Diderot
326 pages
Français

Diderot , livre ebook

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Description

2013 sera l'année du grand tricentenaire de la naissance de Denis Diderot. Ce livre est l'œuvre d'un philosophe éminent qui se confronte à des problèmes actuels. Le Diderot de d'Hondt est un penseur dialectique. Et pour savoir ce qu'est la dialectique, chez Diderot et en général, c'est à travers la loupe de Hegel et de Marx qu'il tentera de nous la présenter, dans une image originale de l'auteur de l'Encyclopédie.

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Date de parution 01 juillet 2012
Nombre de lectures 4
EAN13 9782296498747
Langue Français
Poids de l'ouvrage 23 Mo

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Extrait

DIDEROT RAISON, PHILOSOPHIE ET DIALECTIQUE Suivi duNeveu de Rameau (éd. de 1863)
CollectionRationalismes Collège International de Philosophie Dirigée par Paolo Quintili La raison –lògos,ratio,reason,Vernunft, ragioneet al. – ne jouit pas d’un bon titre aujourd’hui. Elle appartient à ce domaineopaqueet intransparent des concepts-clé de l’histoire de la pensée occidentale sur lesquels ni le philosophe ni l’homme de la rue ne semblent plus devoir s’interroger. Par synonymes et antonymes, « la raison » va de soi, en tant qu’elle est, de fait, réductible au titre d’arrière-plan, désormais acquis, de toute doctrine philosophique contemporaine qui ambitionne à un rôle quelconque sur la scène de la pensée humaine. Et pourtant, dans son sens le plus général, « raison » est saisissable sous le titre reconnu deprocédurespécifique de connaissance du monde des faits, deméthoded’évaluation des situations individuelles et deguidela (bonne) conduite, qui de passe par l’entremise dulangage. Sous ce triple titre – de procédure, méthode et guide –, les traits historiques et la spécificité de laratio occidentale ont été diversement repérés, sous plusieurs modes de manifestation qui échappent à une définition commune. Le propos de cette collection est ainsi celui de mettre en cause les rationalismes d’aujourd’hui, et ceux du passé, dans ce qu’ils ont de commun pour la construction d’une théorie historique générale de la rationalité. Ce qui n’est, en fin de comptes, autre chose que la découverte, toujours renouvelée, du noyau le plus original de la pensée occidentale.
Jacques D’HONDT DIDEROT RAISON, PHILOSOPHIE ET DIALECTIQUE Suivi duNeveu de Rameau (éd. de 1863) TEXTE ÉTABLI ET PRÉSENTÉ PARE.PUISAIS ETP.QUINTILIL’HARMATTAN
© L'HARM ATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96402-0 EAN : 9782296964020
Note Bibliographique Les textes contenus dans ce volume ont fait l’objet de publications dans différentes Revues et Recueils, désormais difficiles à repérer : Chap. 1 : « Théorie et pratique chez Diderot », dansEquinoxe, Revue Internationale d’Etudes Françaises, n° 7, Kyoto, 1991, p. 2-23. Chap. 2 : « Diderot, Hegel et la dialectique du combat », Extrait deHegel, le philosophe du débat et du combat, Paris, L.G.F., collection « Le livre de poche », 1984,Présentation. Chap. 3 : « Le projet encyclopédique chez Diderot et Hegel », dans L’Encyclopédisme, Actes du Colloque de Caen (12-16 janvier 1987), sous la direction de A. Becq, Paris, Aux Amateurs de livres, 1991, p. 183-193. Chap. 4 : « Les surprenants rameaux du Neveu. L’interprétation de Hegel et de Marx », dansSciences, musiques, Lumières, Mélanges offerts à Anne-Marie Chouillet, éd. par U. Kölving et I. Passeron, Ferney-Voltaire, Centre International e d’Étude duXVIIIsiècle, 2002, p. 301-309. Chap. 5 : « Le cynisme de Rameau », dansRecherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, n° 36, Paris, 2004, p. 125-137. Chap. 6 : « L’Homme de Diderot », dansDiderot, Lisbonne, Universitaria Editora, 1987, p. 53-61. (Reproduit dansBulletin de la Société américaine de Philosophie de Langue Française, vol. 9, n°2, 1997). * * * Remerciements des éditeurs Ce livre n’aurait jamais pu voir le jour sans l’aide constant et affectueux de nos amis, Elena Campana, qui a préparé lesIndexdu volume, et Emmanuel Chubilleau, vrai camarade philosophe, pour le soin de la révision générale du texte et de la mise en page. Qu’ils soient ici chaleureusement et fraternellement remercié(e)s.
Introduction par Eric Puisais et Paolo Quintili e 1.Un hôte importun, au début duXXIsiècle :Le Neveu de Rameau2013, ce sera l’année du grand tricentenaire de la naissance de Denis Diderot (1713-1784). Les célébrations ne manqueront sans doute pas, tant en est gourmande l’industrie académique des centenaires, qui s’essaie à ranimer des personnages autrement voués à l’oubli. Ce n’est pas le cas de notre auteur. Diderot se passe bien de cette échéance nerveuse. Le livre de Jacques D’Hondt que nous présentons ici – et qu’inaugure dignement cette collection consacrée aux rationalismes de toutes les époques – n’est pas l’ouvrage d’un « diderotiste » de profession, mais celle d’un philosophe éminent qui se confronte à des problèmes actuels, comme l’explique bien sa conclusion : « Il y a des commémorations qui tentent vainement de réveiller des morts. Diderot n’a pas besoin d’être réanimé, il nous introduit à la modernité et, quand nous le lisons, ce n’est pas nous qui le ressuscitons, c’est lui qui nous réveille encore » (infra, p.118). Il s’agit, en effet, de la philosophie la plus « radicale » – adjectif qui est de nouveauà la page – et la plus actuelle de l’époque des Lumières, celle d’un penseur qui est et a été longtemps éloigné du style universitaire de l’écriture et de l’expression philosophique, pendant les deux derniers siècles. e Depuis ceXXqui vient de finir, Diderot a été reconnu finalement siècle comme unvraiphilosophie. Un romancier, également, depuis longtemps, un épistémologue, aussi... Quoi d’autre ? Un personnage qui échappe à toute catégorisation, stricte et rigide, dans les cloisonnements des académies. Un homme qui aime les combats, suscite les contradictions, les anime. D’Hondt pointe cet aspect inquiet et insoumis de la philosophie du grand langrois – dont la tête, se disait-il lui-même, « est sur ses épaules comme un coq d’église au haut d’un clocher : elle n’est jamais fixe dans un point… » – il appelle ce caractère d’un seul nom :dialectique. Ce Diderot de D’Hondt est un penseurdialectique. Et pour savoir ce qu’est la dialectique, chez Diderot et en général, c’est à travers la loupe de Hegel et de Marx qu’il tentera de nous la présenter, dans une image originale de l’auteur de l’Encyclopédie. « Dialectique » est la capacité qu’a Diderot de tenir toujours ensembleles pôles contrairesmonde historique qui s’interroge sur lui-même, d’un capacité de les représenter en acte et d’expliquer le sens de ce « tout » individuel, unique, qu’ils produisent. Les textes ressemblés dans ce volume
8 présentent une variété concentrée autour de certaines figures-clé de cette pensée dialectique diderotienne. Tout d’abord, l’art, à savoir la pratique et la théorie, liées ensemble d’une façon nouvelle, suivant l’Encyclopédie et son modèle baconien de philosophie expérimentale. L’art ne peut pas se passer de la pratique, Diderot le reconnaît, mais il ne se salit pas trop les mains et semble privilégier finalement la théorie et la simple observation. Mais il faut tenir compte aussi de l’avancéereprésentent la reconnaissance que révolutionnaire de l’« industrie de l’homme » à l’origine même de tous les arts et leur exaltation, à travers la figure de l’ouvrier-savant, dans une approche plutôt classique, qui renvoie encore à la philosophie de Bacon, avec un changement significatif d’orientation. On aura affaire à un sujet de l’art, opérateur passif (« passivisme » de l’observation), mais qui considère, en même temps, la visée de l’utile (« utilisme »), la transformation des objets de la nature et l’actionpratiquede l’homme même comme des buts ultimes. Puis, le système du savoir lui-même, conçu comme un tout – les disciplines contenues dans l’« arbre de la connaissance » duDictionnaire raisonnévu en comparaison avec l’ – Encyclopédie des sciences philosophiquesHegel. Pour comprendre le sens global d’une certaine de organisation historique des savoirs humains, il faut parcourir l’ensemble des connaissances suivant deux directions apparemment contraires, mais en même temps complémentaires : « le cercle et la ligne droite ». Par le cercle (en-kyklos) on saisit la systématicité et la cohérence interne de l’ensemble formatif (paidèia), lacircularité du savoir. Par la ligne droite, la pensée parcourt, grâce au « dictionnaire raisonné », chaque partie, avec un souci d’exhaustivité. D’Hondt nous montre les caractères propres de ce problème de la cohérence d’un tout cognitif, dans les deux projets encyclopédiques, de Diderot et de Hegel, les solutions et les tensions qui s’instaurent dans ce contexte historique, celui de la fin des Lumières et de l’épanouissement de la e grande philosophie idéaliste allemande, au début duXIX siècle,fille desLumières françaises. Ensuite, figure centrale et extrême de cet ouvrage de dialecticien :Le Neveu de Rameau, l’hôte importun de tout salon philosophique, des bien-pensants de toutes les époques. À côté deJacques le Fataliste, autre roman dialectique du jeu des consciences,Le Neveugrand musicien Jean- du Philippe Rameau – sujet historique réel – artiste raté, parasite conscient de soi-même, cynique et génial à la fois, mais « trop inhumain », est le personnage éminent de la pensée de Diderot, il a stimulé la fantaisie et l’admiration de Goethe, qui en donna la première « édition » complète, traduite en allemand (Rameau’s Neffe:, 1805 infra,Appendice, note 167) avant même que le texte français fut connu par Hegel, qui le citera dans la Phénoménologie de l’esprit(1807) en tant que représentant de la figure de l’« esprit aliéné à soi-même » (infra, chap. 4).
9Et en quoi consiste le caractère « aliéné » et perturbant de ce personnage importun ? Caractère lui aussidialectique? C’est qu’il met en scène la vérité de son monde historique, ce monde nouveau qui était en train de se bâtir, à la veille de la Révolution, autour de nouvelles valeurs qui n’ont plus rien à voir avec la vieille société d’ancien régime. Un monde recentré et dominé par la valeur d’échange et par l’argent. Un interlocuteur critique affronte la parole impertinente du Neveu (Lui), avec le regard de la « conscience honnête » (Hegel), unMoiqui ne peut s’empêcher de s’identifier à son philosophe interlocuteur, d’éprouver à la fois de l’horreur et de l’admiration, devant le courage de lavéritéqu’a Jean-François Rameau d’énoncersans vergogneque tout est « en vente » et soumis à la domination de la richesse financière. C’est un dialogue célèbre, qui enfile une série de « vanités » concernant les mœurs et les comportements sociaux d’un temps désormais périmé : Tenez, vive la philosophie ; vive la sagesse de Salomon. Boire de bon vin, se gorger de mets délicats ; se rouler sur de jolies femmes ; se reposer dans des lits bien mollets ; excepté cela, le reste n’est que vanité. MOI : Quoi ! défendre sa patrie ? LUI : Vanité. Il n’y a plus de patrie. Je ne vois d’un pôle à l’autre que des tyrans et des esclaves. MOI : Servir ses amis ? LUI : Vanité. Est-ce qu’on a des amis ? quand on en aurait, faudrait-il en faire des ingrats ? regardez-y bien ; et vous verrez que c’est presque toujours là ce qu’on recueille des services rendus. La reconnaissance est un fardeau ; et tout fardeau est fait pour être secoué. MOI : Avoir un état dans la société et en remplir les devoirs ? LUI : Vanité. Qu’importe qu’on ait un état, ou non ;pourvu qu’on soit riche; puisqu’on ne prend un état que pour le devenir. Remplir ses devoirs, à quoi cela mène-t-il ? à la jalousie, au trouble, à la persécution. Est-ce ainsi qu’on s’avance ? faire sa cour, morbleu ; faire sa cour ; voir les grands ; étudier leurs goûts ; se prêter à leurs fantaisies ; servir leurs vices ; approuver leurs injustices. Voilà le secret. MOI : Veiller à l’éducation de ses enfants ? LUI : Vanité. C’est l’affaire d’un précepteur. MOI : Mais si ce précepteur, pénétré de vos principes, néglige ses devoirs ; qui est-ce qui en sera châtié ? LUI : Ma foi, ce ne sera pas moi ; mais peut-être un jour, le mari de ma fille, ou la femme de mon fils. MOI : Mais si l’un et l’autre se précipitent dans la débauche et les vices ? LUI : Cela est de leur état. MOI. S’ils se déshonorent ? LUI : Quoi qu’on fasse,on ne peut se 1 déshonorer, quand on est riche… . Le Neveuest notre contemporain. Cette page est justement célèbre, car la dialectique consiste ici dans la représentation, la plus claire, de la coexistence et duconflit de deux consciences qui partagent le même sens commun, se penchent sur les mêmes objets et qui se divisent sur les jugements de valeurs, tout en reconnaissant uneraison commune, qui les lie ensemble. Une raison que Hegel appellera l’« esprit du temps » (Zeitgeist),
1 D. Diderot,Le Neveu de Rameau, dansContes et romans, éd. sous la direction de M. Delon, Paris, Gallimard, 2004, pp. 611-612 (c’est nous qui soulignons).
10 dont Rameau le neveu, le cynique, est le meilleur interprète et en sait montrer les aspects cachés les plus révoltants, les plus vrais. C’est sur cette figure paradigmatique qu’est centrée la lecture de D’Hondt ; elle nous offre une image philosophique de Diderot, en hégélien et en marxien, la plus e actuelle au début de ceXXIsiècle. Rameau n’est pas un homme de son temps, c’est l’homme de l’avenir, l’apôtre de la raison future des marchands et des politiciens cédés au plus offrant. Il est, répétons-le,notre contemporain. La figure de cemonstremoral apparaît au Moi philosophe comme la déformation de l’image positive du génie, incarnée par son oncle Jean-Philippe Rameau (négatif/positif) ; il devient en réalité, peu à peu, la règle de conduite cachée de la société bourgeoise des échanges et de la marchandise, qui bientôt gagnera sa bataille historique, grâce à la Révolution de 1789. Ce monstre, répudié par ses contemporains, parasite et détestable, a gagné son pari trois siècles après Diderot. Cette figure gouverne des États et des continents, presque la planète ede entière, au début duXXI siècle. Et nous, en relisant cette2 Satire – en Appendice, dans l’édition de 1863, celle que lisait vraisemblablement K. Marx – avec cette loupe herméneutique, aujourd’hui nous avons plus de moyens pour reprendre le combat, avant même que s’achèvent les débats et les questions littéraires qui y sont légitimement attachées ou qui viendront y être soulevées à la marge, en 2013.Le Neveu, en bon dialecticien, nous a remis en garde. À d’autres, après, la dernière parole, comme le dira Jean-2 François Rameau lui-même : « rira bien qui rira le dernier » … 2. La dialectique et la raison hégéliennes vis-à-vis de Diderot. L’édition du Neveude 1863 La contradiction et le conflit sont le moteur de l’histoire. Sur ce point Hegel et Marx se trouvent d’accord, malgré les différences des deux perspectives philosophiques – idéaliste et matérialiste.Le Neveu de Rameauest le lieu textuel où cet accord se réalise de fait. D’Hondt y insiste beaucoup : Diderot était l’écrivain chéri par l’auteur duCapital, il en conseille la lecture à Engels et lui fait même présent d’une édition duNeveudont il avait un double (infra, p.77). Mais la lecture du dialogue diderotien passe par le « filtre », herméneutique de laPhénoménologie de l’esprit de Hegel. Le personnage du génie raté, pervers et noble à la fois, « composé de hauteur et de bassesse », est le catalyseur des forces dialectiques du temps e que Marx vivait au milieu duXIXsiècle.Le Neveu, homme de l’avenir, on disait. L’homme de « la fin d’un monde », tel que le définira l’un des 2 Ibid., p. 665 ;supra, p. 170 ss.
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