« L apocalypse déçoit »
247 pages
Français

« L'apocalypse déçoit » , livre ebook

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247 pages
Français

Description

Cet ouvrage questionne le concept de déception. Le nucléaire a en effet emporté jusqu'à l'idée de fondement, exposant la raison à l'effondrement de son principe et subvertissant le programme rationnel de la modernité. La raison semble alors incapable de se soustraire au règne du simulacre. Face à la recrudescence des discours catastrophistes, il s'agira alors de « démystifier l'apocalypse ». Blanchot, Derrida et Levinas proposeront trois analyses qui semblent nous « dissuader » de penser le phénomène nucléaire selon le critère d'une vérité conventionnelle. Trois apologies paradoxales qui élèvent le désastre nucléaire au rang de principe « d'époque », et exposant ainsi la pensée à un « dessaisissement » qui s'avère essentiel à son renouveau.

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Informations

Publié par
Date de parution 25 février 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140143625
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Yves Gilonne
« L’APOCALYPSE DÉÇOIT » Blanchot, Derrida, Levinas : penser le désastre à l’ère atomique
OUVERTURE PHILOSOPHIQUE DÉBATS
«LAPOCALYPSE DÉÇOIT»
Collection « Ouverture philosophique » Série « Débats » dirigée par Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. La série « Débats » réunit des ouvrages dont le questionne-ment et les thématiques participent des discussions actuelles au sujet de problèmes éthiques, politiques ou épistémologiques. Déjà parus Henri DE MONVALLIER, Nicolas ROUSSEAU,La phénoménologie des professeurs. L’avenir d’une illusion scolastique, 2020. Jean-Marc ROUVIÈRE,Au-devant de soi. Esquisses vers une philosophie de l’anticipation, 2019. Béatrice CANEL-DEPITRE,Homme/animal, Destins liés, 2019. Benoît BOHY-BUNEL,Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire, 2019. Gérard GOUESBET,Violences des Dieux, 2019.
Yves Gilonne « L’Apocalypse déçoit » Blanchot, Derrida, Levinas : penser le désastre à l’ère atomique
© L’HARMATTAN, 2020 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr/ ISBN : 978-2-343-19020-4 EAN : 9782343190204
Pour Christopher Johnson
Raison de l’apocalypse
I Apologies : du désastre
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(En guise d’avertissement) APOLOGIEn.f est emprunté à laAPO-, premier élément de motsAPOLOGY, early 15c., "defense, même époque queapologue(1488) au empruntés au grec, souvent par le justification", from Late Latinapologia, latin ecclésiastiqueapologia, grec from Greeklatin tardif, notamment apologia"a speech in apologiaecclésiastique ou juridique, ou defense", from, appliqué à des discours de apologeisthai"to speak défense, à des plaidoiries. En français, formés dans une langue moderne. in one's defense", fromapologos"an le mot se dit d’abord d’un discours deApo-account, story", from, préposition et préverbe grec, a apo-"away from, défense, d’une justification, en droit et les valeurs d’« éloigner, écarter » off" +logos"speech". The original en religion, puis (1762) d’une (d’où « extrême »), de « rendre », ou English sense of "self-justification" justification de quelque nature que ce encore évoque l’aboutissement d’un yielded a meaning "frank expression soit. Le sens a glissé au XIXe siècle processus ; il peut enfin avoir une of regret for wrong done", first 1 vers l’idée d’éloge. valeur négative. C’est une forme recorded 1590s, but this was not the indo-européenne (cf. sanskritapa) ; il main sense until 18c. Johnson's correspond au latinabdefines it as "Defence;(-à) dictionary APOLOGUEn.m. est emprunté excuse", and adds "Apologygenerally (v1470) au latinapologus, terme signifies rather excuse than littéraire, lui-même du grecapologosvindication, and tends rather to « récit détaillé, fable », deapoet de extenuate the fault, than prove logos(-logique), du verbelegein. innocence" which might indicate the path of the sense shift.
2 «L’Apocalypse déçoitOn voudrait ici anticiper le dénouement afin de. » prévenir le lecteur de la déception à venir, en lui annonçant d’ores et déjà que nous nemanquerons pas de décevoir, pour le dissuader de desceller les sept sceaux d’un livre qui n’aura eu de cesse que de révéler la fin de toute révélation ; geste auto-destructeur qui, en commençant par la fin, risque d’en finir par ne pas commencer ; approche proprement « apocalyptique » dans la mesure où elle suspendrait (apo-) toute dissimulation (kaluptein,
1 Alain Rey (dir.),Dictionnaire Historique de la langue française(Paris, Le Robert, 2012). Toutes nos références étymologiques sont tirées de cet ouvrage, sauf précisions de notre part. 2 Maurice Blanchot, « l’Apocalypse déçoit », dansL’AmitiéGallimard, 1971), (Paris, pp. 118-127.
I/Apologies : du désastre
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couvrir,cacher), non pas pour mieux révéler, mais peut-être en renonçant à se cacher derrière la promesse illusoire d’un secret décisif : «no revelation, 3 not now» ; peut-être même jamais si l’on s’attend ici, comme ailleurs, à l’entame d’une vérité ultime.
Déception puisque nous ne ferions qu’accélérer le désastre d’une mise en abîme sans fin qui s’annulerait dans la plate répétition d’une même question, celle de Derrida, reprenant Blanchot : «mais que fait alors celui qui vous dit : moi je vous le dis, je suis venu vous le dire, il n’y a pas, il n’y a jamais eu, il 4 n’y aura pas d’apocalypse, ‘‘l’apocalypse déçoit’’ ? Il y a l’apocalypse sans apocalypse» ; geste escamotant et illusoire d’une apocalypse qui s’abîme dans la coupe du «sans» et le redoublement d’un même terme qui inviterait en vain à entendre une éventuelle différence tonale qui en fixerait le sens et arrêterait le mouvement de réversibilité sans fin entre apocalypse et apocalypse ; comme s’il fallait voir en l’apocalypse un faux-ami (pourtant bien familier) oscillant, l’espace d’un instant, entre les sens de catastrophe et de révélation avant de s’éteindre dans l’indifférence de tous les mouvements enapo-– préfixehésitant lui-même entre « mise à l’écart, éloignement » et réalisation, « aboutissement d’un processus », dans l’effacement des traces de sa propre (in)opération.
Déception aussi dans la mesure où l’on pourrait être tenté de voir dans les flexions enapo-, le cœur nucléaire des questions propres à notre ère atomique qui s’articulent autour d’une accélération des discours sur la fin (mise à l’écart, éloignement), voire de la fin de la fin (aboutissement) ou du fin du fin (autoréflexivité d’une écriture multipliant les tournures palliatives à son vide constitutif) dans un simulacre de réaction en chaîne que certains jugeront dévastateur. Ainsi Jean-François Mattéi, dans L’Homme dévasté,essai sur la déconstruction de la culture, dénonce (derrière l’exemple privilégié de Derrida) ce qu’il considère comme l’effet destructeur de toute une génération de penseurs que l’on regroupe (de
3 Nous réapproprions ici le titre du principal article de Derrida sur la question du nucléaire. Jacques Derrida, « No apocalypse, not now ; à toute vitesse, sept missives, sept missiles », dansPsyché, Inventions de l’autre(Paris, Galilée, 1987), pp. 363-386. 4 Derrida,D’un ton apocalyptique adopté naguère en philosophie(Paris, Galilée, 2005), p. 96.
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