Les provinces illyriennes
218 pages
Français

Les provinces illyriennes , livre ebook

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Description

La guerre avec l'Autriche de 1809 donne à la France le vaste territoire adossé à la côte dalmate qu'elle occupe depuis 1805. C'est la brève histoire de cette formation étatique particulière, dont la durée n'excéda pas quatre ans, que relate cet ouvrage. La domination française fera bifurquer l'histoire des populations dominées.

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Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296452596
Langue Français
Poids de l'ouvrage 15 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LESPROVINCES ILLYRIENNES
Collection de l’Institut Napoléon fondée et dirigée par Jacques-Olivier Boudon et Eric Ledru Les Provinces illyriennes Cinq études
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LESPROVINCES ILLYRIENNES
Fran Zwitter 1905-1988 Illustration de couverture Janez Krstnik Scherrer,L'Illyrie ressuscitée, 1858, huile sur toile, 76 x 114 cm (détail) č inscription :ILLYRIA USTAN!E. VODNIK 1810NAPOLEON KLI A l’époque des Provinces illyriennes, Janez Scherrer, après avoir fréquenté la classe d'ingénierie et d'architecture de l'école centrale de Ljubljana, a été embauché comme secrétaire impérial français à la direction du sel et du tabac de Ljubljana. Le tableau se trouvant dans la succession du peintre fut acquis par le Musée populaire de la Carniole en 1876 et c'est depuis 1888 qu'il figure dans la collection permanente du musée.NMS, OZUU, inv. N 6913
LESPROVINCES ILLYRIENNES
Fran Zwitter
Les Provinces illyriennes Cinq études
Edition conçue et préparée par Alain Jejcic Collaboration de Janez Šumrada et Peter Vodopivec Préface de Michel Kerautret
Ce volume est le sixième de la collection de l’Institut Napoléon Il a été publié avec le concours de l’Ambassade de Slovénie en France Editions SPM Paris & 2010
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LESPROVINCES ILLYRIENNES
© Institut Napoléon, 2010 ISBN : 978-2-901952-74-9 Institut Napoléon EPHE 45, rue des Ecoles 75005 Paris www.institut-napoleon.org Editions SPM 34, rue Jacques-Louvel-Tessier 75010 Paris Téléphone : 01 44 52 54 80 – Télécopie : 01 44 52 54 82 Courriel : Lettrage@free.fr
LESPROVINCES ILLYRIENNES 5 PREFACEde Michel KerautretLe 14 octobre 1809, un décret de Napoléon créait les “ Provinces illyriennes ” à partir de différents territoires situés dans la région de l’Adriatique orientale, ayant tous en commun, à une exception près, d’avoir appartenu de manière plus ou moins lointaine à l’Autriche, et lui ayant été enlevés soit par le traité de Presbourg (27 décembre 1805), soit par celui de Vienne (14 octobre 1809). On trouvait là d’anciennes colonies vénitiennes, qui n’avaient été réunies à l’Autriche que de 1797 à 1805 (Istrie et Dalmatie) ; mais aussi des morceaux de la Carniole et de la Carinthie, ainsi que les ports de Trieste et de Fiume, qui étaient d’antiques possessions des Habsbourg ; et enfin une partie des confins militaires croates reconquis par eux sur les Ottomans au cours du siècle précédent. Il s’y ajoutait le territoire de l’ancienne république indépendante de Raguse, occupé un peu par hasard par les troupes françaises en 1806, et annexé en 1808. Cet ensemble, qui s’étendait du nord-ouest au sud-est, de forme arrondie au nord, puis réduit à une bande étroite le long de la côte adriatique, aurait pu former un royaume vassal, à l’instar de la Westphalie de Jérôme Bonaparte, constituée elle aussi de pièces et de morceaux, deux ans plus tôt, en Allemagne. Il aurait pu aussi être rattaché au royaume d’Italie : après tout, la présence vénitienne avait marqué fortement de son empreinte, pendant cinq siècles, tout le littoral dalmate et istrien, et Venise faisait partie depuis trois ans du royaume d’Italie – c’est d’ailleurs à ce dernier qu’avaient été rattachées l’Istrie et la Dalmatie de 1806 à 1809. Pourtant Napoléon choisit cette fois une autre option, il ne crée pas de “ royaume adriatique ” ou de “ royaume d’Illyrie ”, mais une entité d’un genre nouveau, sous le nom de “ Provinces ”. Rattachées à l’empire sans l’être tout à fait (on n’y crée pas de départements français), séparées de lui par toute l’étendue du royaume d’Italie, placées sous l’autorité d’un gouverneur général, le statut particulier de ces “ Provinces illyriennes ” appelle de nombreuses questions. La notion qui vient le plus spontanément à l’esprit est celle, carolingienne, de “ marche ” de l’empire, position militaire avancée, boulevard de défense et base offensive à la fois. On est là au carrefour de trois grandes puissances, l’ensemble franco-italien, l’Autriche et la Turquie, mais aussi au contact de l’Angleterre, qui domine la mer Adriatique au moyen de ses navires, et au voisinage de la Russie, présente la veille à Corfou et à Kotor, et toujours très influente, non loin de là, en Serbie et au Monténégro, grâce à la solidarité orthodoxe. On comprend donc aisément l’intérêt de Napoléon pour cette région stratégique, d’autant plus que le démembrement de l’empire ottoman était annoncé partout comme imminent.
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Une seconde question surgit aussitôt, celle de la pérennité de cette construction en quelque sorte suspendue, où tout annonce le provisoire. Faut-il y trouver les éléments d’une transition sur le chemin d’une intégration plus complète, une fois réalisée la mise à niveau avec le reste de l’empire ? Ne faut-il pas y voir plutôt la preuve que l’empereur n’imaginait pas de garder les Provinces de façon définitive et qu’il n’y voyait qu’une base utile pour les combats à venir, ou un gage en vue de la paix future ? On pourrait citer plusieurs éléments à l’appui de cette hypothèse, mais le plus probable est que Napoléon, comme à son habitude, se réservait sans doute d’aviser en fonction des circonstances. De fait, ce sont celles-ci qui déterminèrent bientôt le destin des Provinces illyriennes. La fortune des armes contraignit les Français de les abandonner dès la fin de l’année 1813, et elles firent ensuite retour à la monarchie autrichienne. La domination française n’avait pas duré cinq ans. Pourtant, ce bref délai avait suffi à semer des germes appelés à fructifier à plus ou moins long terme. Non seulement en termes d’organisation administrative et de travaux routiers, mais aussi pour la prise de conscience “ nationale ” des peuples slaves. Le choix de l’adjectif “ illyrien ” était à lui seul tout un programme : ce mot renvoyait certes à l’Antiquité, mais on ne doit pas oublier qu’il désignait couramment à l’époque le fonds slave de la population, que beaucoup croyaient autochtone, ainsi que la langue parlée, sous des variantes diverses, dans la plus grande partie de la région. En stimulant la prise de conscience d’une commune appartenance slave chez des peuples administrés jusque là en allemand ou en italien, la création napoléonienne semble donc ouvrir la voie au mouvement culturel “ illyrien ” qui prit son essor sous la Restauration, frayant lui-même le chemin de l’idée yougoslave. Telle est du moins l’idée largement reçue. Elle est évidemment trop générale pour satisfaire à toutes les interrogations des historiens. Or, force est de reconnaître que si l’on veut aller regarder cela de plus près, on ne trouve guère d’instruments de travail, à moins de maîtriser des langues aussi peu familières au public français que le slovène, le serbe ou le croate. Il faut se reporter encore, pour l’essentiel, aux travaux excellents mais anciens de 1 Paul Pisani et de Melitta Pivec-Stele . Avec l’élargissement de l’Europe aux “ Balkans occidentaux ”, et à l’occasion des bicentenaires, cette région nous est devenue manifestement plus proche. Plusieurs colloques historiques l’ont 2 montré, et diverses publications se sont succédé depuis quelques années . Elles doivent beaucoup aux efforts du professeur Šumrada, historien
1  Paul Pisani, La Dalmatie de 1797 à 1815, Paris, 1893 ; Melitta Pivec&Stele,La vie économique des provinces illyriennes (18091813),Paris, 1930. 2 On citera seulement Andrej Pajk,Les souvenirs du vieux Slovène. En Russie avec la Grande armée, Paris, SPM, 2008 ; ainsi que deux publications partiellement en français, Janez umrada (dir.), Š Napoleon na Jadranu,Universités de Koper et Zadar, 2006 ;Collectif,Napoléon et son administration en Adriatique orientale et dans les Alpes de l’Est, guide des sources, Zagreb, Archives nationales, 2005.
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spécialiste de la période et ambassadeur de Slovénie à Paris, qui a su tirer parti au mieux de sa double compétence pour renforcer les liens franco-slovènes de manière générale, et faire découvrir en particulier au public français une historiographie que l’obstacle linguistique leur avait jusque là dérobée. C’est dans cette voie que poursuit aujourd’hui Alain Jejcic en mettant à notre disposition les textes les plus significatifs, s’agissant de notre sujet, de celui qui fut un grand maître à l’université de Ljubljana, le professeur Fran Zwitter (1905-1988). Cet historien francophile, dont on trouvera en annexe la biographie intellectuelle rédigée par le professeur Šumrada, consacra une part importante de ses recherches aux études illyriennes. Il n’était pas entièrement inconnu en France, puisque l’une de ses principales études avait paru en français dansLe Monde slavemais elle était devenue en 1933 ; quasiment inaccessible, et on se réjouira de la retrouver ici. Quant aux autres textes formant ce volume, ils étaient inédits en français, et leur traduction représente un apport précieux aux échanges historiques franco-slovènes. On sentira vibrer parfois ici, non sans un peu de nostalgie, la tonalité d’une époque révolue, quand la Yougoslavie réunissait encore les différentes nations de la région, et qu’il était naturel – et fructueux – de comparer les situations respectives et très diverses des Serbes, des Slovènes et des Croates au regard d’une même problématique nationale. On jugera peut-être un peu datée la manière d’approcher certains problèmes historiques. Mais on appréciera la constante hauteur de vues, qui sait mettre les événements de ces quatre années dans une perspective plus longue ; l’exigence du questionnement sur les intentions et les résultats ; la rigueur des démonstrations, étayées par des sources d’archives et des témoignages de première main ; sans oublier l’admirable érudition polyglotte de l’auteur, qui lui permet de faire son miel à Paris comme à Vienne et de maîtriser une bibliographie multi-nationale. La lecture de ces différents textes ne cesse jamais d’être stimulante, et elle ne laisse pas de corriger un certain nombre de préjugés : pour le lecteur français, ce sera une véritable découverte et un enrichissement, d’autant plus qu’on lui fournit en appendice un petit “ dictionnaire illyrien ”, lexique des principaux acteurs locaux de la période. Ce livre prendra place assurément parmi les ouvrages indispensables à qui se saisira demain de l’histoire des Provinces illyriennes, et il y a fort à parier qu’il suscitera quelques vocations nouvelles.
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A la Bibliothèque universitaire de Vienne où Fran Zwitter prépara son doctorat entre 1926 et 1928.
LESPROVINCES ILLYRIENNES 9 INTRODUCTIONd’Alain Jejcic Les Provinces illyriennes sont peu connues du public français. On parle volontiers des Provinces unies, des Provinces maritimes mais très rarement des Provinces illyriennes lesquelles, jusquedans les cénacles restreints des spécialistes de l’histoire napoléonienne, n’attirent guère l’attention. Pourtant, les Provinces illyriennes méritent qu’on s’y intéresse. Autant leur apparition que leur existence – qui n’excéda pas quatre ans – soulève nombre de questions importantes. En effet, les ambitions stratégiques qu’elles expriment et les effets qu’elles ont produits sur les populations locales en affectant leur devenir historique justifient notre attention pour la “ formation étatique ” si particulière qu’elles représentent. La présence française dans cette partie de l’Europe au tout début du dix-neuvième siècle constitue un événement sans précédent. De fait, en rompant l’hégémonie séculaire que se partageaient Habsbourgeois et Vénitiens sur la côte orientale de l’Adriatique et son arrière-pays slave, Napoléon fait bifurquer l’histoire. La création, sur les territoires conquis, des Provinces illyriennes est donc logique, elle parachève son action en inscrivant dans l’ordre symbolique la rupture historique produite tout en assurant à la conduite des affaires courantes un cadre administratif précis. Si d’un côté la référence romaine s’imposait, de l’autre, l’exemple des Confins militaires autrichiens devait assurément fournir à l’empereur matière à réflexion pour concevoir l’organisation de la future “ formation étatique ”. La valeur militaire des “ confinnaires ” n’était pas inconnue de Bonaparte qui eut à affronter les généraux Woukassovitch, Quasdanovitch et autres Davidovitch à la tête de leurs régiments lors des campagnes d’Italie dix ans plus tôt. De plus, la situation géographique des Provinces – une frontière en soi – en intégrant pour partie les antiques confins militaires autrichiens donnait aux occupants français l’usufruit d’un savoir-faire guerrier tout en lui fournissant l’exemple d’une société militarisée originale. Il n’est donc pas téméraire d’imaginer que la conception de l’administration de l’Illyrie napoléonienne dont on se plait à souligner l’originalité – tous les gouverneurs généraux à l’exception du dernier, Fouché, sont des militaires – se soit inspiré de la Krajina conquise.
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Si la création des Provinces illyriennes obéissait à des ambitions stratégiques de grande envergure – les prémisses sont esquissées dans le célèbre mémoire de Talleyrand de 1805 – la logique de sa mise en œuvre qui suppose de rassembler une population slave, éparpillée jusque là entre plusieurs Etats, inaugure un mouvement intégrateur qui culminera avec l’avènement de la Yougoslavie quelque cent ans plus tard. Cependant, on ne saurait limiter à cette seule conséquence l’impact qu’eut la brève existence des Provinces sur l’histoire des Slaves du Sud. Il ne suffit pas non plus d’énumérer les nombreuses mesures que l’administration française a introduites dans la vie des pays rassemblés dans les Provinces pour dresser un bilan des changements. En effet, en instituant l’usage de “ la langue du pays ” dans l’administration et les écoles illyriennes, en lui donnant les moyens pour sa divulgation auprès d’un public plus large par la presse et la publication d’ouvrages spécialisés (grammaires, dictionnaires, traités d’histoire) les autorités françaises servent, certes, leurs intérêts mais aussi donnent-elles à la question linguistique une charge politique jusqu’alors inconnue. C’est grâce aux Français, comme le démontre de manière détaillée le professeur Zwitter, que les Slovènes, et les Croates dans une moindre mesure, font de leur aspiration à parler leur langue le noyau autour duquel va se condenser leur conscience nationale. La rupture avec le passéengendrée par la présence française n’est donc pas seulement inscrite dans le réel administratif qui régit la vie sociale et économique des Provinces mais aussi et surtout affecte-t-elle les instances symboliques autour desquelles est nouée leur existence. La résurrection de l’Illyrie, chantée par Valentin Vodnik dans son célèbre poème, constitue la marque de cet événement inaugural : le début balbutiant d’un sentiment national politique. La permanence des données stratégiques globales, conjointement aux évolutions qu’a produit la politique mise en œuvre sur place par les Français, a formé quelques-unes des prémices de la fameuse question d’Orient. Mais, il est tout aussi évident que la politique française – imposée par une armée d’occupation, faut-il le rappeler ? – n’eut pas les conséquences qu’on connaît sans, qu’au préalable, les idées de renouveau, mises en mouvement par la Révolution mais aussi partiellement résultant des réformes de Joseph II, n’aient pénétré les consciences des pays conquis. C’est en préparant l’édition des mémoires du sergent Andrej Pajk que nous avons été amenés avec Eric Ledru à considérer l’histoire des Provinces
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