Les roses d Alphonsine
82 pages
Français

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Les roses d'Alphonsine , livre ebook

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Description

Par son intensité et la puissance de ses images, ce texte nous invite aux premières loges d'un XXème siècle incroyablement tourmenté. Les épisodes d'une vie se succèdent ici à une cadence incroyable, de France en Tunisie, et enfin en Algérie.


Ainsi se façonne, dans les tempêtes de l'histoire, la détermination d'hommes et de femmes au courage exceptionnel.


Mais le talent de l'auteur ne s'arrête pas là. Sous les chênes verts de Tigzirt ou de Kroumirie, au creux de cette orangerais de la Mitidja, autuant de séquences impressionnistes, alors que souffle le sirocco sur les roses d'Alphonsine...


Quel joyau que ce livre, oeuvre d'une femme exceptionnelle ! Il rassemble ses souvenirs d'enfance, de la colonisation de l'Algérie à la seconde guerre mondiale en passant par les années folles...



Editions Tangerine nights

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9791093275604
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Charlye Audin-Buono
 
 
 
 
Les roses d’Alphonsine
 
Jeunesse errante
 
 
Collection Mouvements d’elles
 
 
 
 
 
 
Éditions Tangerine nights
46 Domaine du vert coteau
14800 Touques
www.tangerinenights.com
 
ISBN : 979-10-93275-59-8
EAN : 9791093275598
ISBN NUMÉRIQUE : 979-10-93275-60-4
EAN NUMÉRIQUE : : 9791093275604
 
Le mot de l’éditeur
 
 
J'ai découvert ce récit par hasard au fond de la bibliothèque de ma belle-famille et, dès les premières pages, je fus transporté par son intensité et la puissance des images. Aussitôt, je m’en allai trouver son auteur, ma belle-mère : pourquoi ce texte, écrit plusieurs années auparavant, se morfondait-il dans l’ombre, sur le chemin de l’oubli ?
Que je le trouve digne d’intérêt, et même admirable, cela lui parut inconcevable. « Il ne s’agit que d’une ébauche jamais achevée, presque un brouillon dont je ne suis pas fière », me fut-il répondu.
Naturellement, mon point de vue était différent, je devais le publier. Même si ce récit semble bref, il existe avec force, en tant que témoignage de ce que pouvait être une vie débutée en 1925.
Quand j’ai engagé les corrections – très minimes, car tout était en place, tant le style que le rythme du propos, je n'imaginais pas l'émotion qui me traverserait, à plonger ainsi dans l'intimité des ascendants de mon épouse.
Je connaissais déjà certains épisodes de cette épopée familiale, et pourtant l'idée que je tenais là un flambeau sacré dont je devais prendre le plus grand soin n’a cessé de me hanter.
J'espère avoir tenu cette promesse.
 
Claude Chevallier, éditeur
 
 
 
 
LYON
 
 
 
 
 
Je suis née à Villeurbanne dans le Rhône, par une nuit d'octobre 1925, sans doute froide et brumeuse. C'est bien vieux tout ça, alors qu’en s’éclipsant, le vingtième siècle cahotant a fait place au troisième millénaire.
J'arrivai dans ce monde, près de Lyon, où mes parents étaient ouvriers. Un monde déjà en plein bouleversement social. Depuis quelques années, les Françaises essayaient de se libérer : elles portaient des robes plus courtes qui découvraient leurs chevilles et se coupaient les cheveux. Elles fumaient des "cibiches" et réclamaient le droit de vote. Scandale ! On les appelait "les garçonnes". Ce n'était pas encore mon problème...
Mon horizon se borna pendant longtemps à celui de mes parents, et cela me permit de voyager, en voyageur soumis.
Si, pour certains "la patrie, c'est d'abord l'enfance" 1 , Lyon est celle de ma petite enfance, où j'ai ri et pleuré.
 
 
 
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1 Driss Chraïbi

Des premiers temps de cette patrie-là, je me rappellerais peu si ma petite mère n'avait raconté, elle aimait bien raconter. C'était pour elle une occasion de moraliser et de lier le passé à notre présent. Un siècle d'histoire, de vie et de mort nous précédait. Parfois nous savions d’avance ce qu'elle allait dire, et notre attention se relâchait. Nous n'aimions pas les leçons de morale.
Pour lors, ma mère se rappelle une petite fille très brune, aux cheveux noirs envahissants, ce qui étonnait les voisins : leurs enfants étaient plutôt chauves et blonds. Villeurbanne, c'est presque Lyon, les gens ne sont pas basanés !
« C'est une mouche dans du lait que vous avez fabriquée là », lui dit un jour la voisine, car elle m'habillait toujours en blanc.
Je crois aussi que mes grands-parents auraient préféré un petit garçon : on voulut m'appeler "Mauricette", parce que mon grand-père paternel s'appelait Maurice. La tradition. Mais ma petite mère tint ferme et me gratifia de ce prénom, Charlye, que j'aime assez, ma foi, d'autant plus que j'étonne toujours ceux qui me demandent : « Comment vous appelez-vous ? »
À leur grande surprise, je ne suis pas un garçon. Alors je réponds : « ma mère était une originale ».
Je dois avouer que, durant ma petite enfance, il a été difficile à porter, ce prénom. Charlie Chaplin commençait à être connu et, dans la cour de récréation, on se faisait un jeu de m’interpeller : « Charlie Chaplin, Charlie Chaplin ! » À sept ou huit ans, je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait, je ne savais même pas ce qu'était le cinéma, et je me réfugiais alors dans ma coquille.
Lyon, Villeurbanne, le Rhône, la Saône, tout cela ne fut qu'une patrie éphémère, je les ai quittés à trois ou quatre ans et ne les ai revus qu'à vingt-cinq ans.
Comment pourrais-je me rappeler ce temps-là, si elle ne nous l'avait si souvent raconté, ma petite mère ?
Mon père était alors ouvrier menuisier.
Elle, Alphonsine, travaillait dans une manufacture de vêtements, découpant de grosses épaisseurs de tissu avec des ciseaux si lourds qu'enfant, je ne pouvais les soulever. Un genre de ciseaux de géant qu'elle garda longtemps. Maman m'expliquait alors qu'il fallait les déposer sur la table de travail pour les utiliser.
Sur les murs de la fabrique, beaucoup de slogans incitant les ouvrières à l'ordre, au travail, au silence, du style : " une place pour chaque chose, chaque chose à sa place " , " le vrai bonheur est dans le travail bien fait... "
Quelques années plus tard, ils seraient sans doute complétés par " Travail, Famille, Patrie… "
 
Lyon, c'est la ville natale de mon père, la ville des canuts, de la cathédrale de Fourvière, basilique orgueilleuse couverte de plaques d'or dominant la ville, sur la colline qui lui donne son nom.
 
Notre dame de Fourvière, que les riches soyeux lyonnais édifièrent après la Commune 1 pour remercier Dieu de les avoir épargnés de la grande révolte ouvrière qui les aurait ruinés, fait écho au Sacré-Cœur, financé pour les mêmes raisons par les Versaillais après l’écrasement de la Commune de Paris.
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1 Commune de Lyon, qui dura du 4 septembre 1870 au 30 avril 1871, soit bien davantage que celle de Paris.

En 1925, Lyon était déjà une grande ville industrielle située au nord de ce qu'on appelait dans mes livres de classe "le couloir rhodanien", au confluent de deux grandes rivières, le Rhône "enfant terrible", qui descend des Alpes, et la Saône, rivière calme et large, bordée de guinguettes. À la belle saison, mes parents allaient servir dans ces sortes de "cabarets", pour améliorer leurs salaires.
Ils habitèrent un temps à Vaise, dans la famille de mon père. Vaise, domaine des usines chimiques Péchiney, un grand quartier ouvrier, bruyant et populaire, préfigurant les ZUP que nous connaissons aujourd’hui.
 
Vaise, baigné par des émanations de gaz délétères au parfum de moisissure. Parfum qui imprégnait les vêtements, la peau des gens, le courrier même que, plus tard, nous recevions des parents de mon père qui habitaient encore là-bas. Vaise, que je revis vingt ans après : de grands bâtiments de pauvres, des entrées sales délabrées, des ascenseurs métalliques souvent en panne, du linge étendu partout aux fenêtres, des enfants jouant au milieu des ordures.
Et malgré cet aspect désolant, que de générosité !
On vivait en communauté, portes ouvertes sur les paliers :
– Il me manque une noix de beurre pour la soupe du petit  !
– Va voir la Lou

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