Esther Eneutseak et sa fille Nancy Columbia
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Esther Eneutseak et sa fille Nancy Columbia , livre ebook

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Description

«Des glaces du Labrador aux igloos en carton-pâte de Barnum & Bailey, mère et fille tournent et tournent dans le grand cirque de la vie. Bêtes de foire, dit-on... mais qui sont les plus bêtes dans cette histoire?»

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Informations

Publié par
Date de parution 10 avril 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895966326
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0002€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La collection «Mémoire des Amériques» est dirigée par David Ledoyen
Ce texte est extrait de l'ouvrage de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, De remarquables oubliés , t. 1, Elles ont fait l'Amérique , Montréal, Lux Éditeur, 2011.
Illustration de couverture: Francis Back
© Lux Éditeur, 2011 www.luxediteur.com
Dépôt légal: 2 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN(ePub) 978-2-89596-632-6
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada ( FLC ) pour nos activités d’édition.
Esther Eneutseak et sa fille Nancy Columbia
D es glaces du Labrador
aux igloos en carton-pâte de Barnum & Bailey, mère et fille tournent et tournent dans le grand cirque de la vie. Bêtes de foire, dit-on... mais qui sont les plus bêtes dans cette histoire?
L ES OUTARDES ONT QUITTÉ la côte, le vent libère ses premières bourrasques et bientôt les familles se disperseront sur la banquise pour leurs grandes chasses d’hiver. Aujourd’hui, toutefois, survient quelque chose d’insolite: un schooner américain accoste au village. En soi, cela n’a rien d’extraordinaire, on a l’habitude des explorateurs, des baleiniers, des commerçants. Or, le capitaine qui débarque de la goélette ne vient apparemment ni pour la chasse, ni pour la traite des fourrures. Il a une mission tout autre. Aux Esquimaux réunis sur la grève, il fait une proposition étonnante: emmener des volontaires vers le sud afin qu’ils participent à une gigantesque exposition. Là-bas, chaque famille recevra cinquante dollars par année, en plus du gîte et de la nourriture.
Ce fait étrange se passe en 1892 à Davis Inlet, entre la baie d’Ungava et le lac Melville, le long de la côte déchiquetée et austère du Labrador nordique. Les Inuits, qu’on appelle alors des Esquimaux, relèvent de la juridiction de la colonie de Terre-Neuve. Ils vivent sur la banquise en hiver, où ils chassent le phoque et la baleine, et sur la côte en été, où ils pêchent l’omble et chassent le caribou. La Compagnie de la Baie d’Hudson y tient des postes de traite pour commercer avec ces nomades du nord, et les missionnaires moraves travaillent à la conversion des âmes.
La proposition du capitaine américain paraît surprenante, certes, pour cette population isolée, mais l’idée d’exhiber des «primitifs» aux gens civilisés des villes était très populaire en Europe, et surtout en France, où le Jardin d’acclimatation de Paris se spécialisait dans le genre. Il s’agissait de montrer en spectacle continu des êtres humains «exotiques» dans leur habitat, leurs costumes, leur mode de vie, bref des sauvages occupés à des travaux et des loisirs typiques au sein de leur environnement «naturel» reconstitué. Fait tout aussi surprenant, dix familles acceptent le marché: elles embarquent donc sur le navire, avec armes et bagages, c’est-à-dire avec chiens et traîneaux, kayaks, oumiaks et harpons, sans oublier les vêtements de peaux de phoque et tout ce qui constitue leur quotidien. La goélette Evelyna poursuit son voyage plus loin sur la côte, vers la baie d’Ungava, où deux autres familles sont recrutées. Ces dernières seront plus tard présentées comme «parfaitement sauvages et païennes», car elles sont recueillies sur une terre vierge, quasiment inexplorée, où ne viennent aucun traiteur de fourrures ni aucun prêtre.
Ayant terminé sa mission, le bateau rentre à Boston le 14 octobre 1892. C’est ainsi que, à la grande curiosité des journalistes et du public, une cinquantaine d’Esquimaux débarquent dans l’est des États-Unis. Dans le groupe, il y a une belle jeune fille de quinze ans, Esther Eneutseak, qui est enceinte. Du père, on sait seulement qu’il était blanc et travaillait pour la Compagnie de la Baie d’Hudson à Hebron. Les organisateurs font monter les familles, avec leurs kayaks et tout le bazar, dans un train à destination de Chicago. On peut imaginer comme on les dévisage, comme on murmure dans les wagons... Et les gens de la toundra, que lisent-ils dans ces yeux ahuris braqués sur eux, que perçoivent-ils sur ces visages pâlots d’Américains? Se parlent-ils? Car, et on l’imagine moins, de nombreux Esquimaux du Labrador comprennent tout de même l’anglais, pour avoir fréquenté longtemps trappeurs et missionnaires.

Arrive enfin le but de ce voyage: l’Exposition universelle de Chicago. Les États-Unis célèbrent alors le 400 e  anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Pour marquer le coup, Chicago s’affaire à mettre sur pied une foire prestigieuse, d’envergure internationale, qui se tiendra de mai à octobre 1893.

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