Conflits et relations de voisinage dans les campagnes du Rhône au XIXe siècle
247 pages
Français

Conflits et relations de voisinage dans les campagnes du Rhône au XIXe siècle , livre ebook

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247 pages
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Description

Une charretée de bois ou de foin déposée dans la cour commune, une fenêtre ouverte sans concertation, les poules du voisin qui dévastent le jardin... Ces affaires ont rythmé la vie quotidienne des cantons ruraux du XIXe siècle et inondé les justices de paix. Les archives judiciaires, croisées avec les archives notariales, de l'état civil, du cadastre et de l'enregistrement, permettent de mettre à jour les réseaux de solidarité et de clientèle et de mieux comprendre comment "fonctionnent" hameaux et villages...

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Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 351
EAN13 9782296249059
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

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Arnauld Cappeau
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© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11193-6 EAN : 9782296111936
Introduction
1 Propositions pour une « histoire au ras du sol »
Le choix du périmètre
Le parcours proposé couvre une longue période, de1790 à 1914.La date initiale a été dictée par l’état des sources : en effet, les actes de la justice de paix et des bureaux de paix et de conciliation, source de base, sont conservés à partir de l’installation des justices de paix par les lois des 16 et 24 août 1790, dans le contexte de la réorganisation administrative du royaume.L’année 1790 marque aussi le début de l’affirmation d’un droit centralisé. En principe, et désormais, les transgressions et les conflits sont jugés selon des lois élaborées à l’échelle nationale qui transcendent les relations d’homme à homme caractéristiques d’une société féodale. Ce bouleversement du droit permet un travail comparatif entre cantons, mais présente l’inconvénient d’effacer (au moins en partie) les traces de liens ou de clientèle entre juge et justiciables.La date de départ est donc imposée, mais non moins légitime puisqu’elle marque un tournant et inaugure le début d’une ère nouvelle pour la justice française et, au-delà, pour la société française dans son ensemble.On s’arrête en 1914 (1958 2 pour les statistiques générales, quand un décret met fin aux justices de paix ) e date communément admise par les historiens pour borner le XI1914X siècle. c’est aussi l’entrée dans la guerre et un bouleversement des villages et de leur litigiosité. Enfin, l’indigence des affaires de voisinage trouvées dans les archives après cette date n’invite guère à pousser plus loin alors que, de toute façon, la communicabilité des archives est limitée.
La généralité deLyon, qui forme approximativement le département de Rhône-et-Loire de 1791, avait connu une spectaculaire croissance démographique : un gain supérieur à 100 000 personnes entre 1710 et 1760 et
1 Jacques REVEL, «L’histoire au ras du sol », préface àGiovanniLEVI,Le pouvoir au village. e Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVII siècle,Paris,ÉditionsGallimard, 1989, 250 p. 2 Elles réapparaissent, cinquante ans plus tard, sous la forme des « juges de proximité » installés par la loi du 15 septembre 2003.
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de 80 000 entre 1760 et 1787 pour atteindre, selon le chevalier des Pommelles, 635 813 individus.La Révolution et l’Empire ralentissent à peine la progression et, vers 1810, l’ensemble des deux départements dépasse 675 000 habitants. SelonAndréLatreille, les densités rurales y sont très supérieures à la moyenne 3 4 nationale .En 1791, le canton de Saint-Cyr-au-mont-d’Or a une densité 2 supérieure à 150 habitants au km et le canton duBois-d’Oingt plus de 2 80 habitants au km .Àcette date déjà les campagnes du département entretiennent des liens très étroits avec la grande ville deLyon.Ces liens sont multiples : les campagnes duLyonnais sont, par exemple, la terre d’accueil pour les enfants deLdans beaucoup de paroisses,yon placés par leurs parents et « l’allaitement des enfants deLyon devient l’“industrie” principale, en tout cas 5 une des rares sources d’argent liquide » .En 1790, les campagnes sont ouvertes aux échanges, dynamiques du point de vue démographique et réceptives aux nouvelles activités industrielles.L— relayées notammentes normes de la ville par les bourgeois propriétaires de résidences secondaires ou de fermes bénéficient ainsi d’un ensemble de vecteurs de pénétration.
Le choix du cadre spatial s’est porté sur les cantons deLimonest et du Bois-d’Oingt (annexeI).D’abord, le choix du canton comme l’unité juridictionnelle de la justice de paix s’impose ; ensuite, le canton peut être admis comme un espace vécu, sa superficie pouvant se couvrir à pied et mieux encore à cheval en un temps limité, une journée tout au plus.En outre, des liens de sang, d’alliances ou d’intérêts existent entre les communes d’un même canton.Aussi, lorsqu’un projet de démembrement du canton duBois-d’Oingt 6 est déposé en l’anIX, une vaste pétition lui fait obstacle .Enfin, les deux cantons choisis bénéficient de sources à peu près complètes, notamment en ce 7 qui concerne la justice de paix.Pour le canton deLimonest , sa grande proximité avecLyon — dont l’influence se fait sentir notamment par l’emprise 8 foncière, ainsi que l’a montréGilbertGarrier pourÉcully — en fait un terrain d’études intéressant.Le canton est, en outre, caractérisé par une grande diversité de paysages : étiré du sud au nord — 16 km de longueur sur 6 de large en
3 AndréLATREILLE[dir.],Histoire de Lyon et du Lyonnais, Toulouse,ÉdouardPrivatÉditeur, 1975, 511 p.Page 289. 4 Commune qui perd ensuite le chef-lieu de canton au profit deLimonest. 5 Ibidem, page 226. 6 Archives départementales du Rhône (Arch. dép. Rhône), dossier 1M78, pétition contre le démembrement du canton duBois-d’Oingt. 7 Le canton deLimonest est un regroupement de communes appartenant originellement aux cantons deChasselay (comprenantChasselay,LesChères,Civrieux-d’Azergues,Dommartin, Limonest, Saint-André-du-Coing,Lissieu,Marcilly-d’Azergues,Poleymieux,Quincieux et Saint-Germain-au-mont-d’Or) et de Saint-Cyr-au-mont-d’Or (Saint-Cyr-au-mont-d’Or,Caluire, Collonges,Cuire,Dardilly,Écully, Saint-Didier-au-mont-d’Or, Saint-Rambert-l’île-Barbe). 8 GilbertGARRIER,Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, 1800-1970,Grenoble,Presses universitaires deGrenoble, 1973, 2 vol. 714 et 246 p.L’auteur qualifieÉcully de « commune de banlieue où la part des terrains d’agrément est supérieure à celle des parcelles en culture ». Vers 1850, lesLyonnais détiennent déjà 65 % du sol.
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moyenne — il prend en écharpe plusieurs petites régions.Au sud, le plateau lyonnais, à l’est, les monts d’Or qui culminent au mont Thoux à 609 m.Enfin, au nord, la plaine de la Saône, région la plus basse dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 190 m.Àcette diversité physique, s’ajoutent des disparités de peuplement très marquées. Il est ainsi facile d’opposer un sud très peuplé, avec des communes commeÉcully ou Saint-Didier-au-mont-d’Or, comptant respectivement en 1856, 2 449 et 2 188 habitants, à un nord peu densément occupé avec des communes commeCivrieux-d’Azergues abritant à la même date 418 âmes.
Le canton duBois-d’Oingt s’étend sur 14 686 hectares de part et d’autre de la moyenne vallée de l’Azergues et il constitue un axe majeur reliant la 9 région lyonnaise aux pays de laLoire .La topographie d’ensemble est assez simple : la vallée d’Azergues, ici assez large, sépare deux zones de collines et plateaux, l’une au nord-est et l’autre au sud-ouest.Le climat conjugue une forte pluviosité et des amplitudes thermiques importantes ; il peut surprendre par des gelées tardives ou des grêles catastrophiques en ce pays de vignobles.Les brumes froides et l’humidité de la vallée de l’Azergues s’opposent fréquemment aux coteaux ensoleillés.Pour l’ensemble du canton, règne une polyculture diversifiée, mais à dominante viticole. Très anciennement développée, la vigne e a pris un essor décisif au XIet est restée conquérante jusqu’à la criseX siècle du phylloxéra (le pic correspondant aux années 1875-1888).Néanmoins, l’activité textile est notable :YvesLequin remarque qu’il y avait, en 1851, 389 10 ouvriers du textile (hommes et femmes) et 632 en 1891 .C’est en 1848 qu’apparaît le travail de la soie dans le canton duBois-d’Oingt et particulièrement àChamelet,Châtillon-d’Azergues etLétra : les métiers ont été en partie dispersés après la grande révolte des canuts de 1831.En outre, l’activité minière n’a pas été négligeable : les mines deChessy-les-mines approvisionnent en pyrite, à partir des années 1860, les usinesPerret de Saint-Fons pour la production des acides sulfurique et chlorhydrique.Aussi, le canton e a-t-il fait le plein de population dans le troisième quart du XIX siècle : 14 708 habitants en 1876.Puis, la courbe démographique entame un long déclin.Il y avait alors « tendance à remplacer la culture du blé par celle de la vigne et par 11 l’élevage des bestiaux » indiquait déjà le notaireAntoine-MarieCharvériat répondant à l’enquête agricole de 1866.La crise du phylloxéra, la mévente du vin, la guerre mondiale ont été autant de facteurs expliquant les départs de plus
9 Par son décret du 26 février 1790, l’Assemblée constituante avait créé le département de Rhône-et-Loire, consacrant ainsi l’association des vieux pays duLyonnais,Forez etBeaujolais. 10 YvesLEQUIN,Les ouvriers de la région lyonnaise (1848-1914). Tome 1 :La formation de la classe ouvrière régionale,Lyon,Presses universitaires deLyon, 1977, 573 p. 11 Il est en fonction de 1824 à 1883 : il a eu le temps d’apprécier les changements.
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12 en plus nombreux vers la ville et la dénatalité.Le mouvement ne s’arrêta 13 qu’en 1962, date à laquelle le canton comptait 8 297 âmes .
Les deux cantons deLimonest et duBois-d’Oingt ne sont pas dominés par la grande propriété,AndréLatreille avance même le qualificatif de 14 « démocratie rurale » .Il est vrai que l’essor immobilier, industriel et bancaire a encouragé les bourgeois lyonnais à vendre la partie agricole de leur domaine dont les revenus du fermage ou du métayage ne couvraient pas les impôts et les frais.AndréLatreille cite encoreCharvériat qui confie, toujours à l’enquête de 1866, qu’« on en est venu à traiter de niais ceux qui conservent leur grande 15 propriété » .L138 en 1822 àa multiplication des cotes foncières — de 82 116 498 en 1879 — trahit l’installation de petits producteurs indépendants, mais la faim de terre resta vive ; le morcellement et l’insuffisance des capitaux n’ont pas favorisé le progrès des techniques nouvelles.Les cantons choisis présentent une situation foncière intéressante d’entre-deux : si la grande propriété est présente, elle n’est pas dominante.Il s’agit, à part égale, de la noblesse foncière lyonnaise et de la bourgeoisie caladoise de la robe et du négoce.Et, si la petite e propriété s’affirme tout au long du XIX siècle, la situation n’est pas celle, par 16 exemple, des espaces ruraux alpins décrits parPhilippe Vigier .Dans chaque canton trois communes ont été choisies pour faire l’objet d’une étude plus approfondie : elles ont été sélectionnées en partie pour dépasser la spécificité des lieux.Il s’agit des communes deDardilly, deLimonest et de Saint-Didier-au-mont-d’O; dur, d’une part Bois-d’Oingt, deChâtillon-d’Azergues et de Ville-sur-Jarnioux, d’autre part.Ce choix a tenu compte de leur situation — notamment par rapport àLyon —, de leur superficie, de leur poids démographique, du nombre des conflits répertoriés (qualité et quantité des archives disponibles) et de la situation politique (couleur politique et vie municipale). Si le cadre villageois a été privilégié, la variation des échelles d’observation reste « une ressource d’une exceptionnelle fécondité, parce qu’elle rend possible la construction d’objets complexes et donc la prise en 17 compte de la structure feuilletée du social » .Elle permet de dire comment les paysans habitaient leur espace en prenant en compte la dialectique du dedans et
12 Cependant,GilbertGarrier nuance en notant queLyon n’était pas, comme Toulouse à la même époque, une « dévoreuse des campagnes », mais qu’au contraire elle freine l’exode rural en suscitant des activités à la campagne et en contribuant à améliorer les conditions de vie des ruraux. 13 Pour plus d’informations concernant la présentation géographique des deux cantons, voirAndré PELLETIER [dir.],Grande encyclopédie de Lyon et des communes du Rhône.:Tome 4 Arrondissement de Villefranche, Roanne,ÉditionsHorvath, 1982, 536 p. à qui ces lignes ont beaucoup emprunté. 14 AndréLATREILLE[dir.],Histoire de Lyon et du Lyonnais… ouv. cité.Page 417. 15 Idem. 16 Philippe VIGIER,Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine. Son évolution des origines du cadastre à la fin du Second Empire,Paris, SEVPEN, 1963, 276 p. 17 Jacques REVEL[dir.],Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience,Paris,Éditions Gallimard/Le Seuil, 1996, 243 p.Page 13.
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