Je vais mourir mardi 18
216 pages
Français

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Je vais mourir mardi 18 , livre ebook

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Description

Par effets de médias, le suicide assisté se transforme en un acte militant puis se propage. Voilà enfin le contre-témoignage qui alerte sur cet abus, notamment lorsque l'aide médicale à mourir est accordée à des personnes en bonne santé. L'auteur commence par enquêter sur le suicide de son frère. Bien documenté, il s'adresse aux responsables politiques, mais aussi du droit et de la santé publique pour les mettre en garde contre la banalisation de cette pratique. Il prévient contre une dérive sociétale qui se voue au culte de la mort.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782336866802
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Claude M ERMOD





J E VAIS MOURIR MARDI 18 Le suicide assisté au paradis helvète









Préface de Mauro Poggia Postface d’Olivier Chabloz
Copyright















© L’Harmattan, 2019
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-86680-2
PREFACE
S’il est un sujet peu propice à l’expression de la nuance, c’est bien celui de savoir quelle marge notre société doit donner à l’autonomie individuelle quant au choix du moment et de la forme de notre mort. Quelle que soit l’opinion exprimée dans son témoignage par Claude Mermod, elle a le mérite de confronter une incontournable subjectivité à la nôtre, de susciter notre réflexion, au-delà de l’émotion immédiate que déclenche chez chacun de nous l’actualité, lorsqu’elle nous rappelle, de plus en plus souvent, que des membres de notre collectivité expriment leur volonté de se suicider, et de se faire assister dans ce geste ultime.
A travers l’incompréhension et la souffrance d’un proche désemparé, c’est à notre propre désarroi que nous sommes confrontés lorsque nous nous interrogeons : « que ferions-nous si… Que ferons-nous lorsque… ». Car notre finitude est une réalité. Devons-nous la confier à Dieu, à supposer que nous y croyions, au destin, au hasard ? Dans une société qui veut imposer la maîtrise sur toute chose, faudrait-il que la mort y échappe ?
Vue d’ailleurs, la Suisse fait souvent figure d’avant-gardiste, avec des associations qui ont fait du mobile altruiste leur but statutaire, et qui attirent, par la médiatisation liée à leurs interventions, des patients venus parfois de très loin, pour échapper à un carcan législatif générateur de souffrance. Pourtant, rien n’est clairement balisé sur ce chemin escarpé, et notre société ne fera pas l’économie d’un débat de fond, si elle ne veut pas que la solidarité et l’empathie cèdent le pas à la facilité et à la déresponsabilisation.
Rappelons qu’en Suisse, notre droit national ne règle la question du suicide assisté qu’au travers d’une disposition du Code pénal (article 115), qui, par essence, ne définit que ce qui est punissable. Ainsi l’est celui qui incite la victime à se suicider, poussé par un mobile égoïste. A contrario, si le mobile est autre, aucune peine ne sera encourue. Aucune autre condition n’est posée par la loi. La difficulté a été contournée par la jurisprudence qui en réfère aux directives de l’ASSM 1 , par le fait que la substance létale ne peut être délivrée que sur ordonnance médicale. Or, les médecins sont soumis au Code de déontologie de la fédération des médecins suisses qui a refusé 2 les nouvelles directives élargies de l’Académie suisse des sciences médicales, relatives à la prise en charge des patients en fin de vie.
En théorie, si le suicide assisté intervenait par un autre moyen que le pentobarbital sodique, il pourrait l’être à l’égard d’une personne saine et en parfaite santé. On saisit alors déjà les limites de cette démission législative.
Cette lacune n’a pas échappé à la Cour européenne des Droits de l’Homme 3 qui a considéré que la Suisse avait manqué à son obligation positive de définir clairement dans quelles circonstances les médecins peuvent remettre une telle ordonnance.
En l’état actuel, le droit de choisir la forme et le moment de la fin de sa vie, finira par faire partie intégrante de la liberté personnelle garantie par l’article 8 §1 CEDH, au-delà des droits nationaux, et il est raisonnable de penser qu’à la première occasion qui se présentera à elle, la CourEDH énoncera une obligation positive de l’Etat à garantir ce droit. En d’autres termes, l’Etat ne devra pas seulement veiller à ce que cette expression spécifique de la liberté personnelle ne souffre d’aucune entrave, mais plus encore mettre en œuvre les conditions à l’exercice de ce qui deviendrait alors un droit à part entière. De liberté individuelle, nous passerons alors à un droit conventionnel, et l’Etat devra faire en sorte que celles et ceux qui demandent à quitter ce monde puissent le faire sans entraves.
Chacun comprend bien alors que le temps des faux-fuyants sera révolu, ou pire, que la nuance de la table de mixage, par laquelle toutes les sensibilités s’expriment, laissera la place à des choix par lesquels des majorités imposeront des recettes législatives à des minorités heurtées.
Pourtant, tout professionnel du droit ou de la médecine nous dira que la question fondamentale et centrale est et restera celle de la capacité de discernement du patient. Aucun législateur ne pourra jamais se substituer à ce médecin qui, à un moment déterminé, après avoir entendu la demande exprimée, répondra affirmativement à cette question, avec toute la responsabilité que cela implique.
C’est ici que le paradoxe est à son comble. Le médecin qui entend son patient lui annoncer qu’il va se jeter par la fenêtre va intervenir pour l’en empêcher, jusqu’à l’hospitaliser. Car le geste est déraisonnable, de toute évidence le fruit d’une atteinte psychique qu’il faut soigner. Pourtant, si le patient demande une substance létale qu’il ne peut obtenir sans ordonnance, la situation serait à ce point différente que le médecin n’aurait plus à s’interroger sur des facteurs pathologiques, mais uniquement sur l’autonomie individuelle ?
Comprenons-nous bien, il n’est pas question de contester ici la liberté de chacun de considérer que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue, mais de rappeler que le rôle de la société est précisément d’apporter à chacun les raisons de vivre, et les moyens de le faire sans souffrance et dans la dignité. C’est plus compliqué que de remplir une ordonnance, mais c’est cela l’Humanité.
Mauro Poggia, Conseiller d’Etat, Genève
Nous savons tous une chose, c’est que nous allons mourir.
Nous ignorons tous une chose : quand ?
1 . ASSM : Académie suisse des Sciences médicales.
2 . Exit : La FMH refuse d’élargir l’assistance au suicide , Tribune de Genève, 25.10.2018.
3 . Arrêt « Gross » No 67810/10 c, La Suisse condamnée par la Cour E.D.H. 0 4.05.2013.
AVANT-PROPOS
Ce jour-là, notre grand frère était encore en vie. Nous étions réunis dans les locaux de la Revue Médicale Suisse pour préparer l’émission qui serait diffusée le soir même en direct du plateau d’infrarouge à la RTS 1 . Voyant s’échapper de mon dossier « Suicide assisté » toutes sortes de petits bouts de papier griffonnés, le rédacteur en chef me demanda ce que c’était.
‒ Tout ça ? C’est ce que je note depuis deux semaines pendant la nuit quand je ne dors pas.
‒ Vous devriez en faire un livre.
Ce fut comme un déclic et dès le lendemain, j’ai commencé à relire toutes mes invectives, jérémiades et autres lamentations jetées à la hâte sur le papier, et qui bientôt, feraient place à vrai livre.
Qui donc a bien pu me faire croire que le monde était gouverné ? Je ne le sais pas. Comment ai-je pu croire que la médecine allait nous sauver ? Je ne le sais pas davantage. Une chose est sûre, je ne vois plus parmi les hommes ni projet ni sauveur. Nulle part, personne n’est plus responsable, on ne s’expose pas. Voir qu’il n’y a que peu de gouvernance est triste, croire qu’elle agit est pire.
L’annonce du « suicide assisté » imminent d’un proche peut vous plonger brusquement dans une situation impossible où se bousculent l’abominable, l’insoluble, l’irréparable et c’est ce dont je vais témoigner. Sur le moment, j’aurais voulu mobiliser la terre entière contre ce que je tenais pour « urgentissime, », mais je me suis trouvé face à un mur. Personne ne voulait s’aventurer à m’aider. Le droit à l’autodétermination est devenu un temple qu’il est interdit de profaner, notamment lorsqu’on croit pouvoir encore sauver la vie d’un homme qui a mis au calendrier la date de sa propre mort.
Deuxième obstacle et de taille : en matière de « suicide assisté, » la législation n’est en Suisse qu̵

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