Le soi, le temps et l autre
234 pages
Français

Le soi, le temps et l'autre , livre ebook

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Description

La temporalité est ce flux de conscience qui "modifie" tout donné dans un projet signifiant paramétré par une mémoire. Par cette modification tout individu vivant ou "monade" met en oeuvre à sa mesure l'ingénierie du Désir, mais seul l'homme peut s'engager à être un soi selon une résolution convaincue. C'est l'expérience intime de sa "chair" qui l'ancre dans la durée de cet effort vers une puissance d'agir optimale.

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Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 49
EAN13 9782296530683
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

24 € ISBN: 978-2-296-99836-0
Jean-Pierre COUTARD
LE SOI, LE TEMPS ET L’AUTRE
Autour de Husserl, Maine de Biran et Ricœur
Commentaires
philosophiques
Le soi, le temps et l’autre
Commentaires philosophiques Collection dirigée par Angèle Kremer Marietti et Fouad Nohra  Permettre au lecteur de redécouvrir des auteurs connus, appartenant à ladite “histoire de la philosophie”, à travers leur lecture méthodique, telle est la finalité des ouvrages de la présente collection.  Cette dernière demeure ouverte dans le temps et l’espace, et intègre aussi bien les nouvelles lectures des “classiques” par trop connus que la présentation de nouveaux venus dans le répertoire des philosophes à reconnaître.  Les ouvrages seront à la disposition d’étudiants, d’enseignants et de lecteurs de tout genre intéressés par les grands thèmes de la philosophie. Déjà parus Hichem GHORBEL,Etudes sur le XVIIIe siècle : Montesquieu et Rousseau ou les conditions de la liberté, 2013. Aristide NERRIÈRE,Métaphysique pour un nouvel existentialisme, 2013. Michèle PICHON,Gaston Bachelard, L’intuition de l’instant au risque des neurosciences, 2012. Guy-François DELAPORTE (traduction de),Métaphysique d’Aristote, Commentaire de Thomas d’Aquin, Tome II, 2012. Guy-François DELAPORTE (traduction de),Métaphysique d’Aristote, Commentaire de Thomas d’Aquin, Tome I, 2012. Babette BABICH, La fin de la pensée ? Philosophie analytique contre philosophie continentale, 2012. Angèle KREMER-MARIETTI,Les ressorts du symbolique, 2011. Emmanuelle CHARLES,Petit traité de manipulation amoureuse,2011. Monique CHARLES,Apologie du doute, 2011. Abdelaziz AYADI,La philosophie claudicante, 2011. Mohamed JAOUA,Phénoménologie et ontologie dans la première philosophie de Sartre, 2011. Edmundo MORIM de CARVALHO,Poésie et science chez Bachelard, 2010. Hichem GHORBEL,L'idée de guerre chez Rousseau. Volume 2, Paix intérieure et politique étrangère, 2010. Hichem GHORBEL,L'idée de guerre chez Rousseau. Volume 1, La guerre dans l'histoire, 2010. Constantin SALAVASTRU,Essai sur la problématologie philosophique, 2010. Angèle KREMER-MARIETTI,Nietzsche ou les enjeux de la fiction, 2009. Abdelaziz AYADI,Philosophie nomade, 2009. Stéphanie BÉLANGER,Guerres, sacrifices et persécutions, 2009. Jean-Jacques ROUSSEAU,Essai sur l’origine des langues, 2009. Jean-Jacques ROUSSEAU,Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes suivi de La reine fantasque, 2009.
Jean-Pierre COUTARD Le soi, le temps et l’autre
Autour de Husserl, Maine de Biran et Ricœur L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99836-0 EAN : 9782296998360
INTRODUCTION
« Une question se pose : qui est-ce ? Ce sont là des questions qui se posent souvent, dans la rue, aux esprits éveillés. »
Robert Musil,L’homme sans qualités.
« en soi le temps en général est donné comme forme nécessaire de l’existence individuelle et d’un « monde » individuel »
Husserl,Manuscrits de Bernau, n°5, 90, 92
Puisque notre entendement se nourrit essentiellement de ce que Spinoza nommait des « notions communes », notre tentative pour éclaircir ce qu’est lesoirisque fort de se solder par un échec, celui-là même que Karl Jaspers assumait pleinement dans sa philosophie existentielle. Mais l’effort pour exister ne se signe-t-il pas précisément chez le philosophe dans cette tentative d’éclaircissement ? En cela, nous autres philosophes, nous n’aurons pas tout perdu, même si la singularité dusoi traverse le tamis de notre réflexion. Mais pourquoi donc commencer celle-ci par le temps ?
On pourrait prétendre que le temps n’est rien d’autre que la forme selon laquelle apparaît ou se déploie la série des états matériels. Mais finalement, s’il en était ainsi, en considérant que ce cours-des-choses se suffit à lui-même comme tel, on pourrait très bien se passer du « temps » plutôt que d’en faire une sorte d’ombre portée de ce cours : s’il en est ainsi, les états de la matière, qu’elle soit organique ou non, s’enchaînent les uns aux autres selon les lois d’une nécessité sans finalité et « le temps » n’est finalement que le nom que nous donnons à cet enchaînement. Mais en est-il vraiment ainsi ? La question qui se pose à nous est bien celle-ci :une métaphysique est-elle possible ? Aussitôt on nous interrogera : qu’entendez-vous par
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« métaphysique » ? Nous nous contenterons de répondre en prenant le mot à la lettre : est « métaphysique » ce qui est à la suite de ou à côté de la physique (meta ta physica), au sens de ce qui s’en démarque (en effectuant un pas de côté) de telle façon que la physique ne puisse l’arraisonner, l’annexer en en rendant raison. Un tel pas de côté, une telle démarcation, sont-ils possibles ? C’est bien la question qui se pose à nous à partir de la notion de « temps » que nous venons de poser d’emblée. Si toute réalité se réduit aux états de la matière qui s’enchaînent, alors une métaphysique n’est pas possible et il est inutile de prolonger notre interrogation sur le temps, qui s’arrêtera à l’explication du « comment » de cet enchaînement. Si au contraire on ouvre la possibilité d’une métaphysique, alors la question du temps s’ouvre elle aussi et découvre un horizon presque sans fin vers lequel nous risquons fort de nous épuiser. Mais la pensée est peut-être bien par essence destinée à l’épuisement…
L’ « être-dirigé-vers quelque chose », autrement dit l’intentionnalitécomme activité propre à une « conscience », est l’expression d’une puissance propre à toute unité de vie, que nous nommerons «Désir», non pas comme un mode de l’activité intentionnelle parmi d’autres, mais comme ce qui faitla tension vers, l’ouverture de cette unité, à savoirla recherche de sa puissance d’agir optimale. Voilà l’ultime fondementmétaphysique qui soutient toute la réflexion qui va suivre.
Faire le pari de la possibilité de la métaphysique est sans doute risqué et nul doute qu’en insistant pour interroger le temps nous prenons déjà ce 1 risque. C’est que, comme le dit Heidegger , « la question portant sur l’essence du temps est l’origine de toutes les questions de la métaphysique ». Quelles sont ces questions ? Trouver ce qui est au centre ou l’essentiel d’une question c’est découvrir ce qui y est mis en jeu. Ce qui est mis en jeu dans toute question métaphysique et que la physique ne peut valablement arraisonner, comment pouvons-nous le découvrir ? Bergson peut nous mettre sur la voie : ce que les états matériels du cortex cérébral ne pourront jamais suffire à rendre intelligible, c’est la dynamique de lamémoire, dont ils sont les conditions mais non les principes. Mais ce n’est pas tout : plus de deux cents ans après leconatusde Spinoza, Bergson nous parle d’ « élan vital » ; nommons-le «désir»,ormèAristote, chez appetitus chez Leibniz au coeur des « monades ». Avec les monades nous y sommes précisément : ce qui est à l’articulation d’une mémoire et d’un désir c’est unesingularité, celle d’une unité de vie dont l’essence serait ledésir, si l’on en croit Spinoza parlant de l’homme ou si l’on en croit la définition la plus simple de la monade
1 Les concepts fondamentaux de la métaphysique, § 39.
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2 leibnizienne comme unitéappétitivo-perceptive en devenir . Une singularité, avons-nous dit, à savoir un individu vivant qui rassemble en son être-là ou existence l’esseulement et la finitude de son être-au-monde appétitivo-perceptif. Ainsi c’est l’être-soide cette singularité qui est mis en jeu au cœur de toutes les questions métaphysiques. Mais si la question du temps ouvre toutes ces questions, alors il faut donc commencer par le temps le questionnement vers cet être-soi : c’est au cœur de la « temporalité » que nous pouvons espérer trouver un être pour lesoi.
Ce n’est pas seulement avec la temporalité de la personne humaine que le soi; il y a déjà un s’affirme soila temporalité de toute unité de vie dans comme « conscience » c’est-à-dire activité appétitivo-perceptive, même si 3 celle-ci n’a rien de réflexif : en cela nous n’affirmerons pas d’emblée, comme le fait Ricoeur, « le primat de la médiation réflexive sur la position immédiate du sujet ». Lesoin’est pas le propre de l’homme, même si lesoihumain est bien différent de tout autre de par sa dimension réflexive et éthique. Lesoià la racine même de l’élan vital propre à toute s’inscrit monade ; il est la configuration temporelle que se donne une structure évaluatrice et protentionnelle de forces. Mais nous conclurons notre réflexion en rejoignant Ricoeur : cette structure trouve sa teneur la plus élevée dans cette forme proprement humaine de l’évaluation qu’est l’éthique.
Engager une interrogation sur l’êtresoitemporalité c’est comme nécessairement prendre le chemin de finitude, et sans en faire pour autant
2 Dans la réflexion qui s’engage, lesoidont nous parlerons n’est pas celui qui se recueillerait dans une « mémoire spirituelle », celle du pur souvenir, détachée de la puissance d’agir (vis activa» créateur deélan vital ) inscrite dans la « ». Nous pensons que l’ « réalité effective formes ne doit pas être détaché de cette puissance d’agir, car celle-ci n’est pas fondamentalement aliénée au seul principe de conservation et incapable de nous faire accéder au véritablesoi(au « moi profond »), mais au contraire elle s’inscrit dans un effort continu vers une affirmation optimale de cesoi, même si cet effort est nécessairement endigué, canalisé, circonscrit, et souvent même masqué, par des repères spatiaux et des lois de la matière. En cela nous ne sommes pas tout à fait bergsonien, si tant est qu’il faille comprendre Bergson (comme le fait notamment Cassirer) comme un tel philosophe de la mémoire contemplative ou « spirituelle », ce qui est douteux et mériterait une étude approfondie. 3  Nous utilisons ici le mot « conscience » non pour désigner l’agent d’une réflexion ou « conscience thétique », mais pour désigner celui d’uneintentionou « conscience de », en un sens suffisamment large pour qu’il puisse s’apparenter à celui de l’ « être-auprès-de » propre auDasein» ( chez cercle d’ouverture Heidegger, comme centre générateur d’un « Umkreis von Offenbarkeit). Il y avait dans lamonadeleibnizienne le prototype de cette source du sens, proton dektikon activitatis»point de vue orientée selon son « monde » , constitutive d’un « appétitivo-perceptif, que Leibniz a malheureusement fermée pour des raisons inhérentes à son « petit système » onto-théologique (voir à ce sujet notre ouvrage intituléLe vivant chez Leibniz, Paris, 2007).
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4 « le signe d’une infinitude usurpée » . Bien sûr « de la finitude font partie (…) l’absence de bases, le retrait de la base » ; aussi la « conscience en flux » (dont nous parlerons avec Husserl) ne pourra-t-elle pas restaurer le sujet substantiel cartésien, ni même le « Je pense » formel kantien : elle est embarquée dans la « modification » du temps. Mais ce n’est pas pour autant que nous donnerons le mot de la fin à Heidegger dénonçant « le dogme selon lequel l’homme individuel existerait pour lui-même en tant qu’individu (…) avec sa sphère propre (…) donné à lui-même », et proclamant que « l’humain, de par l’essence de son être, se tient toujours déjà dans un être-ensemble avec d’autres ». La ligne de partage des eaux ne se situe pas nécessairement entre un moi substantiel comme identité et une dissolution de l’individu dans leDaseinêtre-ensemble avec d’autres »). comme altérité (« 5 Il y a place pour unsoicommesingularité d’un devenir autre: cette altérité résolue, il ne la reçoit pas, elle ne lui est pas donnée par un simple être-ensemble, il se la donne, forgée par la « temporalisation ». Il est vrai que si nous n’étions pas « ensemble avec d’autres » nous ne serions jamais sur cette « pointe décisionnelle » où nous avons « à être », à rompre « l’ennui profond » dont nous parle Heidegger, mais c’est bien dans l’épaisseur de sa « durée » propre qu’un individu signe sa résolution originale, empreinte de sa finitude esseulée.
En partant de la réflexion husserlienne sur le temps, nous avons conscience d’emboiter le pas d’un philosophe pour lequel l’autosuffisance de l’ego a un caractère originaire et fonde la réduction de toute transcendance naturelle à une « conscience transcendantale » qui s’auto-explicite en toute réalité comme le sujet de toute connaissance possible. A partir de là le problème del’autre se dresse sur le chemin d’une telle philosophie, qui va jusqu’à réduire l’egoà la « sphère du propre » ou « sphère d’appartenance ». On sait que Husserl, dans la cinquième méditation cartésienne, s’efforcera de résoudre le paradoxe de la constitution en moi et par moi de l’autre en tant qu’autre, en recourant à la notion de « transfert (Uebertragung) aperceptif », compris comme une « saisie analogisante » de l’alter ego. Nous que notre réflexion conduira jusqu’à la question éthique, la question de l’autre dans la relation intersubjective finira également par nous assaillir. Mais puisque, au cœur même de notre interrogation éthique, nous continuerons de suivre le chemin tracé par une philosophie de la singularité et que celle-ci conduira le sujet à faire de « sa chair » le point de départ de sa relation à l’autre sujet, alors nous reconnaîtrons volontiers rétrospectivement que notre choix de
4  Heidegger, même texte, § 49 ; les formules citées immédiatement après sont également contenues dans le § 49. 5 C’est cette coupure entre identité (idemou « mêmeté ») et altérité que Ricoeur s’est efforcé de surmonter dans une affirmation de l’ipséité(ipse), contre les thèses réductionnistes anglo-saxonnes ; sa tentative est résumée dans le titre de son ouvrage :Soi-même comme un autre(Paris, 1990).
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Husserl n’était point mauvais ; car sa tentative pour donner à l’autre son statut par une sorte de transposition pré-catégorielle, pré-intellectuelle, fondée sur le pouvoir originaire de l’egode donner du sens, cette tentative a le grand mérite, d’une part, de mettre en exergue la vérité indépassable de l’asymétrie originaire de la relation à l’autresoi(« apprésenté », singulier comme le dit Husserl), d’autre part, de ne jamais faire d’une communauté dessoiun absolu, un nouveau sujet (en cela la démarche est opposée à celle de Hegel), mais seulement une multiplicité associative dessoi. Notre éthique reposera sur un tel fondement :l’autre soi m’est semblable en cela même qu’il m’est différent, c’est notre différence absolue qui fait notre « appariement » dans le respect, la reconnaissance et la solidarité.
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