Inventer son métier à la banlieue de l art
252 pages
Français

Inventer son métier à la banlieue de l'art , livre ebook

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252 pages
Français

Description

Comment mener aujourd'hui un travail artistique engagé et critique sans se heurter aux apories d'usage ? Pour envisager d'autres formes d'inscriptions de l'art dans la société, ne faut-il pas réinventer son métier ? L'auteur s'est immergé pendant quatre ans dans un quartier de la banlieue nancéienne pour proposer une action fondée sur la rencontre et l'instauration de formes collectives convoquant plus particulièrement le médium radiophonique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2014
Nombre de lectures 8
EAN13 9782336338392
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

YVaIn VOn STebUT
INVENTER SON MÉTIER À LA BANLIEUE DE L’ART
Série Arts vivants o p uvErturE hiloSoPhiquE
INVENTER SON MÉTIER À LA BANLIEUE DE L’ART
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot
Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.
Dernières parutions
Tahir KARAKAŞ, Nietzsche et William James, Réformer la philosophie, 2013. Mounkaila Abdo Laouli SERKI, Rationalité esthétique et modernité en Afrique, 2013. Olivier DUCHARME, Michel Henry et le problème de la communauté, Pour une communauté d’habitus, 2013. Simon HAGEMANN, Penser les médias au théâtre, Des avant-gardes historiques aux scènes contemporaines, 2013. Alain SAGER, L’Homme sans dieu ? De Cicéron à Marc-Aurèle, 2013. Reza ROKOEE, Le rêve et l’éveil dans les écrits de Husserl, 2013. Jean-Marc ROUVIERE, L’homme surpris, Vers une phénoménologie de la morale, 2013. Marita TATARI, Heidegger et Rilke, Interprétation et partage de la poésie, 2013. Jorge Augusto MAXIMINO, Philosophie et modernité dans l’œuvre poétique d’António Ramos Rosa, 2013. Roger TEXIER, Récréations cartésiennes, 2013.
YvainVONSTEBUTINVENTER SON MÉTIER À LA BANLIEUE DE L’ART L’HARMATTAN
© L’HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Pariswww.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02663-3 EAN : 9782343026633
INTRODUCTION
La capacité de l’artiste à jouer aujourd’hui un rôle critique efficient en réinventant les modalités de son inscription dans la société, est l’enjeu central de cet ouvrage. C’est dans le cadre d’une thèse en arts plastiques à l’Université de Strasbourg et à partir de ma pratique que j’ai envisagé ces questions. Le projet est délicat puisque étant impliqué dans les mondes de l’art, mes intérêts personnels sont directement mis en jeu dans ce travail. Je fais pourtant l’hypothèse que mon expérience professionnelle autour de la création artistique est suffisamment vaste et diversifiée d’une part, et qu’elle interagit d’autre part avec un grand nombre de problématiques de notre époque, pour justifier un travail théorique. Ce questionnement sera envisagé de manière transversale puisque ma pratique se situe à la croisée de plusieurs disciplines (les arts visuels, la musique et l’art sonore), à l’interface entre différents champs d’interventions (artistique, culturel, social) et à la limite entre l’officiel et l’illégitime (des projets artistiques subventionnés et des actions artistiques clandestines). À Nancy, en 1994, la fondation de l’associationSprayLab donne corps à ce qui n’était encore qu’une vague esquisse de projet artistique. Trois ans plus tard, l’association s’installe dans un vieil entrepôt encore en activité à ce jour. Ce lieu a permis d’expérimenter un travail particulier sur l’espace et d’envisager la possibilité d’habiter poétiquement la ville. Nous avons accueilli du public, proposé des expositions, des ateliers et décliné nos recherches au travers d’un projet pluridisciplinaire et nomade :L’Ôtre Ville. Comme de nombreux artistes, j’ai délaissé les lieux institutionnels pour expérimenter d’autres espaces et intervenir autant sur le mode d’inscription et de partage de mon travail que sur sa production. À Nancy, comme dans beaucoup de villes, la municipalité n’avait alors pas de propositions à faire aux créateurs qui exploraient ce que les sociologues allaient analyser, dix ans plus tard, comme denouveaux 1 territoires de l’art. Bien qu’œuvrant à l’écart des lieux (NTA) institués,SprayLabs’est pas non plus coupée du monde. Au ne contraire, en essayant de dépasser la stricte perspective alternative, j’ai été confronté aux réalités professionnelles des mondes de l’art et de la 1  Fabrice LEXTRAIT et Frédéric KAHN, Nouveaux territoires de l’art, Paris, Sujet/Objet, 2005.
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culture.SprayLab est l’expression d’un pari sur une société capable d’accepter l’émergence de nouvelles cultures expressives. J’ai souhaité analyser cette expérience, dans la mesure où celle-ci a souvent produit des effets structurants. Une approche participative et pluridisciplinaire à la frontière entre le spectacle et l’atelier m’a permis d’entretenir des relations de connivences intenses avec un public qui s’appropriait les propositions et nourrissait le processus de création. Désireux de prolonger ces instants et de les reproduire, j’ai commencé à discerner les raisons de ce succès. L’espace-temps de l’atelier, ou celui deL’Ôtre Villeont apparemment produit un effet de l’ordre de l’ouverture et du partage, du dépaysement et de l’utopie. Ceci a conduit à un degré d’échange permettant de dépasser certaines conventions relationnelles et de vivre de stimulantes situations de co-création. Ces observations sont d’autant plus intéressantes que le public concerné ne fréquente généralement pas les équipements culturels institutionnels. C’est en reconsidérant l’ensemble de ces actions qu’un travail théorique m’a semblé pertinent. En effet, la question de la participation recoupe à la fois le champ artistique et le champ 2 politique, tel que Jacques Rancière l’envisage au travers de la notion de “vivre ensemble”. Ce sujet préoccupe de nombreux artistes au XXe siècle. Des expériences dadaïstes du cabaret Voltaire au Musée de la création permanente de Georges Brecht et Robert Filliou, cette approche remet en question le statut privilégié de l’artiste en ouvrant le champ de l’art à l’ensemble des activités humaines. Comme l’indique Frank Popper, « l’artiste : assume un rôle nouveau, corrélatif d’un effacement de la hiérarchie entre les arts et de leur 3 cloisonnement » . Si l’on observe tout au long du XXe siècle un glissement du champ artistique vers le champ politique, la tendance s’est manifestement inversée ces deux dernières décennies. Malgré un net désengagement de l’État, notamment dans le domaine de la culture ou du social, de nombreux responsables politiques ont repris à leur compte les enjeux 4 de l’art et de la culture. Henry Pierre Jeudy consacre plusieurs 2 « Parler du politique et non de la politique, c’est indiquer qu’on parle des principes de la loi, du pouvoir et de la communauté et non de la cuisine gouvernementale », Jacques RANCIERE,Aux bords du politique, Paris, Folio essais, 2004, p.13. 3  Frank POPPER,Art action et participation. L’artiste et la créativité, Paris, Klincksieck, 2007, p.334. 4 Henry-Pierre JEUDY,Les Usages sociaux de l’art,Belfort, Circé, 1999, p.45.
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ouvrages pour décrire le nouveau stade d’une situation aporétique où l’artiste devient l’objet de toutes les instrumentalisations. Les modalités d’inscription de l’art dans la société échappent alors aux artistes que l’on dirige au fil des directives ministérielles. Ainsi, une notion comme celle de participation est-elle plus généralement associée à un discours de campagne qu’à une démarche artistique à proprement parler. Sur un autre plan, Pierre-Michel Menger s’est attaqué aux idées reçues en proposant d’envisager un portrait de l’artiste en travailleur. Ce dernier tendrait à montrer la porosité entre le monde de l’art et les professions fortement concurrentielles. Le sens de l’innovation de l’artiste « intrinsèquement motivé » et capable de composer avec une « économie de l’incertain » pour défendre son autonomie, détermine selon l’auteur « une incarnation du travailleur du futur [dont le travail serait] devenu un principe de fermentation du 5 capitalisme » . Est-il alors toujours possible de poursuivre le projet d’un art critique tendant à rapprocher l’art de la vie ? Comment l’artiste contemporain peut-il encore contribuer à reconfigurer un monde de l’art qui le cerne et comment peut-il échapper à ce que Yann Toma 6 décrit comme « sa fonction de décorateur et d’amuseur privé » ? C’est dans la perspective d’une certaine filiation historique, que j’ai tenté de questionner mon rôle en tant qu’individu désirant vivre et travailler artistiquement. J’ai centré ma recherche sur une action définie dans l’espace et dans le temps. Afin d’expérimenter l’inscription de l’artiste au cœur de la cité et de pouvoir la mettre en perspective d’un point de vue théorique, j’ai choisi de mener une action régulière et soutenue pendant une période d’au moins trois ans, dans un quartier de la banlieue de Nancy : le Haut-du-Lièvre. J’ai suivi la voie officielle, rédigé un dossier de demande de subvention et mis en place une intervention auprès des habitants et des structures locales afin de construire avec eux un projet artistique fondé sur les rencontres. Sur le plan épistémologique, il apparaîtra peut-être incongru qu’un artiste prenne en charge la théorisation de sa pratique. J’ai tout
5 Pierre-Michel MENGER,Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphose du capitalisme. Paris, Le Seuil /La République des Idées, 2002, p.9. 6  Yann TOMA, « L’Archipel Ouest-Lumière ou l’expérience du partage des polarités », retranscription de la conférence de Yann TOMA, dans le cadre du séminaire de l’Institut du TOUT-MONDE, Paris, Maison de l’Amérique Latine, 2009. Disponible sur : http://www.dailymotion.com/video/xb2kd4_conference-de-yann-toma-ouestlumier_news
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