Philosophie du droit pénal
109 pages
Français

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Philosophie du droit pénal , livre ebook

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Description

Il faut d’abord nous faire une idée exacte du sujet de la discussion : il faut que nous sachions en quoi consiste le droit de punir et ce qui constitue la punition elle-même. Je me vois attaqué sur la grande route, d’abord par des menaces, et immediatement après, si j’hésite à obéir, par des actes de violence. Je repousse la force par la force ; je pousse la résistance jusqu’à ôter la vie à mon agresseur, sans savoir si son intention était de m’enlever la mienne ; je ne le punis pas, je me défends, et quoi qu’on dise de mon ennemi, abattu à mes pieds, qu’il n’a eu que le sort qu’il a mérité, ce n’est pas à moi qu’il faut attribuer cette œuvre de justice distributive ; je n’ai usé que du droit de légitime défense.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 90
EAN13 9782346023059
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Adolphe Franck
Philosophie du droit pénal
INTRODUCTION
Le but qu’on se propose ici n’est pas le même que celui des savants jurisconsultes qui ont commenté ou expliqué le code pénal. Je ne veux toucher à la loi pénale écrite que pour la soumettre au contrôle de cette loi éternelle dont parle Cicéron, de cette loi qui est la même à Athènes qu’à Rome, et dont le texte ne se trouve nulle part, sinon dans la raison divine et dans la conscience du genre humain. Je n’ai pas non plus l’intention de recueillir et de comparer entre elles les lois pénales qui ont existé chez les différents peuples de la terre ; car ce travail d’érudition et de patience, s’il n’est pas subordonné à une fin plus élevée, s’il n’est pas destiné à rendre sensibles les triomphes du droit sur la force, de la raison sur la passion, de la justice sur la vengeance et les instincts féroces de la bête, de la civilisation sur la barbarie, ne peut offrir aux yeux qu’un tissu d’horreurs, de cruautés, de violences, de crimes plus odieux que ceux qu’on voulait punir, et qui, faisant l’opprobre de l’humanité, devraient être effacés de sa mémoire avec autant de soin qu’on en met à les produire au jour. Il ne peut pas être question enfin de substituer aux législations positives actuellement en vigueur un code idéal, où toutes les peines et tous les délits devraient trouver leur place dans un ordre plus ou moins rigoureux. Il s’agit de trouver les principes sur lesquels repose ou sur lesquels devrait reposer la justice criminelle et les règles qu’elle est tenue de suivre dans l’accomplissement de sa douloureuse mission. Il s’agit de reunir les élements de ce qu’on pourrait appeler la philosophie du droit pénal.
Cette branche de la philosophie n’intéresse pas seulement le publiciste et le philosophe, portés, par la pente de leur esprit et l’objet propre de leurs méditations, à chercher dans la conscience de l’homme et dans la nature des choses les fondements invariables des institutions et des lois ; elle n’intéresse pas seulement le jurisconsulte, pour qui la loi, lorsqu’il en ignore la raison, c’est-à-dire l’esprit, ne peut être qu’une lettre morte, tandis qu’il descend lui-même au rang d’un instrument sans conscience ou d’un sophiste sans conviction, prêt à servir également toutes les causes. Elle intéresse, j’ose le dire, tous les esprits cultives ; car il n’existe aucune partie des connaissances humaines où soient engages d’une manière plus directe les droits de l’individu, la conservation, la paix, la dignité de la société et la morale elle-même, ou du moins la conscience publique, sans laquelle la morale n’est dans ce monde qu’une exilée et une étrangère, que personne n’écoute, que personne ne comprend.
Imaginez, en effet, une législation pénale sans principes, qui ne se propose, comme cela est arrivé souvent, que le triomphe ou la domination d’une secte, d’un parti, d’une forme de gouvernement, d’une classe plus ou moins nombreuse de la société, à l’exclusion de toutes les autres, que deviendront alors les formes protectrices de la justice, l’integrite et l’independance des juges, la sécurité des accusés, les droits de la defense ? La fortune, la liberté, l’honneur, la vie des particuliers, tout sera sacrifié au but que l’on poursuit, parce que ce but, au lieu d’être géneral, au lieu d’être celui de la societé elle-même et de la societé tout entière, ne sera que la satisfaction d un intérêt égoïste, d’un préjugé intolérant ou d’un orgueil intraitable. Alors, au lieu de citoyens, il n’y a plus que des esclaves ; la loi n’est plus qu’un instrument d’oppression et le juge se confond avec le bourreau. Sans aller aussi loin, admettez seulement que la justice pénale, au lieu de borner sa tâche à la répression des crimes qui attaquent l’ordre social, se propose de poursuivre l’immoralité sous toutes ses formes, jusqu’au peche, ou ce qui est considére comme tel, par une religion déterminée, jusqu’aux erreurs de la pensée, ou ce qui est qualifié ainsi par une certaine science, vous verrez renaître aussitôt les procès d’herésie et de sorcellerie, vous verrez reparaitre l’inquisition avec tous ses instruments de torture, vous entendrez proclamer des édits comme ceux qui proscrivaient autrefois la circulation du sang, qui défendaient c sous peine de la hart » d’enseigner toute autre logique que celle d’Aristote, ou qui ordonnaient, sous peine du bûcher, de faire tourner le soleil autour de la terre ; vous aurez livré la liberté de votre conscience, la liberté de votre intelligence, la paix et l’honneur de votre foyer.
Si vous n’avez point de principes en matière de droit penal, vous passerez facilement de l’excès de la rigueur à celui de l’indulgence. Attendri par une pitié trompeuse, qui n’est au tond que de la cruauté ; séduit par une philanthropie romanesque, qui n’est souvent que le plus haut degré de personnalité, vous voudrez enlever à la societé tous ses moyens de défense, vous voudrez désarmer la justice et énerver la loi ; toujours prêt à verser des larmes sur le sort du coupable, vous serez sans entrailles pour les honnêtes gens. L’ordre social, sous cette influence dissolvante, n’existera plus bientôt que de nom. Le vice et le crime, assures de trouver partout indulgence et protection, marcheront le front levé. Il faudra, comme naguère à New-York, des associations privées pour remplacer l’autorité avilie et les tribunaux impuissants ; ou l’on en viendra à marcher en armes, comme les aristocraties féodales du moyen âge ; on rentrera dans la servitude par l’anarchie et par la faiblesse.
Mais ce n’est pas seulement la liberté individuelle, ce n’est pas seulement l’ordre social, c’est la moralité elle-même, c’est la conscience publique qui se trouve menacée, corrompue et étouffée par une justice pénale sans principes, ou guidée par des principes faux. Lorsque la justice veut embrasser le domaine entier de la morale, elle finit par effacer toute différence entre la loi pénale et la loi du devoir. Or, comme la loi pénale ne peut jamais saisir que l’apparence, la moralité consistera à ne pas se laisser prendre, l’honnête homme sera celui qui n’aura jamais été touché par la justice, l’hypocrisie tiendra lieu de religion et de vertu. D’un autre côté, l’étendue de la peine deviendra naturellement la mesure de la moralité des actes. L’action la plus punie sera la plus criminelle ; celle qui n’est frappée que d’un châtiment léger ne sera qu’un péché véniel, et le silence ou l’omission de la loi sera un signe d’innocence. C’est ainsi que, dans notre société, dérober à un millionnaire une légère pièce d’argent quand on est à son service ou quand on a brisé pour la prendre, la glace de son armoire, est considéré comme un crime, parce que telle est la définition du code pénal, et que le châtiment n’est pas au-dessous de la définition. Au contraire, l’action qui sème la honte et le désordre dans les familles, qui attaque les mœurs par la base, et dissout la société en même temps que le foyer domestique, l’adultère, qualifié de délit et passible de quelques mois de prison, est regardé presque comme un triomphe pour celui qui en est reconnu coupable. C’est comme une preuve publique de qualités séduisantes, d’un pouvoir irrésistible sur les cœurs, et un titre éclatant à d’autres conquêtes. Mieux vaudrait l’impunité absolue que ce châtiment dérisoire, surtout si l’on y ajoute les dommages-intérêts pour le mari trompé. Mais je reviendrai sur cette question délicate. Je me borne pour le moment à signaler d’une manière générale quelques-unes des conséquences les plus désastreuses d’un système pénal qui n’est point fondé sur la raison.
Un autre moyen, pour la justice criminelle, de corrompre la conscience publique, c’est de se mettre en opposition directe avec la loi morale et avec les plus légitimes affections du cœur humain, quand elle cherche par exemple à convaincre un accusé par le témoignage de ceux qui lui sont le plus chers, quand elle érige en crime, comme faisait notre vieux droit, la non-révélation de certains attentats,

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