Si on chantait ?
94 pages
Français

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Si on chantait ? , livre ebook

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Description

Alice a survécu à la tentative d'avortement de sa mère et en garde l'impression d'être indestructible. Elevée par cette mère ambivalente cabossée par la vie, abusée par un père malfaisant, elle avance néanmoins avec de solides atouts dans son jeu  : une grand-mère aimante, une amie truculente au soutien sans faille, la musique, exutoire à sa difficulté d'être, et la rage de vivre chevillée au corps.
Héroïne résiliente, Alice trace sa route en chantant malgré les drames qui la frappent. Parviendra-t-elle à se libérer, à s'autoriser à goûter au bonheur?

EXTRAIT

Seize millimètres. À peine la taille d’une olive.
Fruit de toutes les existences immémoriales qui l’ont précédé et le constituent, ce petit haricot en apparence si vulnérable est un condensé de vie(s), l’expression éclatante de l’inné.
Je suis rythme, pulsation, mouvement. Pulsion de vie, entité en devenir, créature en perpétuel développement, en constante expansion.
Assoupi, ondoyant voluptueusement dans l’obscurité aqueuse de ma caverne, je suis soudain éveillé, alerté par une clarté inhabituelle derrière mes paupières closes. D’instinct j’ai flairé le danger. La mer, devenue houleuse, hostile, me ballotte, tandis que la peur s’insinue en moi. Prémonition d’une intrusion dans mon abri matriciel, d’une possibilité d’arrachement, de marée descendante, de finitude.
Mon cerveau reptilien m’enjoignant de fuir, je profite d’un courant ascendant pour m’élancer, à la force de mes bras et de mes jambes ébauchés. Je me hisse jusqu’à trouver refuge dans le coin le plus inaccessible, où je me tapis, inerte. Effluves ferrugineux. J’ai l’intuition que ce qui a pénétré mon paradis perdu n’aspire qu’à mon anéantissement. Un spot puissant balaye la nuit en quête du fugitif. Un violent courant d’air froid tente de m’entraîner en bas, vers l’issue béante qui me fascine autant qu’elle me terrifie. Vertige.
Le sicaire a décidé de faire place nette en mon royaume. Monarque déchu, trahi par celle qui, hier encore, me couvait en son sein, désormais seul face à l’adversité, je refuse de capituler. Malgré mes doigts et mes orteils à peine modelés, je m’agrippe aux parois tendres et charnues de mon cocon avec l’énergie du désespoir. Je lutte pour ne pas glisser et me laisser emporter dans leur tube de mort.
Sorti du néant il y a près de sept semaines, je livre mon premier combat. Sans voix, sans vue, sans ouïe. Je clame mon droit à poursuivre mon évolution. Ça peut sembler dérisoire, perdu d’avance, mais je suis coriace et animé d’une telle volonté, pétri d’une telle rage d’exister que rien ne saurait m’ébranler. J’ai la prescience que si je ne dois gagner qu’une bataille, ce sera celle-là.
Je veux VIVRE. Envers et contre tout.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Léna Devigny, de son nom de plume, est musicienne de formation et diplômée en lettres. Professeure de musique depuis une vingtaine d’années, nourrie de littérature, de voyages et de psychanalyse, elle s’est inspirée de son enfance à Montmartre dans les années soixante-dix, de rencontres qui ont jalonné sa vie, enrichi son imaginaire, pour concevoir son premier roman, "Si on chantait ?" qu’elle auto-édite en Février 2020.
https://www.facebook.com/lenadevignyauteur

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 février 2020
Nombre de lectures 3
EAN13 9791023613728
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Léna Devigny
Si on Chantait ?
Roman




Seize millimètres. À peine la taille d’une olive.
Fruit de toutes les existences immémoriales qui l’ont précédé et le constituent, ce petit haricot en apparence si vulnérable est un condensé de vie(s), l’expression éclatante de l’inné.
Je suis rythme, pulsation, mouvement. Pulsion de vie, entité en devenir, créature en perpétuel développement, en constante expansion.
Assoupi, ondoyant voluptueusement dans l’obscurité aqueuse de ma caverne, je suis soudain éveillé, alerté par une clarté inhabituelle derrière mes paupières closes. D’instinct j’ai flairé le danger. La mer, devenue houleuse, hostile, me ballotte, tandis que la peur s’insinue en moi. Prémonition d’une intrusion dans mon abri matriciel, d’une possibilité d’arrachement, de marée descendante, de finitude.
Mon cerveau reptilien m’enjoignant de fuir, je profite d’un courant ascendant pour m’élancer, à la force de mes bras et de mes jambes ébauchés. Je me hisse jusqu’à trouver refuge dans le coin le plus inaccessible, où je me tapis, inerte. Effluves ferrugineux. J’ai l’intuition que ce qui a pénétré mon paradis perdu n’aspire qu’à mon anéantissement. Un spot puissant balaye la nuit en quête du fugitif. Un violent courant d’air froid tente de m’entraîner en bas, vers l’issue béante qui me fascine autant qu’elle me terrifie. Vertige.
Le sicaire a décidé de faire place nette en mon royaume. Monarque déchu, trahi par celle qui, hier encore, me couvait en son sein, désormais seul face à l’adversité, je refuse de capituler. Malgré mes doigts et mes orteils à peine modelés, je m’agrippe aux parois tendres et charnues de mon cocon avec l’énergie du désespoir. Je lutte pour ne pas glisser et me laisser emporter dans leur tube de mort.
Sorti du néant il y a près de sept semaines, je livre mon premier combat. Sans voix, sans vue, sans ouïe. Je clame mon droit à poursuivre mon évolution. Ça peut sembler dérisoire, perdu d’avance, mais je suis coriace et animé d’une telle volonté, pétri d’une telle rage d’exister que rien ne saurait m’ébranler. J’ai la prescience que si je ne dois gagner qu’une bataille, ce sera celle-là.
Je veux VIVRE. Envers et contre tout.
Je reviens de loin, des abîmes insondables dont on ne garde aucune réminiscence. La partie de cache-cache à laquelle je me livrai pour sauver ma peau, entraîna des douleurs si insupportables, arracha de tels cris à ma mère, que le gynécologue renonça à poursuivre l’intervention.
J’ai survécu à une tentative d’assassinat à l’âge de deux mois in utero. De là me vient sans doute ce sentiment prégnant que je suis « increvable », indestructible.


Je me suis souvent interrogée sur les raisons qui ont pu amener ma mère à s’éprendre de mon géniteur, cet enjôleur délétère de six ans son aîné. Sa séduction, ses « façons pas très catholiques » n’y étaient sans doute pas étrangères, et comme le chantait Henri Garat dès 1931 : « Y a pas mieux qu’un mauvais garçon pour t’donner l’grand frisson ». Frisson ou pas, il n’en reste pas moins que la rencontre, ou plutôt la collision entre ces deux écorchés vifs, est à l’origine du séisme dont je suis issue.
En ce début de soirée d’août 1969, il fait une chaleur accablante à Paris. Six coups retentissent à l’église Saint-Jean de Montmartre, invitant les fidèles à la messe du soir. Hélène, ma mère, âgée de dix-huit ans, sort de son rendez-vous hebdomadaire entre jeunes de la paroisse, du genre rallye pour les classes populaires. Lors de ces réunions bon enfant du samedi après-midi, on discute, on écoute de la musique, on esquisse quelques pas de danse en tout bien tout honneur, sous l’œil vigilant d’une sœur-sourire qui fait office de chaperon.
Ce jour-là Hélène porte sa mini-jupe préférée, couleur mandarine. Sa mère a beau lui répéter à l’envi que les jupes-culottes – à taille haute avec ourlet flottant sous le genou – sont également à la mode, elle n’en a cure ! Elle a de jolies jambes et entend bien les montrer ! Un photographe l’a récemment accostée pour lui proposer de la portraiturer.
– Vous avez les mêmes yeux que Marie Laforêt ! Vous lui ressemblez tant que c’est à s’y méprendre ! lui a-t-il dit, admiratif.
Flattée elle a néanmoins décliné sa proposition : sa mère n’aurait jamais donné son consentement. Depuis la disparition de son mari, elle se montre intransigeante, dure avec ses filles. Hélène ne lui en tient pas rigueur : elle sait que le chagrin l’a dépouillée de sa joyeuse humeur d’antan.
Élevée dans « l’amour de Dieu et de son prochain », Hélène prend plaisir à faire le bien autour d’elle, à se montrer charitable, ainsi que sa mère le lui a inculqué. Aussi n’est-il pas rare de la croiser faisant des courses pour une voisine impotente. Gracieuse, polie, elle a toujours un mot aimable pour les autres :
– Bonjour madame Doin, votre hanche va mieux ? Vous ne souffrez pas trop ?
– Oh tu sais, couci-couça !
– En tout cas, vous êtes drôlement bien coiffée ! Vous sortez de chez le coiffeur ?
– Oh non, mon p’tit, j’essaie de faire au mieux, mais tu sais, à mon âge… ! Ah on ne peut pas être et avoir été ! La roue tourne !
Comme toute jeune femme de son âge, Hélène nourrit des rêves qui la transportent : elle s’imagine foulant le sol d’illustres plateaux de théâtres, incarnant tour à tour Adela, Junie, Antigone, Bérénice, exprimant passion, révolte, désespoir, dans une salutaire catharsis. À l’instar de Tony dans « West Side story », elle pressent que quelque chose de merveilleux est sur le point de survenir dans sa morne existence.
Pourtant derrière cette apparence de vitalité et de fougue, Hélène dissimule une plaie béante causée par la mort tragique de son père bien-aimé, cinq ans plus tôt.
Petit moineau dans un corps de cygne, elle marche dans la rue d’un pas alerte en fredonnant « Je t’aime… moi non plus », le sulfureux titre de Serge Gainsbourg que la jeunesse écoute en douce sur France Inter, les hormones en ébullition. Comment ne pas subir le charme érotique de cette chanson ?
C’est à cet instant précis que j’aimerais pouvoir influer sur le cours des événements en supprimant la séquence suivante de la trame du roman familial. Si seulement j’avais pu la mettre en garde !
– Méfie-toi, Hélène : il va jouer sur la corde sensible ! Vois ses narines qui palpitent, son instinct de prédateur à l’affût d’une proie ! Ne traîne pas et rentre sans tarder à la maison ! Ne t’a-t-on pas répété cent fois de ne pas parler à des inconnus ?!
Trop tard ! Il l’a abordée rue des Abbesses et l’a l’invitée à prendre un verre. Après quelques secondes d’hésitation, elle a accepté de le suivre dans un café à deux pas de là. Quand ses grands yeux vert d’eau ont croisé ceux si bleus, si clairs du mauvais garçon, son cœur a fait « boum ». Et « quand notre cœur fait boum, tout avec lui dit boum » !
Elle s’est jetée à corps perdu dans cette relation avec ce fringant voyou fraîchement sorti de sa cellule de Fleury, où il venait de purger sa peine pour un braquage à la voiture-bélier. Elle a fait fi des recommandations, des valeurs familiales, troquant les réunions paroissiales contre des rencontres illicites. Elle a ignoré la défiance, déterminée à l’accompagner sur le chemin de la rédemption, à le sauver.
C’était sans compter sur l’absence d’états d’âme du jeune homme, endurci depuis sa prime enfance par les mauvais traitements que lui infligeait son ivrogne de père sous le regard complaisant de sa mère dépressive.
En 1969 il était révolu le temps où on se fréquentait pendant des semaines, voire des mois, avant de s’adonner aux plaisirs charnels ! Le mouvement de la révolution sexuelle en marche, les jeunes revendiquaient l’amour libre. Hélène et sa nouvelle conquête se retrouvaient donc régulièrement chez des amis à lui pour consommer leur amour.
Lorsque cinq mois plus tard elle réalisa qu’elle était enceinte de son « Mesrine », de son 

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