Parures et artifices : le corps exposé dans l Antiquité
290 pages
Français

Parures et artifices : le corps exposé dans l'Antiquité , livre ebook

290 pages
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Description

Ces contributions montrent comment le corps, paré de ses ornements, de ses objets et de ses artifices, dit la condition humaine dans ses hiérarchies et ses cloisonnements. Il séduit, attire et fascine comme il dérange. Les parures et artifices sont ainsi autant de manières d'exposer, par le corps et sur le corps, l'être et le paraître des Anciens.

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Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 76
EAN13 9782296467002
Langue Français
Poids de l'ouvrage 18 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité
Collection Histoire, Textes, Sociétésdirigée par Monique Clavel-Lévêque et Laure LévêquePour questionner l'inscription du sujet social dans l'histoire, cette collection accueille des recherches très largement ouvertes tant dans la diachronie que dans les champs du savoir. L'objet affiché est d'explorer comment un ensemble de référents a pu structurer dans sa dynamique un rapport au monde. Dans la variété des sources – écrites ou orales –, elle se veut le lieu d'une enquête sur la mémoire, ses fondements, ses opérations de construction, ses refoulements aussi, ses modalités concrètes d'expression dans l'imaginaire, singulier ou collectif. Déjà parus Stève Sainlaude,Le gouvernement impérial et la guerre de Sécession (1861-1863),2011. Laure Lévêque (éditeur),Paysages de mémoire. Mémoire du paysage, 2006. Laure Lévêque (éditeur),Liens de mémoire. Genres, repères, imaginaires, 2006. Monique Clavel-Lévêque,Le paysage en partage. Mémoire des pratiques des arpenteurs, 2006.
Lydie Bodiou Florence Gherchanoc Valérie Huet Véronique Mehl
Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité
Couverture :Pyxide attique à figures rouges, attribuée au peintre de Meidias, vers 420-400 avant notre ère. Terre cuite, Londres, British Museum, E775 © Trustees of the British Museum. © L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55464-1 EAN : 9782296554641
Introduction
LydieBodiou FlorenceGherchanoc ValÉriehuet VÉroniqueMehl
« Avec de l’ambroisie,elleefface d’abord de son corps dÉsirable toutes les souillures. Elle l’oint ensuite avec une huile grasse, divine et suave, dont le parfum est fait pour elle […]. Elle en oint son beau corps (chroa), puis peigne ses cheveux de ses propres mains et les tresse en nattes luisantes, qui pendent, belles et divines, du haut de son front Éternel. Après quoi, elle vêt une robe divine qu’AthÉnÉ a ouvrÉe et lustrÉe pour elle, en y ajoutant nombre d’ornements [d’ÉlÉments travaillÉs] (daidala polla). Avec des attaches d’or, elle l’agrafe sur sa gorge. Elle se ceint d’une ceinture qui se pare de cent franges. Aux lobes percÉs de ses deux oreilles elle enfonce des boucles, À trois chatons, À l’aspect granuleux, où Éclate un charme infini. Sa tête enfin, la toute divine la couvre d’un voile tout beau, tout neuf, tout blanc comme un soleil. à ses pieds luisants elle attache de belles sandales. Enfin, quand elle a ainsi autour de son corps disposÉ toute sa parure (panta peri chroi thêKato Kosmon), elle sort de sa chambre, elle appelle 1 Aphrodite À l’Écart des dieux […] » .
C’est ainsi qu’HÉra met en ordre ses atours pour sÉduire et reconquÉrir son Époux. Tout le corps de la dÉesse est objet de soin, de la tête aux pieds : la chevelure, la peau (enveloppe corporelle) ointe d’huile parfumÉe avant d’être parÉe de vêtements joliment ouvragÉs (robe, voile, chaussures), agrÉmentÉs de 2 bijoux et autres accessoires (agrafes, ceintures) – des fanfreluches .
1. Homère,Iliade, XIV, 170-189 (traduction P. Mazon, CUF). 2. La « parure brillante (Kosmos phaeinosd’Aphrodite faite de « ) » broches, spirales courbes, fleurs et colliers (porpas te gnamptas th’heliKas KaluKas te Kai hormous) », d’une ceinture (zônê) et d’une robe Éclatante (heimata sigaloenta) est comparable : cf.Hymne à Aphrodite I, 162-164 et aussi 61-66 et 84-90.
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Introduction
Aussi, les vêtements, bijoux et parures placÉs sur son corps, auxquels s’ajoute le « ruban brodÉ, aux dessins variÉs (Kestos himas poiKilos), où rÉsident tous les charmes (thelKtêria panta) » – don d’Aphrodite – constituent-ils tout leKosmos(v. 187). Dans l’ÉpopÉe,KosmosdÉsigne donc l’ensemble des atours d’HÉra bien agencÉs et organisÉs autour de sa personne. Et, cette « mise en ordre, par l’ordre 3 même qui est ajoutÉ À l’État naturel, devient parure, mise en beautÉ » . Mais cette beautÉ, l’ajout du beau au beau, recèle en elle une part d’artifice ; elle est en partie fabriquÉe (entre autres au moyen dedaidala) et ordonnÉe. Les parures et un charme trompeur intensifient la beautÉ primaire et resplendissante de la dÉesse. Ils sont destinÉs À ensorceler Zeus. Du passage d’un corps nu À un corps parÉ (une parure quelle qu’elle soit), il y a l’artifice, une œuvre demêtis, d’intelligence rusÉe, l’utilisation d’unetechnê. La KosmêtiKê technêest ainsi prÉcisÉment l’art de mettre en ordre, de s’arranger, de se parer ; il dÉfinit l’art de la toilette. Proche de cette dernière notion, laKommôtiKêtechnêcaractÉrise, elle, l’art de se parer, s’orner, se pomponner, d’où se farder. L’Éventail couvert par le champ de la parure est donc très large. Les sources choisies par les diffÉrents auteurs du prÉsent volume le montrent d’ailleurs. De la poÉsie lyrique archaïque À l’Épigraphie, en passant par les vases, les reliefs ou les stèles, toutes concourent À tisser une image complexe et ambivalente des corps antiques. Le corps vêtu ou dÉvêtu, les parures, le voile, les coiffures, les tatouages, les parfums, les bijoux, les sandales et autres fards sont autant de manières de dire, de se montrer, d’agir et de provoquer. L’apparence et le souci de soi, les artifices et les parures dÉvoilent l’individu, l’identitÉ, le genre, son appartenance À un statut et À un groupe ou, au contraire, suffisent au premier coup d’œil ou À la première effluve À rejeter l’Autre : le Barbare, l’esclave, l’effÉminÉ… tous ceux qui, dans la citÉ grecque et À Rome, ne connaissent ou ne respectent pas les codes relatifs aux manières d’être et en jouent. Ainsi leKosmos, À l’origine, dÉfinit lenomos:, l’euphonie et reprÉsente un idÉal de conduite sociale interpersonnelle 4 il dit l’ordre, l’harmonie et la beautÉ . NÉanmoins, comme parure dÉpareillÉe et/ou dÉcalÉe, il dÉnature, dÉfigure, enlaidit et caractÉrise de ce fait un mauvais comportement, l’indÉcence et une attitude atypique susceptible d’être critiquÉe. Le corps parÉ, fardÉ, marquÉ voire dÉguisÉ exacerbe la personnalitÉ d’un individu, mais donne aussi À voir de l’intimitÉ, parfois avec subtilitÉ, parfois au contraire, avec ostentation. C’est la frontière entre ce trop ou ce pas assez, entre le naturel et l’artifice au croisement de la nature et de la culture, qui va dire ce qu’il convient d’afficher dans une sociÉtÉ où le « paraître » ou « les modes », le « convenable » ou l’« inconvenant » semblent tour À tour sÉduire ou exclure. Le large spectre chronologique choisi comme l’ample espace couvert, les mondes anciens, grec, Étrusque et romain, facilitent la lecture des permanences mais aussi des ruptures et la mise en relief parfois des effets d’attrait voire des modes, ou
3. M. Casevitz, « à la recherche dukosmos»,Le temps de la réflexion, X, 1989, p. 99. 4. P. Cartledge, P. Millet, S. von Reden (Éd.), Kosmos,Essays in Order, Conflict and Community in Classical Athens, Cambridge, 1998, p. XIII.
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Introduction
des rejets : de l’Orient, de la richesse ostentatoire, de la sobriÉtÉ retrouvÉe ou souhaitÉe. Une chose est certaine, le rôle de l’apparence et de ses outils ne se dÉment pas, seuls les objets, les matières, les goûts et les intentions changent. Les significations et les attendus aussi. Le corps est ainsi observÉ, scrutÉ, cÉlÉbrÉ et vantÉ par une multitude de signes et d’objets. Se parer, se maquiller, se dÉguiser, se montrer nu ou sale, tatouÉ, coiffÉ ou tête nue, s’Épiler ou porter perruque, sont autant de feintes, de ruses, de fards qui disent la mise en valeur et le beau comme le factice et la tromperie, en dÉvoilant ou bien en voilant l’identitÉ, l’âge ou le statut. Mais ces subterfuges, babioles et autres fioritures qui marquent, rÉvèlent ou masquent le corps, loin d’être des futilitÉs exposent une sociÉtÉ dans le jeu des apparences. Une dÉmarche pesante, un visage trop fardÉ, unpeplos pourpre ou un crâne dÉgarni sont des outils de lecture efficients qui donnent au corps, comme objet historique, toute son importance. Ces parures jouent comme des prolongements du corps. Leur association devient instrument de rhÉtorique et contribue À des modes d’action. Leur alliance 5 constitue des processus actifs, dynamiques et « performatifs » . Soumis au regard des autres, le corps ainsiparÉ attire, ensorcèle, dÉrange et s’avère parfois dangereux.
Cet ouvrage est nÉ de l’association amicale et scientifique des membres de plusieurs laboratoires, le LAHM-UMR 6566 (Rennes 2), PhÉacie (Paris 1 et 6 Paris 7) et le Centre Louis Gernet (EHESS) . En effet, Lydie Bodiou (UniversitÉ de Poitiers) et VÉronique Mehl (UniversitÉ de Bretagne Sud) mènent depuis plusieurs annÉes, au sein de l’axe « Corps » du laboratoire LAHM-Crescam, des 7 8 recherches sur l’expression des corps antiques , sur les corps outragÉs et sur le 9 parfum et les odeurs dans les mondes anciens . Florence Gherchanoc (UniversitÉ Paris Diderot - Paris 7) et ValÉrie Huet (À l’Époque,À l’UniversitÉ Paris Diderot - Paris 7) ont co-dirigÉ de 2004 À 2009 un axe de recherches sur la mise en perspective et en contexte des vêtements, les formes de dÉnudations et la nuditÉ des Anciens, dans leurs dimensions sociologique et culturelle, tout en privilÉgiant 10 une approche anthropologique .
5. C. S. Colburn, M. K. Heyn (Éd.), « Introduction », dansReading a Dynamic Canvas. Adornment in the Ancient Mediterranean World, Cambridge, 2008, p. 1-2. Lire par exemple F. Gherchanoc, « Les atours fÉminins des hommes : quelques reprÉsentations du masculin-fÉminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, sÉduction et grotesque, surpuissance et dÉchÉance », RH, CCCV/4, 2003, p. 739-791. 6. Les deux derniers laboratoires sont dorÉnavant rÉunis dans la nouvelle Équipe ANHIMA-UMR 8210. 7. L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (Éd.),L’expression des corps. Gestes, Attitudes, Regards dans l’iconographie antique, Rennes, 2006, premier volume d’une collection initiÉe et dirigÉe par le LAHM-Crescam,Les cahiers du corps antiqueaux Presses Universitaires de Rennes. 8. L. Bodiou, V. Mehl, M. Soria (Éd.),Corps saccagés, corps outragés. Regards croisés de l’Antiquité au Moyen-Age,Turnhout, 2011. 9. L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (Éd.),Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes, 2008. 10. F. Gherchanoc, « Le(s) voile(s) de mariage. Le cas particulier desanaKaluptêria»,Mètis, 9
Introduction
11 à force d’entrelacer leurs programmes , les quatre ont lancÉ une rÉflexion autour desParures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité gréco-romaine. Son objet Était de rÉflÉchir À tout ce que l’on pose, appose et marque sur le corps dans l’AntiquitÉ (tatouages, parures, bijoux, etc.) et À la façon dont ces ornements agissent pour dÉfinir les individus, leurs actes et leur place dans les sociÉtÉs anciennes. Car l’artifice n’est pas superficiel : outil de communication, il est, par lÀ même, essentiel voire constitutif des identitÉs dans une culture où le paraître est important, où les apparences comptent autant que les faits. De « l’enserrement » ou de l’« empaquetage » du corps fÉminin dans des Étoffes, cachant les fards et les fragrances À l’exhibition du corps masculin libre ou libÉrÉ par les pratiques sportives et militaires, le corps dÉcorÉ, ornÉ et parÉ, par une mise en ordre souvent normÉe et rÉflÉchie, offre une large palette d’Études : corps embelli, corps valorisÉ, corps dÉnudÉ, fantasmÉ ou diminuÉ, idÉalisÉ ou contraint tant dans les formes que les attitudes. Il permet dès lors de ne plus s’inscrire seulement dans une histoire du corps, mais d’y allier l’histoire du sensible, l’histoire du paraître et l’histoire des perceptions.
Suivant cette problÉmatique, le prÉsent volume rÉunit les contributions de trois journÉes d’Études qui se sont dÉroulÉes de 2008 À 2009, À l’UniversitÉ Rennes 2 et À l’Institut national d’histoire de l’art de Paris autour de trois axes : les parures et la prÉparation des corps ; les identitÉs entre apparence et ambiguïtÉ ; les 12 parures et leKosmos,de l’harmonie au dÉsordre .
La première partie analyse la manière dont les corps sont prÉparÉs et agrÉmentÉs, en particulier grâce À divers types de parures et d’artifices. Les 13 contributions portent sur la toilette dans son ensemble, de la tête aux pieds , et
N.S. 4, 2006, p. 239-267 ; F. Gherchanoc, V. Huet (Éd.), « S’habiller et se dÉshabiller en Grèce et À Rome. Pratiques politiques et culturelles du vêtement. Essai historiographique »,RH, CCCIX/1, 2007, p. 3-30 ; F. Gherchanoc, V. Huet (Éd.),S’habiller, se déshabiller dans les mondes anciens,Mètis, N.S. 6, 2008 ; F. Gherchanoc,V. Huet (Éd.),Vêtements antiques. S’habiller, se déshabiller dans les mondes anciens(actes du colloque international des 26-27 novembre 2009), À paraître. 11. Par exemple, V. Huet, « Des gestes du banquet rituel À Rome ou plutôtquiddu geste de poser sa main sur la tête », dans L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (Éd.),L’expression des corps. Gestes, Attitudes, Regards dans l’iconographie antique,op. cit., p. 253-265 ;eadL’encens sur les reliefs., « sacrificiels romains », dans L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (Éd.),Parfums et odeurs dans l’Antiquité, op. cit., p. 105-116 ; L. Bodiou, V. Mehl,: se vêtir, se parfumer,Myrrhinè À Marilyn « De se montrer ou le parfum comme parure », dans F. Gherchanoc, V. Huet (Éd.),S’habiller, se déshabiller dans les mondes anciens,op. cit., p. 13-40 ; F. Gherchanoc,« Des cadeaux pournumphai: dôra,anaKaluptêriaetepaulia»,dans L. Bodiou, V. Mehl(Éd.),La religion des filles en Grèce ancienne. Mythes, cultes et sociétés, Rennes, 2009, p. 207-223. 12. La première et la troisième journÉe ont ÉtÉ financÉes par le LAHM-UMR 6566 (Rennes 2), la deuxième par PhÉacie (Paris 1 et Paris 7) et le Centre Louis Gernet (UMR 8567, EHESS). La publication a ÉtÉ financÉe par le laboratoire ANHIMA-UMR 8210, le BQR de l’UniversitÉ Paris Diderot-Paris 7 et la dotation de l’Institut Universitaire de France de F. Gherchanoc. Nous remercions chaleureusement Agnès Tapin qui s’est chargÉe de la prÉparation du manuscrit en vue de son Édition. 13. Yvette Morizot avait prÉsentÉ le 16 mai 2009 une communication en ce sens,Les chaussures 10
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