Mamette
141 pages
Français

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Mamette , livre ebook

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Description

Mamette est une transposition poétique d'un auteur qui nous fait entrer dans son imaginaire. Il évoque son enfance à travers quatre contes où la poésie est omniprésente. L'originalité de Mamette (nom qu'il donna à sa grand-mère) réside dans le raconteur d'histoires : c'est l'enfant, lové au coeur du grand lit d'acajou qui ré-enchante sa "maméeé par ses récits.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 74
EAN13 9782296716728
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MAMETTE
 
 
 
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-13915-2
EAN : 9782296139152
 
Gil BALADOU
 
 
MAMETTE
 
 
Dans la même collection:
 
Un cabaret rue Mouffetard , Christian Stalla.
C’est l’destin Célestin , Gilbert Hennevic.
Les Compagnons Pianistes , Anne Audigier.
La Chanson de proximité , Michel Trihoreau.
 
Dans la collection Cabaret en vers :
 
Porte-toi bien la vie , Louis Amade.
Esquisse d’incertain , Aurélien Carton.
 
PRÉFACE
 
PENSER À LUI AVEC UNE CERTAINE DOUCEUR
 
 
Ainsi, cher Gil, tu reviens vers nous…
La porte s’ouvre et tu es là, métamorphosé dans ta parfaite jeunesse, tel que nous t’avons tant aimé. Mais tu ne peux pas parler, tu ne fais que nous sourire, énigmatique, mélancolique. Oh ! Tu avais tes secrets comme les autres mais tu étais aussi la clarté et par ton intelligence et par ton besoin d’amour, à recevoir et à donner.
Et voici qu’Anne, ton épouse, te fait revenir comme à travers ces bulles d’air qui gargouillent à la surface des étangs calmes, borborygmes de nos refoulements.
 
Il me faut donc parler de toi pour toi.
 
Tu étais de haute taille, un détail qui comptait entre nous car nous riions — et Dieu sait si nous avons ri — à la même hauteur, en nous renversant aux éclats jamais exagérément et toujours généreusement ! Me souvenir de toi c’est d’abord me souvenir de ton humour fait de calembours et d’à-propos décalés, de contre-pieds, mot-pour-un-autre, vers libres ou contraints sublimement improvisés, parfois empruntés, que dis-je ? Volés à un poème inconnu d’un poète connu : « c’est de qui ça ? » Et si on ne répondait pas : « de Baladou », on était sévèrement puni…
 
Car tu étais la poésie. La grande et la petite.
Tu savais tout ! Sans oublier les chansons françaises imitées à la quasi-perfection dans la voix même de leurs interprètes, de Jean Sablon à Yves Montand, de Mouloudji à Georges Guétary… Tes « poèmes-cris » jetés à la compagnie (généralement celle des gens de théâtre), le soir après boire ou jouer, ont fait le tour du monde avec « Les Vilains » de Ruzzante montés par Jacques Échantillon qui vient de te rejoindre avec sa pipe et ses lunettes pour poursuivre la conversation que vous aviez interrompue voici plus de dix ans. C’est grâce à Jacques que je t’ai rencontré ; je lui dois au moins ça, ce qui n’est pas rien dans ma belle vie — belle grâce à ces rencontres dont je connais le prix.
 
Tu avais débuté à L’Écluse avec tes copains Nader, Pierre Maguelon alias Petit Bobo (lui, il t’a rejoint à Marvejols et vous devez pêcher ensemble dans les gardons en ce moment)… Le cabaret est une école solitaire sauf pour les Frères Jacques. Tu ne pouvais pas ne pas rejoindre une troupe, une compagnie, des copains. On ne t’imagine pas seul. C’est ainsi que tu t’es retrouvé un jour à Sète et que j’ai croisé ton chemin pour ne plus jamais m’en séparer par le cœur et l’amitié.
Certes, je suis allé voir de multiples ailleurs pendant que tu restais fidèle aux Tréteaux du Midi d’abord, à Jérôme Savary ensuite (qui te donna tant de plaisir dans certaine histoire de petit cochon ! ...), à Jacques Nichet aussi, avec qui tu triomphas de l’amour d’un certain Marivaux, à nous enfin… Je veux dire à Arlette Téphany, à Pierre Meyrand, à Dominique Vilar, à la Limousine. J’ose le dire : à moi.
 
Grâce à toi, j’ai découvert Antonio Skarmetta et « Une Ardente patience », où tu interprétais un miraculeux facteur au service de Pablo Neruda et d’un poète en herbe. Et encore « La Panne » de Friedrich Durrenmatt dont tu fis une subtile adaptation que la maladie t’empêcha d’interpréter. De cette « Panne », nous fîmes un succès parisien quelques années plus tard et je t’assure, cher Gil, que ceux-là mêmes qui ne t’avaient pas connu ou fréquenté reconnaissaient chaque soir le génie de cette version théâtrale.
 
Les copains, les compagnons étaient essentiels à ta vie. Et pourtant, tout au long de ton parcours trop bref, tu auras pratiqué la solitude à travers la peinture.
Car il existe un autre Baladou : le peintre Rascoussier, un parfait nabi autant qu’un disciple de Cézanne. Comme il faisait ça sans prétention, sans avoir l’air d’y toucher, le peintre Rascoussier est sans doute resté à la surface des choses, c’est la seule faiblesse que je lui reprocherais… En amitié, surtout posthumément, il ne faut pas être béat. Ce n’est pas parce que je l’ai aimé et que je l’aime encore qu’il m’empêchera de protester : il aurait dû approfondir ce talent…
 
Mais tu détestes les scènes de ménage et les conflits, cher Gil. Pour couper court à l’engueulade, tu me donnes raison et tu sors sur une pirouette, « et c’est beau ». Ce qui était beau, chez toi, c’est cet air de ne pas y toucher qui a pu en impatienter plus d’un mais qui était ta marque de fabrique et qui fait de toi cet homme singulier et universel. Ce qui reste beau, chez toi, ce sont tes tableaux, librement figuratifs et tous agités des couleurs des plus franches car tu étais l’honnêteté.
Il y a du vent dans tes tableaux, du déséquilibre, des cieux malheureux d’être contraints par le cadre, des lumières innocentes. Tu n’as pas été coté chez Maeght mais, dans nos yeux et nos cœurs, ta cote dépasse toutes les autres.
 
Ce qu’on va lire ici dira un peu de toi mais pas tout, loin de là car ton univers était fécond, surprenant toujours recommencé, sans repos. Tu n’as peut-être pas pu saisir ton propre monde avec tes mots tant il était riche, sensible…
Tu riais, ai-je dit mais comme tu pleurais facilement aussi ! Je garde le souvenir de tes remerciements sur ton lit de malade alors que tu désespérais quelque peu, non sans raison…
 
Nos mains unies dans nos larmes d’amis, c’est un adieu inoubliable auquel s’unissent Petit Bobo, Michel, Serge… qui ne sont plus et tous ceux, vivants, à qui tu as offert la joie de vivre.
 
Jacques Théphany {1}
 
CHAPITRE I
 
MAMETTE
 
 
Ma grand-mère Pradel, née Laurent, était le sixième enfant d’une famille qui en comptait 19 ou 20.
Oui. Sa mère, Victoire Laurent née Bergogne, avait passé quelque chose comme 25 ou 26 ans en état de grossesse ou d’allaitement. Un curé, séduit, en avait fait le décompte, et rendait grâce à Dieu de Sa Toute-Puissance.
Cette Victoire Laurent a, d’ailleurs, laissé des traces de comète dans le ciel de notre pays.
Pas pour avoir été une reproductrice exceptionnelle (en ces temps-là, la chose était courante) et de qualité (tous ses enfants vécurent sauf un), ni pour avoir marché jusqu’à 96 ans, fraîche, ronde et d’humeur paraît-il joyeuse. Non. Mais elle avait une grâce singulière, savait lire et écrire et brodait au crochet plus finement qu’un amandier fait ses fleurs au printemps.
D’ailleurs, elle a laissé un prénom : Victoiroune.
Victoiroune la savante, la douce, la consolante. Et c’est elle qui a fait ma grand-mère qui possédait le plus sale caractère du monde.
Allez comprendre !
Ma grand-mère, on l’appelait Mamette.
Mamette je l’appelle. Mamette.
Vers cinquante-six ans, elle glissa sur le pavé de sa souillarde, tomba sur une bûche, et se cassa le genou, enfin on le suppose car elle refusa toujours de se faire examiner par un médecin (« ce sont des ânes », disait-elle.)
On ne sut jamais ce qu’elle avait dans le genou, la Mamette. Ce genou qui de mois en mois s’ankylosa, se bloqua,

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