Guy s en va
96 pages
Français

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Description

L'auteure revient ici sur le destin de deux personnes; Guy, son premier amour, et Michel, un jeune ami. Deux itinéraires vrais. Deux récits poignants. Deux chroniques parallèles qu'il faut lire, parce qu'en 2005, soixante ans se sont écoulés depuis que les portes des camps, ouvertes par les alliés, ont livré leurs survivants. L'auteure est de ceux-là, portant inlassablement son témoignage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2005
Nombre de lectures 180
EAN13 9782336265544
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rue des Ecoles
Cette collection accueille des essais, d’un intérêt éditorial certain mais ne pouvant supporter de gros tirages et une diffusion large, celle-ci se faisant par le biais des réseaux de l’auteur.

La collection Rue des Ecoles a pour principe l’édition de tous travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc.
Déjà parus
Raymond CHAIGNE, Burkina Faso. L’Imaginaire du Possible, 2004.
Jean-Pierre BIOT, Une vie plus loin ..., 2004.
J. TAURAND, Le château de nulle part , 2004.
Jean MPISI, Jean-Paul II en Afrique (1980-2000), 2004.
Emmanuel ROSEAU, Voyage en Ethiopie , 2004.
Tolomsè CAMARA, Guinée rumeurs et clameurs , 2004
Raymond TSCHUMI, Aux jeunes désorientés , 2004.
SOLVEIG, Linad , 1 ère partie, 2004.
Roger TINDILIERE, Les génies de la fontaine , 2004.
Sylvie COIRAUT-NEUBURGER, Penser l’inaccompli , 2004.
Guy s'en va

Francine Christophe
Du même auteur
Une Petite Fille Privilégiée l’Harmattan 1997 Pocket 2001 Après les Camps, la Vie l’Harmattan 2001 Souvenirs en Marge L’Harmattan 2002 La Photo Déchirée L’Harmattan 2003
Au théâtre
Une Petite Fille Privilégiée
Création au Lavoir Moderne Parisien,
Paris 2000 2001
Guy s’en Va
Création au Théâtre de l’Utopie
La Rochelle 2003
Une Toute Petite Histoire
Création au Théâtre de l’Utopie
La Rochelle 2003
© L’Harmattan, 2004
9782747576857
Sommaire
Déjà parus Page de titre Du même auteur Au théâtre Page de Copyright Préface Guy s’en va Le Bouton Remerciements
Préface
Lorsque j’étais un tout petit garçon je suivais les cours de l’école primaire dans une école religieuse catholique. Ma mère était une femme très pieuse et tenait à ce que mon éducation soit conforme à sa croyance.
Nous avions des cours d’instruction religieuse au cours desquels nous apprenions ce qu’on appelait l’histoire sainte , ce qui était en réalité un résumé très succinct de la Bible. J’étais très impressionné par l’histoire de ce peuple élu que Dieu avait choisi et je suivais son chemin avec beaucoup d’attention.
J’ai gardé depuis cette époque le souvenir d’Abraham cheminant avec son fils Isaac pour l’offrir à Dieu en sacrifice. Ce qui m’avait marqué c’est la réponse qu’il fit à Isaac quand celui-ci lui dit : “Nous avons bien tout ce qu’il faut pour offrir un sacrifice, mais où est la victime?” La réponse d’Abraham est restée dans mon esprit à tout jamais : “Dieu y pourvoira”. Mais là où mon cœur frémissait c’est en suivant les fils de Jacob dont j’apprenais les noms par cœur tant mon admiration pour Joseph était grande.
Le 18 avril 1944, venant de Maïdaneck, je suis arrivé à Auschwitz-Birkenau. J’avais rejoint les fils de Jacob. Ils étaient tous là : Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Dan, Nephtali, Gad, Aser, Issachar, Zabulon, Joseph et Benjamin. Mais leurs sœurs aussi étaient là : Sarah, Rébecca, Rachel, Esther et toutes les autres, ces femmes que j’ai vues, punies, à genoux sur des graviers, à l’entrée du camp des femmes.
Le Dieu d’Abraham avait décidé que je partagerais leur sort. Pas tout à fait cependant, puisque, lors de mon arrivée, je n’étais pas avec ma famille et que je ne suis pas passé à la “ sélection ”, ces deux drames terribles qui font la différence entre la déportation de persécution et la déportation de répression . Le Dieu d’Abraham avait choisi un jeune homme quelconque pour raconter l’histoire, j’étais là pour témoigner, mais je ne le savais pas.
Pendant quatre mois, de juin à septembre 1944, j’ai pu observer, à côté de la “rampe” de Birkenau ce qu’on appelle désormais la Shoah : - j’ai vu arriver de longs trains de wagons à bestiaux. - j’ai vu descendre des hommes, des femmes et des enfants juifs - j’ai assisté à la sélection faite par le médecin SS Thilo - j’ai vu des familles entières entrer dans l’enceinte d’un des deux bâtiments fours crématoires situés à l’extrémité de la rampe - je n’ai jamais vu ressortir quiconque - j’ai vu après chaque arrivée de hautes flammes sortir des cheminées - j’ai vu une épaisse fumée noire se répandre au-dessus du camp - j’ai senti une odeur de viande grillée qui envahissait l’atmosphère - j’ai vu partir vers le camp des camions chargés de sacs et de bagages
J’ai vu tous ces malheureux se diriger vers la mort et le petit Guy était probablement parmi eux.
Alors je faisais une prière au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob pour qu’il nous réunisse tous un jour dans son éternel paradis.
Général André Rogerie Auschwitz numéro 183070
Dessin de Georges Horan. Interne au camp de Drancy en 1842. Il lui avait donné ce sous-titre. Les enfants arrivent au Bourget. La gare du Bourget a vu arriver les wagons d’enfants juifs détenus à Pithiviers et à Beaume-la Rolande via Drancy: puis les départs de Drancy pour Auschwitz.
Guy s’en va
“J’ai si souvent pensé à toi, Guy, que je ne crois pas te trahir, en écrivant pour toi. ”
Francine

Guy s’en va
Il fait froid. J’ai froid. Le béton est glacé. Je le sens sous mes fesses. Je grelotte. Le froid monte en moi tout le long de mon dos, ça gagne la nuque, les bras, les jambes. Si je presse bien mes mains, serrées entre mes cuisses, elles tiédissent. Sinon mes doigts raidissent.
- Maman...
Maman me tient. Ses bras me serrent fort mais ils sont froids aussi. Je ferme les yeux ; je me sens plus au chaud, je peux penser à la maison. Dormir ici est impossible. Tous les bruits m’en empêchent. Mais les yeux fermés, je ne vois pas la dame qui donne le sein à son bébé. Pouah ! je trouve ça dégoûtant. Peut-être parce que je n’ai pas de petit frère. La dame dit que le bébé est né il y a trois jours, mais qu’elle n’a pas de lait, alors le bébé pleure. J’ai froid. La dame, au moins, est couchée sur la paille. Quand nous sommes montés tout à l’heure, quatre à quatre, avec les gendarmes qui criaient, Maman et une autre ont ramassé ce qui restait de paille sèche, l’ont tassée et glissée sous la dame au bébé. Comme ça, elle n’a pas froid aux fesses, comme moi. Elle prend son bébé dans l’autre bras, et lui donne l’autre sein. C’est drôle un sein. Ah ! il paraît que là, il y a un peu de lait ! Du lait, j’en voudrais bien. Maman a gardé sa bouteille d’eau.
- Maman, à boire.
J’ai tout bu. Maman me dit de ne pas bouger, qu’elle va remplir sa bouteille à l’auge. Elle s’éloigne. Elle trébuche. C’est qu’on se cogne dans tous les tuyaux qui courent par terre. Elle doit enjamber le vieux monsieur sur sa civière, celui qui arrive de l’hôpital. Qu’est-ce qu’il a l’air vieux ! Au moins cinquante ou soixante ans. Je vais demander.
- Madame, il a quel âge le monsieur sur la civière ?
- 86. Pourquoi ?
- Comme ça, j’en ai jamais vu un si vieux...
Encore pouah ! le vieux monsieur, il ouvre sa braguette. Je devrais me retourner mais je ne peux pas le faire sans pousser des pieds une autre dame devant moi. Quelle horreur ! le vieux monsieur fait pipi, et son pipi coule entre les tuyaux, sur le béton. Je vais pleurer.
- Maman !
La voilà qui revient. Elle trébuche et me tombe à moitié dessus, mais sa bouteille est pleine.
Cette chambrée de départ ressemble aux autres. Du béton gris, des tuyaux, et les fenêtres peintes avec juste un petit coin gratté où une dame colle un œil.
- Rien, la cour est vide. Ah ! un gendarme passe...
- Normal, les jours de départ, tous les blocs sont consignés.
Les jours de départ, les partants attendent dans les escaliers de départ. Je suis un partant, dans un escalier de départ.
- Guy, mon chéri, bois. Bois encore.
L’ampoule au plafond s’est éteinte. Il faut s’habituer à l’obscurité. Mais le bébé pleure de plus en plus. Sa mère dit qu’il est sale. Moi aussi. Je sens mes mains crasseuses.
- Guy, mon chéri, as-tu moins froid ?
Elle m’a tellement frotté le dos que ça va mieux. Je somnole dans ses bras et j’ai réchauffé le coin de béton s

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