médecine de la reproduction » ?
Contre les fertiles, ce peuple de sapiens bruyants et turbulents qui, fatigués par la tâche éreintante d’élever la prochaine génération qui continuera à souiller la terre, n’ont pas une seule seconde de considération à accorder à des individus aussi gauches que ces éclopés d’infertiles — « si vous voulez on vous donnera des positions qui marchent bien, haha » ?
Alors ? Alors, il n’y a rapidement plus rien contre qui, contre quoi se retourner ; les infertiles d’aujourd’hui méritent leur situation et paient le prix fort. Alors que s’ajoutent à l’infini, tels les déchets dans nos décharges, les mauvaises nouvelles d’un monde sur le déclin, qui montrera un peu de compassion pour ces couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants ? Qui reconnaitra leur malheur invisible ? Qui, enfin, reconnaitra qu’ils sont en deuil, alors qu’il n’y a littéralement rien à mettre en terre et que chaque tentative échouée représente une perte de plus ?
Dans la lutte impitoyable pour la reconnaissance des victimes de ce monde, les infertiles sont bien mal partis. Ils sont (généralement) en bonne santé, ont un toit sur leur tête et de la nourriture dans leur assiette. Leur sort intéresse moins que celui des hérissons. Et vraiment, à bien y penser, c’est compréhensible. Un hérisson, c’est mignon. C’est innocent. Fragile. Qui a véritablement envie de voir plus de bébés sapiens geignards et dépendants sur une Terre qui semble déjà trop pleine ? Neuf milliards de personnes en 2050. Ça coûte cher, la PMA. Et en plus, c’est dangereux, non ? Une pente savonneuse vers l’eugénisme… Qu’on laisse DNLP décider !


De leur entrée en PMA, comme on entre au purgatoire
Notre aventure — c’est le premier mot qui me vient à l’esprit et, quand on y pense, c’est véritablement formidable ! « Aventure », comme cela semble romantique ! Quelle partie tordue de mon cerveau a-t-elle décidé à cette seconde précise que le mot « aventure » était sans aucun doute le plus approprié ? Dois-je comprendre qu’une partie de moi-même considère cette « chose qui nous arrive », ou plutôt qui ne nous arrive pas, comme une expérience exceptionnelle, hors du commun, comme digne d’intérêt, valant le coup d’être racontée ? Sans doute. Mais je dois immédiatement ajouter que j’aurais donné beaucoup pour ne pas la vivre. Comme si j’avais peur de pouvoir tirer quelque chose de positif de ce bourbier dégoutant.
Tout a commencé par la plus banale des décisions — se reproduire —, dans le plus banal des quotidiens de l’Occident contemporain d’un couple monogame hétérosexuel blanc. Quel ennui !
Tout a continué par des mois de rapports quand il fallait, et la douleur et le sang, invariablement au rendez-vous, là, quand on les attend. Impeccablement à l’heure, le sang, ad nauseam . Je pense parfois, souvent, que mon corps devrait être objet d’études scientifiques : adieu contraception polluante, effroi d’une grossesse non désirée, bonjour stérilité naturelle, sexualité sans contrainte ! Mon corps exceptionnel… De quelle liberté j’aurais pu jouir si j’avais eu 20 ans dans les années soixante-dix ! Une hippie parfaite !
Puis arrive le printemps de l’an I, l’entrée en PMA. Comme on entre au purgatoire, la mort dans l’âme, mais persuadés qu’on va s’en sortir. C’est sûr. Nous ne sommes pas plus mauvais que les autres, non ? Et puis on voit les chiffres. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. On relit, pas sûrs d’avoir bien saisi. D’avoir intégré ce que cela signifie. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. Personne ne nous l’a jamais dit, d’ailleurs. Cela fait partie des informations que l’on glane par soi-même, quand on se rend compte, rapidement, que l’autoformation est plus que jamais nécessaire. Qu’on ne peut compter que sur nous-mêmes. Et sur quelques autres copains de galère, éventuellement. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. Boum. Un sur deux. Tiens, prends-toi ça dans la gueule. 50/50. Fifty-fifty. Dans tous les sens, on n’est pas très sereins.
Mais ça ne peut pas être nous. Ça ne sera pas nous. Nous, on est plus forts.


Des infertiles célèbres, à l’origine
« Lorsque Rachel vit qu’elle ne donnait point d’enfants à Jacob, elle porta envie à sa sœur, et elle dit à Jacob :
Donne-moi des enfants, ou je meurs ! »
Genèse, 30 : 1-24
Assez tôt dans le parcours de PMA, je me suis demandé vers qui me tourner. Autour de moi les annonces de grossesse pleuvaient, rien de nouveau sous le soleil, j’étais dans la trentaine, c’était la France. Impossible d’échapper à l’engouement français pour la maternité, dans la rue, au travail, en vacances, partout, oppressantes, des femmes enceintes. Et qui étais-je pour les juger ? Mais étais-je donc la seule à me trouver dans cette situation désespérée ? Au-delà des forums bordéliques et trop souvent mal écrits, les blogs ont constitué assez vite des ressources rassurantes pour sapiens grégaires. Oh ! des gens comme moi. Je n’étais pas seule. Des femmes (dans leur écrasante majorité) qui écrivent bien, régulièrement. Leurs parcours complets étalés au grand jour comme une source quasi infinie où puiser réconfort auprès d’autres êtres souffrants. L’humour dont font preuve certain(e)s bloggeurs/euses est incroyable, touchant. Mais c’est une forme d’apaisement toujours ambigüe, et c’est l’ADN même de ce genre de

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