Histoire des peuples résilients (tome 2)
224 pages
Français

Histoire des peuples résilients (tome 2) , livre ebook

-

224 pages
Français

Description

Au XVIe siècle, la Contre-réforme déclara le meilleur de la bourgeoisie persona non grata et, poussant des communautés entières à l'exil, elle les contraignit à se réfugier dans une Eglise plus sociétaire, à tramer du lien social - source de cohésion et de puissance, à faire preuve de cette résilience collective qui fit la fortune de l'Amérique puritaine. Dans ce second tome, cette histoire dit aussi ce que - privées d'une aventure commune - l'Inde des castes et l'Italie du Mezzogiorno ne furent pas ; ce que - par esprit de défiance - l'Amérique des temps modernes pourrait ne plus être.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296501676
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoire des peuples résilients
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.f ISBN : 978-2-296-99200-9 EAN : 9782296992009
Georges BENOIT
Histoire des peuples résilients Confiance et défiance Tome 2 e e XVI-XXIsiècle
Historiques Dirigée par Bruno Péquignot et Denis Rolland La collection « Historiques » a pour vocation de présenter les recherches les plus récentes en sciences historiques. La collection est ouverte à la diversité des thèmes d'étude et des périodes historiques. Elle comprend trois séries : la première s’intitulant « travaux » est ouverte aux études respectant une démarche scientifique (l’accent est particulièrement mis sur la recherche universitaire) tandis que la deuxième intitulée « sources » a pour objectif d’éditer des témoignages de contemporains relatifs à des événements d’ampleur historique ou de publier tout texte dont la diffusion enrichira le corpus documentaire de l’historien ; enfin, la troisième, « essais », accueille des textes ayant une forte dimension historique sans pour autant relever d’une démarche académique. Série Essais Georges BENOIT,Histoire des peuples résilients. Traumatisme et e e cohésion. Tome 1 –VI-XVIsiècle, 2012.
A Isabelle, Guillaume-Olivier et Jean-Philippe
Introduction
Le feu couvait depuis longtemps. Vers le milieu du siècle, il éclata. En étendant sa domination à l’Italie et à la Flandre, la bureaucratie castillane voyait maintenant de près ce qu’elle soupçonnait de loin ; et ce qu’elle voyait l’effrayait. Sous de faux prétextes, les origines communautaires du vieux capitalisme médiéval – que tout le monde avait d’ailleurs oubliées – remontaient à la surface. Dès lors, plus rien ne serait possible. L’Etat espagnol frapperait donc un grand coup. Parce qu’il lui fallait se débarrasser de ces hommes, il les déclarerait dangereux, hérétiques ; de fait, ils l’étaient – plus qu’on ne le pensait. Au début, l’entreprise parut réussir et l’on crut à la délivrance. Quand l’histoire commença, on s’en tint cependant aux apparences, à l’évidente logique d’un faux discours. On parla de religion et d’orthodoxie. On accusa Erasme, Luther, Calvin et tous leurs disciples, mais, en vérité, l’affaire était plus ancienne. Si, depuis la disparition de l’Empire romain d’Occident, il ne s’était rien passé, la situation avait en effet changé au e milieu du X siècle et, de ce changement qui fit césure, une société déviante était née. A cette époque, rien n’y parut. Simplement, on avait le sentiment que le pire de la barbarie était terminé, que la vie pouvait reprendre son cours normal, même si l’économie – cette réalité que l’on ne comprendrait jamais, y enfonçait déjà son clou. A vrai dire, peu importait. Le souvenir des invasions s’estompait et la population augmentait ; elle triplerait en trois siècles. Le continent bougeait enfin. Non pas partout, mais aux extrémités. Au nord de l’Italie et en Flandre – encore elles, où des marchands impatients partaient à l’aventure, à la conquête d’un territoire inconnu. Et, parce que l’affaire était sérieuse, ils faisaient équipe. Armés, rangés derrière un porte-bannière, escortant leurs chariots remplis de marchandises, ils savaient qu’ils devaient pouvoir compter les uns sur les autres, que le choix d’un bon capitaine était vital, que leur réussite – s’ils réussissaient – serait collective. Partageant les risques du métier, faisant corps, ils avançaient comme un seul. Ensuite, par la force des choses, ils se formeraient en classes mais, pour l’instant, on observait avec inquiétude leurs caravanes qui, trimbalant caisses et ballots, progressaient vers l’intérieur des terres. Pendant des générations, on se méfierait d’ailleurs de ces itinérants – comme on se méfiait des étrangers en général – avant, finalement, de leur trouver quelque utilité, comme approvisionner les cours princières. Au début, en expéditions, ils ne faisaient que passer. Plus tard, ils coloniseraient l’espace en s’installant dans les bourgs et les villes que l’aristocratie désertait et où, quelques générations durant, la population se
7
trouva souveraine. Entre les gens de prière, les hommes de guerre et le peuple des campagnes, la bourgeoisie se mit ainsi à exister, à l’écart, en marge d’un monde tout pétri de verticalité. Grand renouveau. Renaissance surtout des cités qui, puissantes et jalouses de leurs prérogatives, faisaient suffisamment contrepoids aux seigneuries pour qu’on leur abandonnât le politique. Puis ce fut la peste, la guerre – les guerres, la peur encore et, enfin, e le retour triomphal de l’Etat. Au XV siècle, comme par un jeu de bascule, les villes commencèrent à péricliter ou, plutôt à s’incliner devant ce pouvoir central qui, trop faible, leur avait laissé la bride sur le cou, le temps de récupérer son dû. Progressivement, tout rentra ensuite dans l’ordre et l’on aurait pu continuer de la sorte si, au début du siècle suivant, Erasme n’avait instruit ces hommes en leur disant qu’ils étaient, ici-bas, bien à leur place, et, qu’en s’acquittant de leur tâche en conscience, ils servaient la gloire de Dieu. Quand l’Espagne demanda à ses sujets italiens et flamands de ne pas écouter ce discours – que seule la Folie pouvait tenir – elle ferma, avec une infinie e brutalité, la parenthèse que ces marchands avaient ouverte au X siècle et que, suivant le message humaniste, on aurait pu fermer de concert, en faisant preuve d’un peu de tolérance, en trouvant un compromis où l’Etat, les villes et les corps intermédiaires, auraient joué leur rôle, chacun à leur niveau. Pleins d’espoir, les sujets italiens et flamands de la Couronne, et tous ceux qui leur ressemblaient, se seraient accommodés de l’arrangement si les princes ne s’étaient sentis menacés dans leur prérogative gouvernementale. De son côté, l’Eglise romaine, qui partageait avec l’Etat un même principe d’organisation hiérarchique, continuait de célébrer la pauvreté, tout en faisant étalage de son appareil, comme si, entre les puissants, les clercs et les miséreux, il n’y avait – il n’y aurait jamais – de place pour les derniers arrivés. Au nom de la raison d’Etat, mais sous couvert d’arguties théologiques, on déclara alors le meilleur de la bourgeoisiepersona non grata, non pour défendre l’orthodoxie religieuse, mais parce qu’il y allait de l’intérêt supérieur de l’Etat ; parce qu’il était écrit que la société occidentale serait l’affaire des Etats-nations et non des villes-républiques. e Si, au XVI siècle, ces hommes prirent le parti de l’exil, en arguant de leur foi réformée, ce fut donc parce que l’idée qu’ils se faisaient de la vie en société n’était plus celle qu’on leur présentait. Les croyances tenaient ici à la situation de chacun des protagonistes, à la représentation qu’ils avaient d’eux-mêmes dans un monde qu’ils percevaient, selon leur position, par en haut ou par en bas. En fait, l’histoire se répétait et si, mille ans plus tôt, les ancêtres de ces mêmes hommes – des gens de Terre Ferme – s’étaient enfuis, quittant leurs belles plaines de Vénétie et de Lombardie, pour échapper à la domination barbare, eux aussi devaient maintenant s’enfuir pour échapper à une autre oppression. Les premiers s’étaient jetés dans une lagune insalubre, par communautés entières, pour se retrouver sur leurs îlots de prédilection.
8
Les derniers, à leur façon, en feraient autant en se précipitant dans une Eglise qui, curieusement, par la voie de l’admission communautaire, les rappellerait à leurs origines. Moins qu’une nouvelle manière de pensée, le christianisme réformé entretiendrait de ce moment le capitalisme médiéval dans sa dimension sociétaire qui – à l’avantage de cette confiance que procure l’appartenance à une communauté d’élection – ajouterait à sa puissance économique. En produisant un choc en retour, la Contre-Réforme poussa en ce sens à un second rassemblement qui, en socialisant toute une catégorie de la population, dont il décupla l’énergie, redonna un souffle, que l’on dirait de modernité protestante, à ce même capitalisme médiéval. En 1630, dans le sermon qu’il fit à ses compagnons de voyage, la ville dont parlait John Winthrop était lacommunauté de croyants qu’ils s’apprêtaient – tous ensemble – à fonder. Tout tenait dans ce commencement et, de ce commencement, tout devait irradier. Tels les enfants d’Israël, traversant indemnes la mer Rouge, puis le désert, pour gagner le pays de Canaan, les immigrants débarqués de l’Arabellavivraient à leur tour l’Exode sur les terres inhabitées du Nouveau Monde. A l’image des tribus réunies par Moïse, ils scelleraient une nouvelle Alliance, tout en faisant du règlement de la Compagnie leur Loi, le pacte civil aux termes duquel ils fonctionneraient, en tant que collectivité.En renouant avec la théorie du contrat – le contrat puritain que des hommes concluent pour se constituer en communauté volontaire – une forme de vie en société se mettrait dès lors à prospérer en marge d’une forme établie et, derrière le dogme, on découvrirait que, indépendamment de la religion, l’une de ces formes excluait l’autre, qu’une catégorie de la population était poussée vers la sortie parce que, s’organisant d’elle-même, elle menaçait les appareils, l’Eglise romaine et l’Etat espagnol – l’Etat en général.
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents