50 ans de déconstruction
201 pages
Français

50 ans de déconstruction , livre ebook

201 pages
Français

Description

Cinquante ans après la publication de trois ouvrages majeurs de Jacques Derrida, quelle est la vitalité et la pertinence de son oeuvre aujourd'hui ? Les études ici rassemblées interrogent le Collège International de Philosophie (et le rôle des institutions dans la pensée), la spectralité, l'écriture, l'éducation, le toucher et le témoignage, mais aussi des thèmes et concepts moins attendus, comme la chance, le végétal, la police et la poésie du poète brésilien Carlos Drummond de Andrade. Il s'agit d'un exercice philosophique de la différance, hantise d'une écriture qui déborde toute date, éphéméride ou commémoration.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140148576
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Filipe Ceppas, Gustavo Chataignier & Louise Ferté
50 ANS DE DÉCONSTRUCTION Vitalité et pertinence de l’œuvre de Derrida
50 ans de déconstruction
Vitalité et pertinence de l’œuvre de Derrida
La Philosophie en communCollection dirigée par Stéphane Douailler, Jacques Poulain, Patrice Vermeren
Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.  Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.  Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement.
Dernières parutions
Pierre-François MOREAU et Lorenzo VINCIGUERRA (dir.),Spinoza et les arts, 2020. Thierry MARIN,Les métaphysiques sacrificielles comme maintien de l’ordre cosmopolitique,2019. Thierry MARIN,Pour un communisme végétal.Critique des métaphysiques sacrificielles,2019. Javier AGÜERO ÁGUILA,Chili : les silences du pardon dans l’après Pinochet, 2019. Rafael VALIM,État d’exception, La forme juridique du néolibéralisme, 2019. Louise FERTÉ, Anne-Claire HUSSER (dir.),L’institution scolaire au prisme de la e modernité, Jalons pour une étude des discours pédagogiques au XIX siècle,2019. Régine FOLOPPE,Baudelaire et la vérité poétique, 2019. François BRETEAU,La poétique de l’ironie, Essai,2019. Daniel ALVARO,Le problème de la communauté. Marx, Tönnies, Weber, 2018. Philippe GRANAROLO,En chemin avec Nietzsche, 2018. Gisele AMAYA DAL BÓ,La subversion passée sous silence, Politiques de mémoire sur la dictature en Argentine et au Chili, 2018. Daniel FRÄNKEL,L’eugénisme social, 2018.
Sous la direction de Filipe Ceppas, Gustavo Chataignier & Louise Ferté
50 ans de déconstruction Vitalité et pertinence de l’œuvre de Derrida
© L’HARMATTAN, 2020 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-19634-3 EAN : 9782343196343
Présentation 1 2 Filipe Ceppas & Gustavo Chataignier Ce livre aborde le travail de Derrida (1930-2004) et évidemment au sein de celui-ci la déconstruction, dont on vient de fêter les 50 ans, ce qui peut vouloir dire beaucoup de choses : son « actualité » (ou l’actualité pensée à partir de la déconstruction) ; sa maturité ; son deuil ; la « déconstruction » pendant cette période (et quel serait le temps de la déconstruction ou, encore, le temps en tant que déconstruction) ; un réexamen de la publication des livres commeDe la grammatologie,Écriture et DifférenceetLa Voix et le Phénomène, en 1967, en tant qu’événement ; cet événement en tant qu’éphéméride (à célébrer ? à fêter ?) ; etc. Il y a un peu de tout cela dans les textes publiés ici, et bien plus encore, comme un pré-texte (report infini d’un texte impossible) pour continuer à faire ce que nous faisons toujours, avec et à partir des textes de Derrida : « penser » – ce qui ne veut pas dire grand-chose, dans les différentes significations possibles évoquées par le terme – qu’une pensée générique ne dit presque rien ; que penser n’est pas la même chose que dire beaucoup de choses ; que penserne veut pasgrand-chose, la dire déconstruction étant en même temps toujours attentive simultanément à beaucoup de choses (disséminationque la pensée n’est pas capable de) ; dire (jamais beaucoup ou presque rien) « les choses » ; que penser avec la déconstruction c’est toujours aussi penser le décalage entre penser, vouloir dire, dire, écrire ; etc. Ce livre contient onze textes présentés auIIe Colloque International du 3 Nuffc, 50 ans de déconstruction, qui a eu lieu dans la ville de Rio de Janeiro, du 17 au 20 octobre 2017, à l’Institut de Philosophie et des Sciences Humaines de l’UFRJ- université Fédérale de Rio de Janeiro. Comment
1 Professeur à la UFRJ, Rio de Janeiro. 2 Professeur à la PUC-Rio, Rio de Janeiro. 3 Le Nuffc, Núcleo de Pesquisa em Filosofia Francesa Contemporânea (Groupe de Recherche en Philosophie Française Contemporaine), enregistré en tant que groupe de recherche du CNPq depuis 2008, est actuellement inscrit au programme du doctorat en philosophie de l’université Fédérale de Rio de Janeiro (PPGF-UFRJ) et a pour coordinateurs Filipe Ceppas et Gustavo Chataignier. Le Nuffc a organisé sa première réunion internationale (Éducation, éthique et politique dans la contemporanéité) les 2 et 3 décembre 2003 à la PUC-Rio et à l’UFRJ. Voir http://nuffc.blogspot.com.br. Nous remercions particulièrement Louise Ferté pour sa généreuse et essentielle collaboration dans la préparation de l’édition de ce dossier.
7
présenter ce qui a surgi de cette « cellule » de production textuelle, ce bref et intense « appareil derridien », assemblé en quatre jours sous les tropiques ? En ce qui concerne la motivation initiale (ancrée dans des textes produits au milieu des années 1960), pas toujours suivie par les auteurs, il convient d’envisager une relecture de gauche et militante de la déconstruction, à l’ère du cynisme institutionnel, des politiques conservatrices et de la « post-vérité ». Il faut du courage pour dire ce qui chez Derrida nous fait bouger, au-delà ou en deçà de tout « discours derridien »le courage et la difficulté, tout en prenant de la distance entre ce qui peut être identifié comme « critique » ou « subversif » dans la déconstruction et les contextes politico-culturels actuels ; parce que la déconstruction opère toujours au-dessus ou en-dessous de la critique, elle est toujours paradoxalement et irrémédiablement prise en otage par un « contexte » en même temps qu’au-delà ou en-dessous de la clôture de tout contexte. Rien de mieux pour le démontrer que de commencer ce parcours avec le texte de Patrice Vermeren, « Jacques Derrida, Victor Cousin et le Collège International de Philosophie ». Comment penser les humanités, aujourd’hui, à partir de la déconstruction ? Et comment penser la déconstruction à partir du questionnement actuel sur les sciences humaines ? Patrice Vermeren commence son texte avec la réflexion déconstructive sur l’inactualité des humanités, dans un temps présent marqué par l’inhumanité. Cela lui permet de localiser trois aspects interconnectés de la trajectoire de Derrida. Le langage philosophique, la biographie et la critique de la métaphysique formeraient le « triple impératif » (aporétique) qui régirait le « soin philosophique » de Derrida : « [...] inventer une écriture comme une révolution interminable, dans la fidélité infidèle à la langue française ; se tenir sur les bords de l’institution philosophique, dans une posture qui ne le place ni dans les orthodoxies philosophique et universitaire, ni en dehors, mais dans une position dedans/dehors qui en travaille les marges ; se libérer de l’ethnocentrisme et de l’européocentrisme au nom de la philosophie et de sa filiation européenne. » Dans le texte de Didier Moreau, « La question éducative et la spectralité : approches derridiennes », l’éducation, conçue comme un processus d’institution d’une « vielibre et déployée», divise Derrida, Foucault et Gadamer autour des thèmes de la parousie, du sujet et de l’amitié. Être hanté par la spectralité, ou par la faute qui la constitue, marque (de manière définitive) le sujet éducatif. Savons-nous traiter l’institution d’un sujet à partir de sa « semi-présence » ? Qu’est-ce que cela signifie de supposer qu’en éducation (et en politique) la relation
8
entre moi et l’autre est constituée par un modèle spectral d’amitié, où l’autre ne peut être que, et toujours de manière instituante et paradoxale, un « fantôme de notre propre passé» ou une fissure constante entre le passé et l’avenir ? Est-il nécessaire de poser la même question à propos de tous les textes, puis de ceux qui sont présentés ici – ainsi que de notre relation avec la « déconstruction » ? Faut-il penser tous les textes en tant quepassé? Nous ne pouvons pas penser«lal’actualité », «présence » de la déconstruction (et toute autre pensée, texte, interlocuteur, auteur), sinon que comme étant marquée par lasemi-présence, par laspectralité. Mais cette fissure (cet«impossible ») est aussi sachance, nous avertit Laurence Cornu, dans « La déconstruction comme mémoire et comme chance ». Déconstruction comme«venue au monde des “nouveaux”, liberté de commencer, acte pensé comme une seconde naissance, inattendu, imprévisibilité, invention… » Si la déconstruction n’est pas un«mot d’ordre » (mais comment faire de la politique sans mots d’ordre ?), c’est aussi parce qu’elle ne s’exerce que par écrit, dans le texte, mais aussi dans l’intertextualité, dans une « multiplicité de langues ». L’indécidabilité de l’adressage et de ses fantômes, son destin, en tant que l’(im)propre d’une pensée«pratique », « vivante »,«agitatrice »,«concrète ». Qu’y aurait-il en dehors du texte ? La critique paresseuse (et dominante) ne voit dans la déconstruction qu’un jeu infini de rémission textuelle, un jonglage pseudo-conceptuel, une simple « masturbation intellectuelle ». Elle veut ignorer quela différance, ou l’indécidable, est le fantasmatique de la rémission à l’extérieur du texte, de la présomption de la présence de cequi est, du réel indépendant de tout texte et du texte compris comme un simple supplément, à la fois non essentiel et dangereux, un langage qui « toucherait le réel » à une extrémité mystérieuse. La critique paresseuse considère toute enquête sur le fantasmatique de la matérialité textuelle et du toucher comme une « négation du réel ». Et il n’y a pas de déni plus évident de la nature phallogocentrique de la critique paresseuse que de qualifier la déconstruction de « masturbatoire ». N’est-ce pas Derrida lui-même qui, à partir de Rousseau, a attiré l’attention sur le parallélisme entre écriture et masturbation, supposées être de simples suppléments, à la fois inessentiels et dangereux ? Le présupposé de la pure complémentarité ne marque pas seulement le parallélisme entre le « simple texte » et le « toucher la chose elle-même », avec la distance entre la masturbation et la jouissance sexuelle, comprise comme présence ou plénitude ; il est l’axe à partir duquel les apories se multiplient à l’infini, à commencer par la fragilité désespérée d’une essence si radicalement menacée par ce
9
« simple supplément », l’écriture. Et quand on demande naïvement à quel genre, après tout, appartient la déconstruction, littéraire ou philosophique, il serait tentant de répondre que la déconstruction est trans. Le toucher est un mot de passe important du voyage végétal intensif auquel Adalberto Müller nous invite, dans son « Derrida et les fleurs : de la rhétorique ». Dans une sorte de jeu de contre-signature rhizomatique, le végétal que donc je suis s’écrit et s’inscrit dans le texte d’Adalberto (et de Ponge et de Derridaet peut-être pourrions-nous parler d’un mimosa que donc je suis, pour souligner le jeu sémantique, latent dans le texte, de la nature sexuelle (trans?) duconceptacle, des graines, desbombesune) ; expérience dans laquelle penser le texte et la pensée sous le signe des plantes (et surtout du mimosa qui bouge lorsqu’on le touche) nous fait passer par les apories du rapprochement entre l’homme et le végétal ou entre le végétal et l’écriture pensée comme le supposé « propre de l’homme ». Loin d’être le plus inerte, le plus passif, sans temporalité, sans communication, sans sociabilité, sans intelligence, le règne végétal est celui sous lequel Ponge reconnaît à peu près la même mesure de toutes les temporalités, de la durée, du mouvement, de la vie elle-même, tournant dans une spirale, avec ses milliers de foies et de cerveaux dispersés. Adalberto, à la suite des traces de Ponge-Derrida, nous montre comment, sous le signe de la rhétorique et de la mimésis comme torsion de l’inscription, de l’écriture, du texte et de la signature, les questions d’éthique et de politique se mêlent aux défis de l’anthropocène : « Le végétal nous amène à penser qu’il y a une éthique qui est plus basée sur diviser que sur retenir, sur accueillir plus que sur choisir, sur offrir plus que sur séparer. Une éthique de générosité, qui est, en dernière instance, une éthique de l’hospitalité. » La question du toucher et des apories de l’écriture se prolonge dans le texte d’Ana Kiffer, explorant cette fois l’approche de Derrida avec un autre auteur : Artaud, abordé sur le seuil entre la lettre et le dessin de ses cahiers, qui est aussi une « frontière entre le concept et l’art », un écrit qui n’est destiné ni à l’un ni à l’autre. Ana Kiffer retrouve dansMémoires d’aveugle – l’autoportrait et autres ruines autant de points de communication importants (littéralement, despoints de contact) entre les cahiers d’Artaud et l’analyse derridienne de l’expérience (à la fois « artistique » et vouée à la pensée, ou peut-êtreni l’une ni l’autre) du toucher, du sentir et de l’écriture. L’écriture-graphisme des cahiers d’Artaud, prise comme performativité de la main, « anticipation » qui « désorganise les hiérarchies du sens », crée un « corps – certainement désorganisé, sans œuvre – qui plie constamment l’intérieur/l’extérieur ». Kiffer explore
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents