L idéologie du progrès dans la tourmente du postmodernisme
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Description

Les articles rassemblés dans cet ouvrage sont le fruit d’un colloque multidisciplinaire, dont l’ambition était de s’interroger sur la notion de « progrès », mise à mal par la postmodernité et perçue de façon plurielle, dans un monde de plus en plus globalisé.

L’idéologie du progrès, centrée autour de l’essor des sciences et des techniques – comprenant le développement économique et social, l’affirmation d’un certain nombre de libertés et de droits fondamentaux –, est, en effet, fréquemment remise en question, tout comme sa volonté universaliste. Pour comprendre cette situation, il a semblé utile de retracer son évolution, d’en dégager les valeurs et de comprendre les reproches dont elle fait l’objet. Les contributions d’auteurs d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique permettent également d’entrevoir le sens qu’est donné à l’idée de « progrès » dans des contextes non occidentaux.

Le doute dans le progrès, cette « tourmente » postmoderniste, mérite également qu’on en esquisse l’origine et l’histoire, à travers des domaines de recherche extrêmement variés. Mieux comprendre ce concept pourra, peut-être, aider à trouver les pistes d’un souffle nouveau en faveur du progrès.

Édité par Valérie André, Jean-Pierre Contzen et Gilbert Hottois

Contributions de Valérie André, Jean Bricmont, Sylvie Brunel, Christovam Buarque, Jean-Pierre Contzen, Édouard Delruelle, Michel Draguet, Guy Haarscher, Gilbert Hottois, Étienne Klein, Jean-Noël Missa, Jorge Morbey, Philippe Nemo, Pascal Nouvel, Lazare Poamé, Rudy Steinmetz, André Syrota

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 24
EAN13 9782803103010
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'IDÉOLOGIE DU P ROGRÈS DANS LA TOURMENTE DU P OSTMODERNISME
L'idéologie du progrès dans la tourmente du postmodernisme
Actes du colloque des 10, 11 et 12 février 2012, organisé au Palais des Académies, à Bruxelles par l'Académie royale de Belgique
Édité par Valérie ANDRÉ – Jean-Pierre CONTZEN – Gilbert HOTTOIS
Contributions de Valérie ANDRÉ – Jean BRICMONT – Sylvie BRUNEL – Cristovam BUARQUE – Édouard DELRUELLE – Jean-Pierre CONTZEN – Michel DRAGUET – Guy HAARSCHER – Gilbert HOTTOIS – Étienne KLEIN – Jean-Noël MISSA – Jorge MORBEY – Philippe NEMO – Pascal NOUVEL – Lazare POAMÉ – Rudy STEINMETZ – André SYROTA
Académie royale de Belgique
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN 978-2-8031-0301-0 © 2012, Académie royale de Belgique
Collection Actes de colloque Mémoires de la Classe des Lettres, Collection in-4°, série IV tome II N° 2088
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
L'Aurore - Editions numériques rue de Verlaine, 12 - 4537 Seraing-le-Château (Belgique) contact@laurore.net www.laurore.net
Informations concernant la version numérique ISBN 978-2-87569-013-5
A propos L’Aurore est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
GILBERT HOTTOIS
Préface
L’idéologie du Progrès s’exprime souvent aujourd’hui plus franchement dans et à propos des «pays en voie de développement» que dans le monde occidental. Au sein de ce dernier, l’élite dirigeante semble privilégier le vocabulaire du «Changement» et de l’«Innovation» de préférence à celui du Progrès, comme si l’on ne savait plus très bien dans quel sens avancer. Changements et innovations ne constituent pas nécessairement des progrès. Ils font penser aux «petites variations» laissées à la sélection par le milieu qui scandent l’évolution darwinienne qu’aucun finalisme n’oriente: un paradigme qu’un précédent colloque de l’Académie a 1 exploré . L’ambition du colloqueL’idéologie du progrès dans la tourmente du postmodernisme, dont les contributions sont recueillies dans le présent volume, était d’éclairer, en informant et en discutant, une problématique qui n’a cessé de rebondir depuis les lendemains de la Seconde e Guerre mondiale et tout au long de la seconde moitié du XX siècle: qu’en est-il des valeurs de la Modernité – et plus particulièrement de l’idée de progrès – dans un monde de plus en plus globalisé que d’aucuns décrivent ou souhaiteraient décrire comme «post-moderne», et que recouvre une telle étiquette? Dans l’invitation envoyée aux conférenciers, cette interrogation générale était explicitée par une série de questions plus précises. Que sont historiquement et actuellement ces valeurs modernes? Qu’est-ce que l’idéologie du progrès, présentée comme typiquement occidentale et revendiquant une portée universelle, centrée autour de l’essor des sciences et des techniques, comprenant le développement économique et social ainsi que l’affirmation d’un certain nombre de libertés et de droits fondamentaux? Comment cette idéologie a-t-elle résisté et évolué dans le contexte de la mondialisation placée sous le signe de l’économie de marché et, plus généralement, sous l’effet des traumatismes et e remises en question du XX siècle: les deux guerres, le racisme, la décolonisation, le post-colonialisme et le néo-colonialisme, la guerre froide, les revendications féministes, homosexuelles, ethniques minoritaires, les problèmes environnementaux et interrogations bioéthiques, la démographie et les flux migratoires, les alter-mondialismes, les multiculturalismes, communautarismes et fondamentalismes, les dérives financières, etc.? En quoi et pourquoi cette idéologie peut-elle ou doit-elle être (ré)affirmée au début du troisième millénaire? Quels sont ses nouveaux visages, aussi du point de vue des cultures non occidentales? L’explicitation critique de la notion vague de «postmodernisme» constituait l’autre enjeu central du colloque. Il s’agissait de retracer son origine dans le domaine des arts et de l’esthétique ainsi que les significations associées à sa reprise par des philosophes et des spécialistes des sciences humaines d’abord en Europe et aux États-Unis, mais aussi hors du monde occidental. Banalisé, le postmodernisme est une nébuleuse tendant à rassembler bon nombre des critiques adressées à la Modernité et à l’idéologie d’un Progrès universel et univoque comme cadre historique ultime de légitimation (la notion de «Grand Récit»), dont il vise à déconstruire certaines
valeurs et significations fondatrices. Il n’hésite pas pour ce faire à désigner et à utiliser les e crises, drames et interrogations du XX siècle énumérés ci-dessus. Distinguer parmi ces critiques quelles sont celles qui sont en tout ou en partie justifiées de celles qui sont fausses, simplistes, caricaturales ou excessives et abusives, était une des sources principales d’inspiration du colloque et de sa volonté de clarification. L’ambition était de dégager ainsi une conception enrichie et actualisée de la Modernité et du Progrès, loin des simplifications caricaturales que les défenseurs de la Modernité et les partisans de la Postmodernité se sont mutuellement adressées. Ce vaste programme a-t-il été réalisé? À lire les riches contributions réunies dans ce volume, nous croyons pouvoir l’affirmer. La totalité des questions posées au départ de l’entreprise – et plusieurs autres qui n’étaient pas anticipées dans l’invitation initiale – ont été abordées, éclairées, discutées. La plupart l’ont été à partir de disciplines et de perspectives différentes complémentaires: philosophie, histoire, critique littéraire et culturelle, esthétique, sociologie, politologie, économie, sciences physiques et biologiques, médecine, sciences de l’ingénieur… Points de vue d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud… Tous ces regards érudits et critiques se sont exprimés et ont suscité questions et débats de la part des auditeurs. Est-il possible de dégager d’une discussion aussi étendue et diverse, une ligne dominante? Nous pensons que oui et proposons de la formuler de la manière suivante. En tant qu’idéaux, les valeurs de la Modernité qui promeuvent les possibilités d’épanouissement de chaque individu dans le respect d’autrui n’ont pas failli et ne sont pas à abandonner. Ce qui se rassemble sous l’appellation «postmoderne» ne doit pas être compris comme l’indication d’un âge qui tournerait la page de la Modernité. La nébuleuse postmoderne est une mine pour un accompagnement diversifié et critique de la Modernité. Cette nébuleuse n’est pas étrangère ou externe à la Modernité, car cette dernière est historiquement et constitutivement réflexive et autocritique. Le postmoderne comprend un ensemble de questions et de défis principalement venus de la complexification de l’âge moderne qui a connu la réalisation partielle des valeurs et idéaux de la Modernité ainsi que sa mondialisation. Nous sommes à l’âge de la Modernité complexe et incertaine, bien loin de la naïveté de sa naissance, une vision simplificatrice et présomptueuse qui s’est prolongée jusqu’au milieu du e XX siècle. Du sein de cette complexité qu’alimentent les sciences, les techniques et les cultures toujours en mouvement, il n’est pas aisé de projeter prospectivement un futur de progrès pour toute l’humanité, dont il serait en outre possible de déjouer pro-activement les pièges. Malaisé mais non impossible. Le savoir, la volonté bonne et la chance en sont les acteurs imparfaits.
1L’évolution aujourd’hui à la croisée de la biologie et des sciences humaines, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2009.
MICHEL DRAGUET Directeur général des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Professeur à l’Université libre de Bruxelles, Membre de l’Académie royale de Belgique
Modernité, avant-garde et postmodernité : une trilogie à perpétuellement redéfinir
La modernité et ses multiples avatars constituent en soi un champ d’investigation infini qui mobilise l’ensemble des disciplines en d’inépuisables débats, qui révèlent davantage l’état d’esprit de leurs auteurs, que la réalité du monde dans lequel nous évoluons depuis plus d’un siècle. La multiplicité des approches ne simplifie pas le débat selon qu’on l’aborde du point de vue esthétique ou de celui des sciences ; de celui de la philosophie ou de la politique. Concept mouvant, la modernité recouvre des champs d’application qui en conditionnent l’acception. Limitée à la création artistique, notre approche entend cerner la question dans un registre qui e fut peut-être fondateur au XX siècle. Ainsi, les artistes russes réunis en groupuscules d’avant-garde dès 1904 se considéraient-ils comme les pionniers d’une révolution qui, après une 1 première tentative en 1905, devait changer la face du monde dix ans plus tard . Révolution à laquelle ils prirent part et qu’ils accompagnèrent, de Kandinsky à Malévitch, de Tatline à Rodtchenko, en transformant l’utopie artistique en agent d’un progrès économique, culturel et social dont l’issue sera néanmoins fatale aux idées que défendait cette avant-garde. Définir un point de départ trahit d’emblée le parti pris défendu. Partir de la Révolution – et 2 T.J. Clark partira pour sa part duMarat assassinéDavid – invite d’emblée à lier la de perspective artistique à son accomplissement social : dans, par et pour la société. Si cette e perspective recoupe clairement la dynamique des avant-gardes depuis la fin du XIX siècle, e elle induit un glissement de sens de la modernité telle qu’elle est apparue au XIX siècle et telle que Baudelaire, le premier, en offre une définition.
La modernité : une invention baudelairienne ?
Déployée en poétique, la conception baudelairienne constituera le socle d’une perception du 3 moderne comme le temps de la rupture . Elle incarne une position de révolte du sujet ramené à lui-même contre l’ordre social qui prolonge une illusion de puissance qui fonde l’humanité et qui se heurtera au fil du siècle aux révélations de la science : l’homme n’est pas au centre de l’univers comme l’a découvert Galilée ; il ne constitue pas la finalité de la création comme le 4 révèle Darwin et il n’est même pas maître de sa vie intérieure comme le démontrera Freud . Triple frustration qui en même temps émancipe l’homme moderne laissé à sa seule raison agissante. L’héritage de la Renaissance constituera donc un bagage en même temps qu’un fardeau : il met en place une dynamique à laquelle nous nous rapportons toujours avec son temps perçu comme infini et irréversible tout en consacrant une tradition vis-à-vis de laquelle le mot d’ordre sera la rupture. Crise de la tradition essentiellement conditionnée par l’assurance désormais acquise d’opérer dans un cadre historique et naturel que seule la raison est capable
5 de structurer, et donc, de représenter. Comme l’a montré Giulio Carlo Argan , l’invention pour ainsi dire simultanée de l’histoire et de la perspective répondit à cette nécessité d’organiser le temps et l’espace à la mesure de l’esprit humain. Le mot d’ordre moderniste de rupture a donc été largement nourri par l’exigence d’abolir l’autorité traditionnelle dont leTractatus theologico-philosophicusde Spinoza reste sans doute comme un des actes fondateurs. De là aussi, sans doute, cette conception typiquement occidentale qui confèrera aux modernes une supériorité en regard des anciens. Supériorité étroitement liée à l’exigence de 6 progrès qui glisse de l’utopie au projet politique . Une précision s’impose. À la nouveauté qui 7 a toujours existé comme surprise, comme surgissement de l’inattendu ou comme originalité , succède une esthétique du changement fondée sur la négation. Il n’est plus question d’instaurer un dialogue avec la tradition et, à travers elle, avec l’ordre établi. La nouveauté ne relève plus d’un processus de « carnavalisation » du monde qui opère dans un va-et-vient constant de la 8 marge au respect de la tradition . Entendue comme rupture, la modernité se fonde sur une altérité irréductible qui récuse l’ordre social. Cette dialectique ne s’éteindra pas instantanément. Ainsi, telle que Baudelaire la définit, la « double nature de la modernité » témoigne de la part de traditionalisme qui travaille le flâneur entièrement absorbé dans 9 l’instant présent . Dans le débat aigu qui, jusqu’à Baudelaire, opposera anciens et modernes, ceux-ci, tout en initiant des genres nouveaux qui répondent à leur conscience du présent (opéra, roman, poème en prose...), conservent le principe d’une perfection intemporelle désormais inaccessible. e Largement tributaire du schéma académique qui depuis le XVI siècle situe l’idéal artistique dans des réalisations passées qui ne peuvent être égalées mais seulement prolongées, la relativité désormais imposée au beau va permettre de coloniser ce dernier sur le mode de l’identité nationale développée en fonction de l’histoire. Le romantisme marquera en profondeur cette acception de la modernité qui fonde sa propre tradition sur ce besoin viscéral d’altérité. L’homme ne dispose plus de cet idéal intemporel qui, avec le classicisme, lui offrait de transcender le temps. Il vit le temps comme une menace et l’histoire comme un principe par nature interdit d’achèvement. Si ce fantasme classique refleurira régulièrement comme un antidote aux temps de crise, l’esthétique moderne fondée sur sa mystique des ruptures et sur son recommencement incessant ne semble à d’aucuns concevable qu’à partir du moment 10 fondateur que sera pour la culture européenne la Révolution française . D’emblée, la réalisation du projet moderniste induit une liaison indéfectible de l’esthétique, de l’éthique et du politique que nombre de modernes refuseront d’associer, formant à partir de la critique baudelairienne du progrès ce qu’Antoine Compagnon a qualifié, avec un bonheur relatif, les « 11 Antimodernes » . Pour Baudelaire, l’évanescence du beau dans l’instant relève à la fois de la 12 griserie de cette mode à laquelle Mallarmé sacrifiera à son tour et de la perte de toute durée définitive. Elle ne peut dès lors connaître d’extension sociale et politique. Appelée à incarner le présent et promise à devenir dans l’avenir son propre classicisme, la modernité apparaît d’emblée sous une forme paradoxale : tout en magnifiant l’instant présent au sein duquel elle se réalise, sa perception relève d’un décalage temporel qui permet à l’artiste de se poser en visionnaire sinon en initié. Un écart oppose désormais le présent de la création moderne de celui de sa réception, qui relève d’un schéma évolutif qu’on qualifiera de futuriste pour brouiller le discours en introduisant un concept d’avant-garde : la rupture posée ne pourra être investie de sa signification historique qu’une fois défini l’objet de sa rupture et réalisée l’alternative annoncée. Un autre classicisme s’esquisse qui ne relève plus d’une perfection soustraite aux effets du temps, mais, comme l’a montré Jauss, s’érigera en un répertoire de formules éprouvées par une succession d’instants présents qui constitue ce passé et se voit 13 investie du prestige désormais lié au travail de mémoire propre à l’histoire . La critique d’art de Baudelaire s’articule largement autour de cette poétique de l’instant
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