Fénelon
159 pages
Français

Fénelon , livre ebook

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159 pages
Français

Description

Parmi les grands écrivains du XVIIe siècle, François de Salignac de la Mothe-Fénelon, homme d'honneur et de foi, se distingua par son indépendance de caractère et sa constance d'idées, qui lui suscitèrent des ennemis, dont Bossuet, qui se conduisit mal envers lui, et madame de Maintenon. Relégué dans son archevêché de Cambrai, il y joua un rôle déterminant et, tout en préparant le règne futur qu'il ne verra pas, créa, avec Télémaque, l'un des premiers romans d'aventures.

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Publié par
Date de parution 27 janvier 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140141546
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Georges Poisson
Fénelon linsurgé
Fénelon l’insurgé
Georges Poisson Fénelon l’insurgé
© L’Harmattan, 2020 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-18214-8 EAN : 9782343182148
I. Collines et rochers
Il y a de tout en lui, Saint-Simon avait raison : du docteur et du novateur, pour ne pas dire de l’hérétique, de l’aristocrate et du philosophe, au sens e où le XVIII allait entendre ce mot ; de l’ambitieux et du chrétien, du révolutionnaire et de l’inquisiteur, de l’utopiste et de l’homme d’État, du bel esprit et de l’apôtre : tous les contrastes dans la même personne, et dans un seul esprit toutes les extrémités. Fernand Brunetière Entre Périgord et Quercy, pays de collines, la limite est marquée par une ligne rocheuse ponctuée de forteresses, certaines abandonnées depuis Richelieu. L’une d’elles, au e XVII siècle, dominait la large vallée de la Dordogne (Sarlat est sur l’autre rive). C’était, c’est encore, au-dessus du village de Sainte-Mondane, le château de Fénelon, construit à partir e du XIV siècle par les seigneurs de ce nom. À la suite du déplorable traité de Brétigny (1360), ils avaient dû prêter serment à Édouard III d’Angleterre, mais la place fut reconquise pour les Français par Jean de Massaut, parent des Fénelon, qui souhaita la garder : le duc d’Anjou la lui vendit pour quinze cents livres, le nommant capitaine. Massaut entreprit de réparer les dommages du siège et dut pour cela emprunter à une branche de la vieille et puissante famille de e Salignac, connue depuis le début du XIII siècle, laquelle, de ce fait, devint copropriétaire du château. En 1445, Jean de
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Salignac dit le Vieux en était le seul possesseur, et son successeur Jean le Jeune, panetier de Louis XI, entreprit de e reprendre les travaux, poursuivis au XVI siècle par un personnage haut en couleurs, Bertrand de Salignac, dit M. de La Mothe : après avoir guerroyé durant une quinzaine d’années, il fut en 1568 nommé par Charles IX ambassadeur auprès de la reine Élisabeth d’Angleterre : mission délicate, car Marie Stuart, belle-sœur du roi de France, était alors prisonnière de la reine britannique. Il eut également à justifier les massacres de la Saint-Barthélemy et a lui-même raconté que la reine, à Oxford, lui avait demandé « s’il était possible qu’elle eût ouï de si étranges nouvelles d’un prince qu’elle aimait et honorait et auquel elle avait mis plus de fiance qu’en tout le reste du monde ». L’ambassadeur eut bien du mal à défendre la version laborieusement préparée par la Cour de France d’un complot huguenot contre la famille royale. Salignac se rendit à nouveau en Angleterre en 1581 pour négocier le mariage d’Élisabeth avec le frère de Charles IX, le futur Henri III, mariage qui ne se fit pas. Retiré à Fénelon en 1580, il résista en 1587 à Sarlat aux assauts du vicomte de Turenne. Entre ses diverses missions, il effectuait de nombreux travaux dans le château, qui prit dès lors l’aspect qu’il a conservé, corps de logis central avec deux ailes en équerre, asymétriques, coiffées de lauzes. Le tout flanqué de tours et entouré de deux enceintes. À cette époque remontent sans doute les deux tours rondes non coiffées couronnées d’un parapet à rebord saillant sur mâchicoulis, ainsi que les deux lucarnes de la façade sud, à meneaux et pinacles d’angle, portant au fronton les armes des Salignac (d’or à trois bandes de sinople), lucarnes supportées par des consoles renflées. Bertrand de La Mothe-Salignac comptait finir ses jours ici, mais en 1598 Henri IV lui demanda de partir en ambassade. « Je sais, lui écrivit-il, que votre âge et vos
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services méritent repos et rémunération plutôt qu’une surcharge d’occupation. Toutefois, voulant faire élection d’un personnage propre et capable pour me servir d’ambassadeur auprès du roi d’Espagne, je n’en ai point trouvé de plus digne ». L’offre ne se refusait pas, et le vieux seigneur, parti pour Madrid, mourut en route à Bordeaux en 1599. Son descendant François de Salignac de La Mothe-Fénelon, « premier châtelain du Périgord », reprit les travaux et y dépensa toute sa fortune, ainsi que la considérable dot de sa femme Marie de Bonneval, et se retrouva à la tête de cinquante et un mille deux cents soixante-quinze livres de dettes. e C’est sans doute à cette époque, première moitié du XVII siècle, que le château, après ces divers remaniements, prit l’aspect que connaîtra Fénelon et qu’il a heureusement conservé. Il s’élève au centre de deux enceintes concentriques, la première flanquée de tours s’ouvrant par un châtelet muni de bretèches et autrefois précédé d’un pont-levis. Par une rampe de deux cent vingt mètres, on gagne ensuite un autre châtelet formant passage à travers la seconde enceinte, au centre de laquelle s’élève le château proprement dit, grand corps de logis coiffé à quatre pans de lauzes grises (une tonne au mètre carré), percé de fenêtres à meneaux et prolongé de deux ailes. Il est flanqué de bastions à éperon, de style Vauban et de tours rondes à petites fenêtres coiffées en cône et mâchicoulis. Sur la façade nord, un majestueux perron en fer à cheval donne accès au porche d’entrée, qui débouche sur la cour intérieure à travers une e « galerie-cloître » du début du XVII siècle, dont les arcades à voûtes d’arêtes sur piliers carrés supportent une terrasse à balustres renflés ouvrant sur le paysage, terrasse que l’on attribue à François de Salignac. Son fils Pons de Salignac, comte de La Mothe-Fénelon, vécut une carrière militaire, fidèle au roi même pendant la Fronde, mais il portait le poids des dettes de son père :
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« Comme d’autres familles de noblesse provinciale, la famille avait été conduite près de la ruine par l’évolution économique, le grand nombre d’enfants, le partage des biens, conditions toujours présentes à l’esprit de Fénelon dans sa jeunesse ou lorsqu’il réfléchira sur les moyens de restaurer le rôle politique et la situation économique de la noblesse » (J. Le Brun). er Resté veuf avec neuf enfants. Pons se remaria le 1 octobre 1647 avec Louise de La Cropte de Saint-Sauveur, union qui semble-t-il arrangea un peu ses affaires. « Noblesse pauvre » a-t-on dit : plutôt noblesse provinciale habituée à une existence mesurée. C’est dans le château de Fénelon, nous en sommes sûrs maintenant, que naquit en 1651, en début d’année ou le 6 août (date du baptême ?) leur second fils François de Salignac de La Mothe-Fénelon, portant les noms des divers fiefs de sa famille, qui ne lui appartenaient pas tous, mais se sachant et se sentant un seigneur, qualité qu’il n’oubliera jamais et l’orientera souvent. L’enfant, « fils de vieillard et de femme jeune » a-t-on dit, fut ondoyé dans la chapelle du château, petite et voutée, qui subsiste dans une des tours. À l’Est de la forteresse, un cèdre passe pour avoir été planté lors de sa naissance. « Fénelon apparaît comme l’homme d’un milieu, d’une famille, d’une classe sociale qui tressait autour de lui un réseau de liens de parenté, de clientèle et d’intérêts, déterminant des orientations politiques, des tendances religieuses, des traits de caractère et des préjugés » (J. Le Brun).
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