Guerre juste et droit des gens moderne
129 pages
Français

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Guerre juste et droit des gens moderne , livre ebook

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Description

La période moderne serait le moment du passage de la théorie de la guerre juste à celle, objectivée et salvatrice, de la guerre questionnée dans ses formes et dans sa régularité, avec des limitations strictes de la violence.

Le droit des gens moderne est présenté d’habitude comme une mise en forme juridique de ce qui jusqu’alors, dans la théorie de la guerre juste médiévale (de saint Augustin à saint Thomas) apparaissait comme une réflexion sur le péché, comme une théorie morale. La période moderne serait ainsi le moment charnière du passage des théories de la guerre juste à celui, objectivé et salvateur, de la guerre questionnée dans ses formes, dans sa régularité, avec les limitations strictes de la violence que cela induit.

Comment le droit des gens prend-il forme autour de cette ambition, et jusqu’où peut-on considérer qu’il s’agit là d’un mouvement unitaire et proprement moderne ? Qu’advient-il de la justice de la guerre lorsqu’elle se confronte à sa formalisation juridique ? Dans quelle mesure l’approche plus formelle qui se dessine ouvre-t-elle à des possibilités nouvelles de régulation du conflit ? Les textes rassemblés dans ce livre de philosophie politique tentent de répondre à ces différentes questions.

EXTRAIT

Dès Vitoria, une rupture commencerait à se dessiner dans la représentation de la guerre par le fait que les limites de celle-ci tendraient désormais à s’émanciper de la prise en considération de l’intention des acteurs, qu’il s’agisse du souverain ou du combattant. Les limites en question pourraient désormais être envisagées de manière plus objective en donnant lieu, entre autres, à une prépondérance du ius in bello en lieu et place d’un questionnement centré auparavant sur des questions relevant du ius ad bellum. Comme le relaye avec force, et parfois grossièrement, l’ensemble des analyses de Carl Schmitt, la guerre moderne sera ensuite considérée, d’une part, depuis sa différence par rapport aux autres formes plus haineuses d’inimitiés (entre autres la guerre privée) et, d’autre part, en renonçant à un questionnement de type moral ou théologique directement centré sur la cause et les intentions de la guerre – avec l’inégalité qui prévaut de la sorte entre les ennemis –, pour déplacer le centre de gravité de la question de la juste cause vers la notion du justus hostis, à savoir l’Etat souverain considéré dans son égalité, en passant ainsi d’un concept de guerre discriminatoire à un concept de guerre non discriminatoire. Le but de ce volume est de « mettre à l’épreuve » cette représentation du droit des gens moderne telle qu’elle s’est entre autres imposée avec Carl Schmitt et à sa suite. Mettre à l’épreuve signifiant ici à la fois en montrer l’incontestable fertilité pour comprendre l’idée même d’un droit des gens spécifiquement moderne, mais aussi montrer les limites, les réductions, les partages qu’une telle contruction de la modernité présuppose ou impose.

Informations

Publié par
Date de parution 29 avril 2019
Nombre de lectures 14
EAN13 9782800416595
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Guerre juste et droit des gens moderne
EDITE PAR THOMAS BERNS ET JULIETTE LAFOSSE

Directeur de la collection « Philosophie politique : généalogies et actualités »
Thomas Berns
Dans la même collection
Jean Vogel, La réinvention de la théorie politique par Fichte. De Kant à Machiavel, 2014
Quentin Landenne et Tristan Storme, éd., L’actualité du Tractatus de Spinoza et la question théologico-politique, 2014
Vincent Lefebve, Politique des limites, limites de la politique. La place du droit dans la pensée de Hannah Arendt, 2016
Antonella Del Prete et Thomas Berns, Giordano Bruno. Une philosophie des liens et de la relation, 2016
EDITIONS DE L’UNIVERSITE DE BRUXELLES
Guerre juste et droit des gens moderne
EDITE PAR THOMAS BERNS ET JULIETTE LAFOSSE
PHILOSOPHIE POLITIQUE : GENEALOGIES ET ACTUALITES
E-ISBN 978-2-8004-1659-5 D/2017/0171/13 © 2017 by Editions de l’Université de Bruxelles Avenue Paul Héger 26 - 1000 Bruxelles (Belgique) editions@ulb.ac.be www.editions-universite-bruxelles.be
Sur l’auteur
Avec des contributions de Thomas Berns, Hans W. Blom, Louis Carré, Pierre-Yves Condé, Marie Goupy, Peter Haggenmacher, Juliette Lafosse, Quentin Landenne, Jean-Yves Pranchère et Merio Scattola.
À propos du livre
Le droit des gens moderne est présenté d’habitude comme une mise en forme juridique de ce qui jusqu’alors, dans la théorie de la guerre juste médiévale (de saint Augustin à saint Thomas) apparaissait comme une réflexion sur le péché, comme une théorie morale. La période moderne serait ainsi le moment charnière du passage des théories de la guerre juste à celui, objectivé et salvateur, de la guerre questionnée dans ses formes, dans sa régularité, avec les limitations strictes de la violence que cela induit. Comment le droit des gens prend-il forme autour de cette ambition, et jusqu’où peut-on considérer qu’il s’agit là d’un mouvement unitaire et proprement moderne ? Qu’advient-il de la justice de la guerre lorsqu’elle se confronte à sa formalisation juridique ? Dans quelle mesure l’approche plus formelle qui se dessine ouvre-t-elle à des possibilités nouvelles de régulation du conflit ? Les textes réunis dans ce volume cherchent à répondre à ces questions à partir de sources philosophiques et de problématiques variées. Des précurseurs aux figures emblématiques du droit des gens moderne, de Vitoria, Grotius, Hobbes, Leibniz ou Kant à Maistre et Hegel, de ses racines antiques et médiévales à l’idée de son crépuscule advenu avec la Grande Guerre, le tout ponctué par un dialogue critique avec Carl Schmitt, ce recueil interroge les théories de la guerre juste à l’aune de la modernité et de « son » droit des gens, et réciproquement.
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Table des matières
Introduction. – Limitation, étatisation et « juridicisation » de la guerre à l’époque moderne
Thomas B ERNS et Juliette L AFOSSE
La doctrine de la guerre juste dans la pensée antique et médiévale
Merio S CATTOLA
Guerre juste et guerre régulière dans la doctrine espagnole du XVI e siècle
Peter H AGGENMACHER
Hugo Grotius : le défi politique, la guerre juste, la paix
Hans W. B LOM
De l’approche de la guerre par analogie aux lois de l’honneur chez Hobbes
Thomas B ERNS
Le problème de la guerre juste chez Leibniz et les fondements métaphysiques d’une politique perspectiviste
Quentin L ANDENNE
Vers la paix perpétuelle ? Du droit des gens au droit cosmopolitique, un passage historique
Juliette L AFOSSE
La guerre contre-révolutionnaire : une juste guerre contre la guerre du droit ? Les paradoxes de la guerre totale contre la « révolution totale »
Jean-Yves P RANCHÈRE
Hegel et les trois justifications de la guerre
Louis C ARRÉ
La théorie moderne de la guerre juste – ou du justus hostis – et la pensée de l’ordre concret chez Carl Schmitt
Marie G OUPY
La crise de juillet-août 1914, le changement de sens de la guerre et Le nomos de la Terre
Pierre-Yves C ONDÉ
Biographies des auteurs
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INTRODUCTION
Limitation, étatisation et « juridicisation » de la guerre à l’époque moderne
Thomas B ERNS et Juliette L AFOSSE
Le droit de gens moderne est habituellement représenté comme la juridicisation de ce qui, dans la théorie de la guerre juste médiévale, de saint Augustin à saint Thomas, apparaissait comme une réflexion sur le péché, comme une théorie morale. Dès Vitoria, une rupture commencerait à se dessiner dans la représentation de la guerre par le fait que les limites de celle-ci tendraient désormais à s’émanciper de la prise en considération de l’intention des acteurs, qu’il s’agisse du souverain ou du combattant. Les limites en question pourraient désormais être envisagées de manière plus objective en donnant lieu, entre autres, à une prépondérance du ius in bello en lieu et place d’un questionnement centré auparavant sur des questions relevant du ius ad bellum . Comme le relaye avec force, et parfois grossièrement, l’ensemble des analyses de Carl Schmitt, la guerre moderne sera ensuite considérée, d’une part, depuis sa différence par rapport aux autres formes plus haineuses d’inimitiés (entre autres la guerre privée) et, d’autre part, en renonçant à un questionnement de type moral ou théologique directement centré sur la cause et les intentions de la guerre – avec l’inégalité qui prévaut de la sorte entre les ennemis 1 –, pour déplacer le centre de gravité de la question de la juste cause vers la notion du justus hostis , à savoir l’Etat souverain considéré dans son égalité, en passant ainsi d’un concept de guerre discriminatoire à un concept de guerre non discriminatoire 2 .
Le but de ce volume est de « mettre à l’épreuve » cette représentation du droit des gens moderne telle qu’elle s’est entre autres imposée avec Carl Schmitt et à sa ← 7 | 8 → suite 3 . « Mettre à l’épreuve » signifiant ici à la fois en montrer l’incontestable fertilité pour comprendre l’idée même d’un droit des gens spécifiquement moderne, mais aussi montrer les limites, les réductions, les partages qu’une telle contruction de la modernité présuppose ou impose. Le parcours dessiné dans ce volume nous amènera en effet à prendre acte (et peu nous importe ici que le dialogue avec Schmitt se noue de manière explicite ou implicte) de la richesse de l’arsenal conceptuel pré-moderne sur la guerre (Scattola), de l’ambivalence des débats sur celle-ci dans la doctrine espagnole du XVI e siècle (Haggenmacher), de la spécificité républicaine de la pensée d’un Grotius dont on a fait le père fondateur du droit des gens moderne (Blom) et de la persistance d’un raisonnement par anologie aussi bien que de considérations sur les « lois de l’honnneur » chez Hobbes, et ce au sein même de ce qui lui permit d’assoir la rupture moderne dans le cours de la philosophie politique (Berns), d’une prise en considération du droit en amont de l’Etat chez Leibniz (Landenne), d’une alternative cosmopolitique kantienne (Lafosse) ou contre-révolutionnaire (Pranchère), des tensions inhérentes à l’affirmation du droit des gens chez Hegel (Carré), avant de se confronter directement à la pensée schmittienne elle-même, et au crépuscule de cela même qu’elle avait construit comme étant propre au processus moderne (Goupy et Condé). Bref, par le biais de lectures (pour l’essentiel « internalistes ») de quelques-uns des grands textes de la philosophie moderne (Grotius, Hobbes, Leibniz, Kant, Hegel, …), en se plongeant dans la préhistoire de certains concepts du droit des gens moderne, en analysant son seuil au XVI e siècle, et en questionnant son crépuscule au moment même de son « invention » schmittienne, il s’agit non seulement de rétablir une diversité en son sein, mais aussi de montrer combien la modernité au sens large et la spécificité d’une approche de la guerre à la fois juridique et centrée sur son étatisation, s’éclairent mutuellement dans « l’idée » du droit des gens moderne. To

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