Histoire des peuples résilients (tome 1)
222 pages
Français

Histoire des peuples résilients (tome 1) , livre ebook

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222 pages
Français

Description

Ce livre revient sur l'histoire de communautés éparses qui, surmontant le traumatisme de leur naissance improbable, firent preuve de résilience collective. Histoire particulière, marginale, de rescapés et de fuyards qui se prirent en charge pour se sauver, trouvant en eux-mêmes, dans leur cohésion intime, cette énergie qui les hissa au-dessus de l'ordinaire. Histoire de petites sociétés horizontales qui, vivant en périphérie du continent européen, irradièrent au loin jusqu'à se poster en économies-monde, quand la société médiévale, toute pétrie de verticalité hiérarchique, clouait la population au sol.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296501683
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoire des peuples résilients
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.f ISBN : 978-2-296-99201-6 EAN : 9782296992016
Georges BENOIT
Histoire des peuples résilients Traumatisme et cohésion Tome 1 e e VI-XVIsiècle
Historiques Dirigée par Bruno Péquignot et Denis Rolland La collection « Historiques » a pour vocation de présenter les recherches les plus récentes en sciences historiques. La collection est ouverte à la diversité des thèmes d'étude et des périodes historiques. Elle comprend trois séries : la première s’intitulant « travaux » est ouverte aux études respectant une démarche scientifique (l’accent est particulièrement mis sur la recherche universitaire) tandis que la deuxième intitulée « sources » a pour objectif d’éditer des témoignages de contemporains relatifs à des événements d’ampleur historique ou de publier tout texte dont la diffusion enrichira le corpus documentaire de l’historien ; enfin, la troisième, « essais », accueille des textes ayant une forte dimension historique sans pour autant relever d’une démarche académique. Série Essais Georges BENOIT,Histoire des peuples résilients. Confiance et e e défiance. Tome 2 –XVI-XXIsiècle, 2012.
A Isabelle, Guillaume-Olivier et Jean-Philippe
Introduction
L’aventure dont nous entamons l’histoire est celle de communautés éparses pour lesquelles le reste de la population n’eut longtemps que peu de considération. Les hommes qui les peuplaient, des rescapés en tout genre, vivaient à l’écart du monde établi. Privés de cette supériorité historique que donne l’attachement à la terre, aucune tradition ne réglait leur mode de vie. Longtemps, on ne sut d’ailleurs où les ranger et, parce qu’ils n’entraient pas dans une catégorie donnée, on tarda à voir en eux des personnes convenables. Il en alla ainsi jusqu’au moment où, parce qu’ils réussissaient tout ce qu’ils entreprenaient, au-delà de ce que l’on pouvait imaginer, et que chacun y trouvait son avantage, on se résolut à les admettre tels qu’ils étaient, à leur faire une place dans une société qui n’en avait pas pour eux, à les laisser déranger un ordre que l’on croyait immuable. A chaque époque, des communautés marginales firent de la sorte surface. Convaincues de leur destinée collective, source de cohésion et d’énergie, elles créèrent de la richesse. Une incroyable richesse. Persuadées de leur légitimité, elles s’organisaient d’elles-mêmes – du bas vers le haut, avant de se doter d’institutions originales dont, sur le tard, on chercha à s’inspirer. Chaque fois on découvrait surtout ce que l’on n’avait pas vu enfler : cette étrange différence que l’on tenait pour quantité négligeable. Un peu malgré soi, on acceptait alors de côtoyer ces hommes persévérants et utiles, ces êtres plutôt singuliers qui, chacun leur tour, viendraient aux rangs et aux honneurs. Ceux que l’on aurait pu tenir à tort pour les premiers de leur espèce étaient originaires du nord de la péninsule italienne. Ils appartenaient à la sixième ou à la septième génération ; celle qui serait la dernière à partir et la seule à ne pas revenir. A moins qu’on eût affaire à ceux de la génération d’avant, ou à ceux de la suivante. A vrai dire, peu importait. Depuis le temps de ces aïeux qui donnèrent l’exemple, on ne comptait plus les marches forcées. Il y avait eu trop de départs précipités vers la lagune, puis trop de retours impatients vers la Terre Ferme, pour que l’on sache encore où l’on en était. Cela faisait près de deux siècles en effet que l’on fuyait les envahisseurs comme pour mieux les laisser passer leur chemin. Cela faisait deux siècles aussi que l’on regagnait ces belles plaines du bord de l’Adriatique où l’on était chez soi depuis une éternité. Deux siècles de peurs partagées, d’exil provisoire et d’espérance collective. Parce que le Nord était un passage obligé vers le Sud, les envahisseurs se succédaient sans jamais s’installer. Cela avait commencé avec des tribus aux noms oubliés à une époque qui n’était pas encore celle de l’exode. Puis, la
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situation avait changé. Il fallait maintenant s’éloigner si l’on voulait garder la vie et, un jour ou l’autre, retrouver son bien, comme on le fit inlassablement jusqu’à ce jour de printemps où, en l’an 568, des guerriers débarquèrent en masse dans le Frioul par la basse vallée de l’Isonzo. Plus qu’une armée, un peuple entier se présentait, avec femmes et enfants, entassés et ballotés dans de lourds chariots. Ils étaient peut-être deux cent mille. On les connaissait pour leur violence. On les disait même plus violents que la violence. C’étaient les Lombards. Ils n’étaient pas les seuls à débouler sans prévenir ; il y avait aussi des Saxons et des Slaves mais, plus tard, on ne se souviendrait que des Lombards. La région était riche, plus prometteuse en tout cas que les régions du Danube et de l’Elbe d’où venaient ces Barbares. Ils allaient donc s’installer. Bien avant leur arrivée, par peur des Goths qui les avaient précédés, les vieilles familles sénatoriales romaines s’étaient enfui à Byzance. A tout prendre, elles avaient préféré rejoindre la cour en Orient où elles espéraient retrouver leurs avantages. Ceux qui étaient restés, grands propriétaires, lettrés ou gens de peu, avaient été massacrés ou soumis à la loi du vainqueur. Tous les autres, les plus nombreux, étaient partis vers la mer, toute proche. Ils ne reviendraient plus. Si, chassés par les Lombards, les hommes de la septième génération ne firent plus qu’un aller simple, la dernière fuite collective, celle où l’on emporta les reliques sacrées et le souvenir des martyrs, finit de les changer. Ils ne ressemblaient plus aux premiers fugitifs qui, pris de panique, s’étaient dispersés dans la peur. Ce n’étaient plus seulement des familles isolées ou de petites gens qui s’en allaient, mais tous les habitants – tous les survivants – de Terre Ferme. L’Eglise s’enfuyait avec les riches et les pauvres ; les seigneurs aisés avec les serviteurs ; les cultivateurs avec les mariniers. Parce que le danger était permanent, parce que la propriété foncière ne servait plus de repère, parce que l’autorité civile et militaire se débandait, la société se défaisait dans le désordre et, avec le temps, elle ne se referait pas selon l’ordre perdu. Là où elle s’ancrait dans le sol, elle s’installerait dans le commerce. Là où elle se divisait en états, elle se regrouperait selon le travail à accomplir. Là où elle se situait dans la hiérarchie du pouvoir, elle se découvrirait solidaire dans la dépendance de chacun envers les autres. Différente de ce qu’elle était, elle gagnerait un esprit où la cohésion sortie de la confusion servirait une prospérité commune. La gloire aussi d’une cité-nation grande comme une tête d’épingle. A chaque migration, on apprenait à se connaître un peu plus. Au moment des premiers départs, on se méfiait sans doute un peu les uns des autres. Chacun s’en allait comme bon lui semblait, au mieux de ses intérêts. Puis on prit ses habitudes. Tel groupe partait plutôt vers tel îlot où il avait coutume de se réfugier et où il s’organiserait comme il pouvait. Mais, si tous les groupes se distinguaient selon leur région d’origine, tous se retrouveraient dans un même refus de soumission à l’occupant.
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Voilà donc pour le premier moment d’une histoire qui se répéterait ailleurs et autrement. Une histoire sans cesse recommencée de ces populations qui, réfugiées ou maltraitées, se prirent assez tôt en charge pour ne pas s’en remettre à des Etats autoritaires qui n’avaient pas encore eu l’idée de naître. De ces populations qui furent au commencement de sociétés particulières, à la base suffisamment large pour se construire à partir de ce qu’elles détenaient en commun. Parce que la solidarité fut la force de ces communautés, elles naquirent et entreprirent dans l’union. Parce que les intérêts privés furent leur faiblesse, elles disparurent dans la désunion. On les vit croître, briller, puis abdiquer. Elles montèrent au sommet, puis en descendirent, rassasiées et décadentes, telles ces dynasties qui s’emparent d’un royaume, le domine de leur puissance, puis, usées, abâtardies et impotentes, s’inclinent au profit d’une autre. Refusant le pouvoir d’un seul, ce que l’hérédité apportait, elles le demandèrent à l’élection. Réfutant l’idée de dynastie, ce qu’une monarchie prétendait détenir en propre, elles se le donnèrent en indivision. Méfiantes à l’endroit des héros, elles se voulurent héroïques. Cela dura le temps d’oublier leur raison d’être. Le temps d’entrer dans le rang des vieilles sociétés hiérarchiques. Le temps de se départir d’un pouvoir ascendant qui, trop contraire au sens de l’Histoire, sembla longtemps comme usurpé. En définitive, ces communautés de rescapés, trop différentes pour être normales, n’existèrent jamais que dans leur originalité. Singulières, elles ne survécurent pas à la perte de leur singularité, quand bien même elles surent se montrer si particulières des siècles durant. De loin, on les vit pousser en bord de mer comme si, marchandes dans l’âme, mobiles à force d’être indépendantes, elles ne pouvaient se maintenir que dans ce mouvement qu’appellent les flots. Ensuite, lasses et repues, on assista à un autre spectacle. Epuisées par leur propre agitation, avides de profiter de leur bien, elles aspiraient au repos, à la tentation de se regarder. Petites sociétés qui avaient toujours regardé loin devant, elles se figeaient alors avant de passer le flambeau à d’autres.
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