Petites bonnes d Abidjan
216 pages
Français

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Petites bonnes d'Abidjan , livre ebook

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Description

Cet ouvrage retrace l'histoire et met à jour les transformations récentes du travail domestique juvénile. Il décrit les structures d'organisation et d'évolution du marché spécifique de placement des "petites bonnes" et rend compte de la diversité des statuts de ces jeunes travailleuses. Enfin, l'exploration des pratiques et des rapports de travail entre les "patronnes" et les "filles" montre comment les rhétoriques familiales masquent des rapports sociaux de domination particulièrement durs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 27
EAN13 9782296484955
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« PETITES BONNES » D’ABIDJAN
Sociologie des filles en service domestique
Collection dirigée par Bruno Péquignot
En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection Logiques Sociales entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale.
En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques.
Dernières parutions
Yris ERTUGRAL, Le désir de maternité et la mort, depuis la légalisation de la contraception et de l’avortement , 2012.
Ulrich BRAND, Michael LÖWY, Globalisation et crise écologique. Une critique de l’économie politique par des écologistes allemands , 2011.
Fred DERVIN, Impostures interculturelles , 2011.
Anne-Lise SERAZIN, Vies de travail en Loire-Atlantique au XXe siècle . Traversées du siècle , 2011.
Jacqueline DEGUISE-LE ROY, Les solidarités à l'épreuve de la pauvreté . Expériences anglaises et françaises aux XIX E et XX e siècle s, 2012.
William GASPARINI et Lilian PICHOT (sous la dir. de), Les compétences au travail : sport et corps à l’épreuve des organisations , 2011.
André GOUNOT, Denis JALLAT, Michel KOEBEL (sous le dir. de), Les usages politiques du football , 2011.
Martine CHAUDRON, L’exception culturelle, une passion française ? Éléments pour une histoire culturelle comparée, 2011
Philippe ZARIFIAN, La question écologique , 2011.
Anne LAVANCHY, Anahy GAJARDO, Fred DERVON (sous la dir.)
Anthropologies de l’interculturalité , 2011.
André DUCRET et Olivier MOESCHLER (sous la dir. de), Nouveaux regards sur les pratiques culturelles. Contraintes collectives, logiques individuelles et transformation des modes de vie , 2011.
Mélanie Jacquemin
« PETITES BONNES » D’ABIDJAN
Sociologie des filles en service domestique
Préface de Claudine Vidal
© L’Harmattan, 201 2
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Pari s
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96671-0
EAN : 9782296966710
Pour Antoinette Kouassi Lou,
en souvenir de Clément Yao
PREFACE
À la fin des années 1970, menant des enquêtes sociologiques à Abidjan, je suis fascinée par la présence de femmes commerçant partout dans la ville. De l’aube à tard dans la nuit, elles vendent toutes sortes de marchandises sur les marchés, les places publiques, les carrefours, les rues, aux terminus des gares, devant les portes des usines, des bureaux, dans les couloirs d’immeubles abritant des ministères, à l’intérieur des cours d’habitation… partout où elles trouvent un interstice permettant un négoce. Fixes ou ambulantes, très présentes dans les quartiers populaires dont elles investissent et modèlent l’espace quotidien, on les voit aussi dans les zones résidentielles de haut standing. Alors qu’à cette époque, le secteur commercial et artisanal dit informel, ou non structuré, suscitant un intérêt scientifique croissant, faisait l’objet d’abondants travaux multidisciplinaires, les activités féminines exercées dans ce secteur ne furentelles « découvertes » que bien plus tard.
L’auteure rend compte des conditionnements mentaux de cette longue méconnaissance puis observe l’émergence d’un nouveau regard sur l’importance économique des microentreprises féminines. En effet, la récession et les Plans d’ajustement structurel, frappant durement l’économie abidjanaise dès 1980, provoquèrent un développement important des microactivités de production, de service, de commerce exercées par des femmes. Les analystes les considérèrent enfin comme travail productif, commencèrent à les comptabiliser et révélèrent l’importante place des femmes dans l’ensemble du secteur informel. Dans le même mouvement, l’attention se porta sur l’économie domestique en soi afin d’en observer les modalités et d’en évaluer l’importance dans l’ensemble de l’économie.
Ainsi, des enquêtes menées sur la restauration populaire à Abidjan, secteur largement dominé par les femmes, ontelles montré que les descriptions assimilant les petites activités féminines à des mouvements browniens (commerces minuscules aux profits négligeables, démarrés, abandonnés, repris et pullulant dans toute la ville, etc.) avaient un caractère superficiel. En réalité, ces activités féminines sont fortement structurées : un ensemble de conditions socioéconomiques est indispensable à la création des microentreprises. À la nécessité d’un capital de départ, aussi minime soitil, s’ajoute la maîtrise de rapports délicats avec des parents, des voisins, des concurrents, les clients. Pour ne donner qu’un exemple, les femmes qui vendent des plats cuisinés dans leur propre cour d’habitation doivent négocier avec leurs parents, mais aussi avec leurs voisins, la possibilité d’occuper une partie de l’espace collectif et d’y recevoir des clients. Cependant la création et la viabilité d’un « fonds de commerce » ne nécessitent pas seulement du capital économique et social, elles exigent une immense dépense de temps. Ces femmes, qui ne reçoivent pas de salaire horaire, doivent investir du temps dans leur commerce jusqu’à la limite de leur force. Par ailleurs, elles ont seules en charge le travail domestique et le soin aux enfants, tâches elles aussi dévoreuses de temps dans les milieux populaires dépourvus de facilités ménagères.
Il est strictement impossible que des femmes assument seules à la fois leur activité économique et les tâches domestiques. C’est pourquoi, dans l’ombre de la commerçante visible, existe une maind’œuvre la moins coûteuse possible, composée de fillettes et de très jeunes filles. Or, par un paradoxe analogue à celui qui rendait invisibles aux analystes les activités féminines informelles, alors qu’elles se voyaient, au sens physique du terme, partout dans la ville, le travail de cette maind’œuvre jeune est resté absent des descriptions. Pourtant, à Abidjan, il avait une traduction démographique évidente : la surreprésentation des filles de 10 à 19 ans par rapport aux garçons du même âge et aux autres groupes d’âge féminin. Une surreprésentation déjà attestée au premier recensement d’Abidjan en 1955 et qui a été régulièrement confirmée par les recensements suivants.
La recherche pionnière de Mélanie Jacquemin analyse les logiques historiques, sociologiques et économiques qui soustendent la constitution de la domesticité juvénile. Si, avant les années de récession, elle était essentiellement composée de fillettes envoyées par leurs familles villageoises chez des parentes plus ou moins proches les présentant comme des « petites nièces », à partir des années 1980, apparaissent des « petites bonnes », étrangères à la famille et rémunérées sur la base d’un salaire mensuel. La coexistence des déterminations familiales assurant la mise au travail domestique des enfants avec des logiques anonymes et contractuelles de salariat domestique juvénile est assurément une mutation historique. Sur ce point, l’auteure apporte des éléments inédits. Pour la première fois, est mise en évidence l’existence d’un marché spécifique du service domestique juvénile ainsi que de ses différents systèmes d’organisation. Pour la première fois aussi, est découverte la diversité des statuts de ces jeunes travailleuses, de la « petite nièce » à la « petite bonne » et à l’ « enfant louée ».
Enfin, l’approche ethnographique du monde des patronnes et de leurs jeunes domestiques révèle comment le langage du modèle familial, qui exprime leurs relations, dissimule des rapports de rude exploitation. L’auteure montre comment l’expérience de la domination domestique s’acquiert par corps : par la mise au travail, par la place assignée pour manger et dormir, dans la pratique ordinaire des inégalités de position. De ce point de vue, par ses analyses fines de conduites spécifiques liées à des espaces sociaux difficiles d’accès, Mélanie Jacquemin, en réussissant à sortir de l’anonymat scientifique un « petit o

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