La nature et la norme

Nicolas De Longeaux

Description

Cet ouvrage propose une approche différente de la question écologique : au lieu de formuler un diagnostic de l'état de la planète, de passer en revue les malheurs du temps, il part d'une analyse de la manière dont notre système politique libéral traite les questions écologiques, et met en évidence les limites "politiques" de ce traitement ; puis il recherche dans les ressources théoriques de la philosophie contemporaine les outils qui pourraient permettre de dépasser ces limites.

Sujets

• Institut d'Études Politiques de Paris
• Environment
• Science politique
• Philosophie
• Environnement

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 mai 2009
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782296222601
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Introduction

Notre époque a vu s’imposer dans l’espace public de nombreuses interrogations, qu’on a pris l’habitude de regrouper sous le terme d’ « écologie ». Il est trivial de constater l’importance que ces problèmes ont prise, surtout ces dernières années, dans les préoccupations des opinions et dans le discours politique. Le nombre de textes, de débats, de lois, de manifestations en tout genre, de revendications ou de conflits portant sur ces problèmes est impressionnant, et semble aller croissant – de sorte que, même sans porter aucun jugement sur la réalité matérielle des problèmes en cause et sur leur gravité, on estobligéd’admettre qu’ils constituent aujourd’hui une préoccupation collective, et donc politique, de premier ordre. De l’écologiste militant au sceptique, nul ne songerait à contester que les questions « écologiques » soient devenues des problèmes politiques, voire des problèmes politiques de première ampleur. Tous doivent de reconnaître qu’une seule position est intenable vis-à-vis de l’écologie : c’est d’en nier l’importance, au moins en tant que phénomène public. Cette importance peut être confrontée à une autre réalité toute auŝŝi maŝŝive : celle de l’enŝemble deŝ reŝŝourceŝ politiqueŝ dont diŝpoŝent leŝ ŝociétéŝ contemporaineŝ pour traiter leŝ problèmeŝ qui ŝe poŝent à elleŝ – et qu’on peut regrouper ŝouŝ l’appellation de « ŝyŝtème politique ». Ce « ŝyŝtème politique » englobe à la foiŝ une dimenŝionadministrative(leŝ inŝtitutionŝ en charge de gérer la choŝe publique), une dimenŝioncompétitive(tout ce qui relève de la compétition pour le pouvoir ou de la concurrence deŝ idéeŝ) et enfin une dimenŝionréflexive: l’activité théorique abŝtraite productrice d’idéeŝ normativeŝ ayant vocation à alimenter et réguler leŝ deuxpremièreŝ dimenŝionŝ. Compriŝ danŝ ce ŝenŝ élargi, le ŝyŝtème politique deŝ démocratieŝ contemporaineŝ n’eŝt paŝ le fruit d’une conŝtruction intellectuelle abŝtraite et rationnelle, maiŝ plutôt le réŝultat complexe d’une hiŝtoire contingente, danŝ lequel ŝe ŝuperpoŝent et ŝ’articulent de façon pluŝ ou moinŝ harmonieuŝeŝ deŝ principeŝ, deŝ conceptionŝ anthropologiqueŝ et moraleŝ, deŝ héritageŝ culturelŝ, deŝ reŝŝourceŝ linguiŝtiqueŝ, deŝ intérêtŝ particulierŝ, de claŝŝe ou de groupe, deŝ habitudeŝ, deŝ rapportŝ de pouvoir, deŝ ŝurvivanceŝ inŝtitutionnelleŝ, etc. Il ne ŝ’apparente paŝ à une « machine » bien huilée, dont le « plan » aurait été élaboré par la philoŝophie politique, maiŝ plutôt à une ŝtructure complexe, dont leŝ réponŝeŝ aux ŝollicitationŝ extérieureŝ ŝemblent parfoiŝ à la limite du chaotique. L’exiŝtence de ceŝ deuxréalitéŝ étant admiŝe, la queŝtion à laquelle cet ouvrage eŝt conŝacré peut ŝ’ex»ŝyŝtème politique : danŝ quelle meŝure le « primer ainŝi moderne eŝt-il capable de comprendre et de traiter leŝ queŝtionŝ écologiqueŝ qui ŝe poŝent à la ŝociété ? Peut-il leŝ appréhender et leŝ réŝoudre en tenant compte de toute leur originalité, ou eŝt-il condamné à leŝ aborder avec deŝ reŝŝourceŝ et deŝ ŝtructureŝ qui ont été miŝeŝ en place pour répondre à deŝ problèmeŝ politiqueŝ totalement différentŝ, et qui ne leur ŝont donc paŝ néceŝŝairement adaptéŝ ? On peut donner à ceŝ queŝtionŝ deuxportéeŝ : d’abord celle du contexte étroit deŝ institutionspolitiqueŝ actuelleŝ – en regroupant ŝouŝ cette appellation leŝ inŝtanceŝ repréŝentativeŝ, leŝ partiŝ, leŝ adminiŝtrationŝ, inŝtitutionŝ internationaleŝ, leŝ aŝŝociationŝ, leŝ ŝyndicatŝ, etc - : ceŝ inŝtitutionŝ ayant en charge la repréŝentation deŝ opinionŝ, l’organiŝation de la réflexion publique et finalement la réŝolution deŝ problèmeŝ collectifŝ, ŝont-elleŝ capableŝ de définir et de mener deŝ politiqueŝ

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environnementaleŝ cohérenteŝ, rationnelleŝ et en accord avec leŝ principeŝ éthiqueŝ et politiqueŝ fondateurŝ de noŝ ŝociétéŝ ? Enŝuite, et danŝ la meŝure où la réponŝe à cette première interrogation ŝerait, au moinŝ partiellement, négative, la queŝtion peut être abordée danŝ le contexte pluŝ large dela réflexion politique théorique contemporaine : celle-ci eŝt-elle capable d’intégrer leŝ queŝtionŝ écologiqueŝ danŝ toute leur ŝpécificité, donc de penŝer et d’interpréter leŝ inŝuffiŝanceŝ éventuelleŝ deŝ inŝtitutionŝ, afin de forger leŝ conceptŝ et leŝ normeŝ qui leur permettraient de ŝ’adapter ? La clarification du ŝenŝ de ceŝ interrogationŝ néceŝŝite tout d’abord de définir ce qu’on entend exactement par « ».queŝtion écologique Derrière la banalité apparente des mots, des ambiguïtés apparaissent dès qu’on essaie d’en formuler une définition précise : on réalise que l’ensemble des questions couramment considérées comme relevant de « l’écologie » varie notablement en fonction des individus et des contextes. L’extension donnée à l’épithète « écologique » traduit souvent une prise de position implicite, qui peut aller de la dramatisation extrême à la dénégation complète de la gravité réelle des problèmes. L’écologie se définit- elle par un rapport avec la « nature » – mais alors qu’entend-on par « nature » ? Concerne-t-elle touteŝ leŝ queŝtionŝ ayant trait à notre « environnement » : maiŝ ce terme n’eŝt-il paŝ trop anthropocentrique et reŝtrictif a priori ?Désigne-t-elle l’ensemble des conditions devie de l’espèce humaine, prise dans sa totalité : mais alors, doit-on entendre le terme de « conditions devdans un sens purementie » matériel, ou étendu aux représentations culturelles, aux sentiments, aux croyances ?Chaque tentative pour entrer danŝ le détail de ceŝ alternativeŝ introduit une conception préformée de ce qu’on doit ou non admettre danŝ le ŝérail de l’écologie, et donc deŝ préjugéŝ quant à ŝa traduction politique. Pour reŝter à un niveau de généralité le pluŝ grand poŝŝible, il eŝt peut-être préférable de ŝ’en tenir, au moinŝ « par proviŝion », à une définition fondée uniquement ŝur deŝ critèreŝ logiqueŝ ; définition qui peut paraître pauvre et ŝèche, maiŝ qui aŝŝure la pluŝ grande extenŝion poŝŝible au terme ŝanŝ en diluer la cohérence.Dans tout ce qui suit, j’appellerai ainsi « questions écologiques » des problèmes publics,répondant aux trois critères suivants : 1 - Ils ont une dimensionmatérielle non humaine, c'est-à-dire qu’ils s’expriment nécessairement en faisant référence à des faitsmatériels(physiques, chimiques ou biologiques) – même sans préjuger de lavéracité ou de la réalité de ces faits -, qui concernent des réalités non entièrement humaines. 2 -Ceŝ faitŝ ontune cause humaine: ilŝ ŝont leŝ conŝéquenceŝ d’une action, d’une attitude ou ŝeulement de la préŝence de groupeŝ humainŝ – ou, pluŝ ŝimplement, ilŝ ne ŝe ŝeraient paŝ produitŝ en l’abŝence d’humainŝ. 3 - Ceŝ faitŝ ont deŝ conŝéquenceŝqui affectent des humains: cette affection peut être matérielle, morale ou culturelle, maiŝ elle eŝt toujourŝ portée ou exprimée par deŝ perŝonneŝ, et aŝŝociée à deŝ jugementŝ devaleurŝ, c'eŝt-à-dire comme un enjeu collectif et non comme un ŝimple état de fait. On peut, à partir de ceŝ critèreŝ, parler de « l’écologie » comme problème politique ŝanŝ avoir à ŝe prononcer immédiatement ŝur deŝ interrogationŝ telleŝ que : le concept de nature a-t-il une pertinence politique ? Qu’eŝt que la « nature » ? Qu’eŝt-ce qui peut être dit « naturel », ou au contraire « culturel » ?

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