Nombres et démonstratifs
195 pages
Français

Nombres et démonstratifs , livre ebook

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195 pages
Français

Description

Les pronoms sont les « fins mots » de la pensée philosophique. De manière discrète, ils en balisent tous les chemins, et tous les carrefours. L'analyse de leur structure, conjuguée à une lecture attentive des textes fondateurs, révèle les secrets de leurs potentialités spéculatives. L'enquête met en lumière le rôle crucial de ces pronoms démonstratifs (ceci, celui-ci, ce qui, etc.) et les nombres dans la naissance de la philosophie. Elle met ensuite en évidence le caractère et la fonction philosophiques du ça freudien.

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Date de parution 04 juin 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782140150845
Langue Français

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Extrait

Michel Pouille
NOMBRES & DÉMONSTRATIFS Les pronoms de la philosophie, 1
OUVERTURE PHILOSOPHIQUE DÉBATS
Collection « Ouverture philosophique » Série « Débats » dirigée par Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. La série « Débats » réunit des ouvrages dont le questionne-ment et les thématiques participent des discussions actuelles au sujet de problèmes éthiques, politiques ou épistémologiques. Déjà parus Vincent Davy KACOU,Paul Ricoeur, Pour une poétique d’éthique politique en Afrique,2020. Samuel MONTPLAISIR,La croyance et ses horizons normatifs, 2020. Jean-Marc ROUVIÈRE,Au-devant de soi. Esquisses vers une philosophie de l’anticipation, 2019. Henri DE MONVALLIER, Nicolas ROUSSEAU,La phénoménologie des professeurs. L’avenir d’une illusion scolastique, 2020. Béatrice CANEL-DEPITRE,Homme/animal, Destins liés, 2019. Benoît BOHY-BUNEL,Symptômes contemporains du capitalisme spectaculaire, 2019. Gérard GOUESBET,Violences des Dieux, 2019.
Nombres & démonstratifs
© L’Harmattan, 2020 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-19942-9 EAN : 9782343199429
Michel Pouille Nombres & démonstratifs Les pronoms de la philosophie, 1
Du même auteur
(aux Editions Comp’Act)
LES « FRAGMENTS » D’HÉRACLITE Traduction et présentation par Michel Pouille (édition bilingue,1994)
LA NATURE EN PEINTURE Cézanne & l’Art moderne, un point de vue topologique (essai, 1998)
LA PEINTURE LETTRÉE Pièges & chinoiseries(essai, 2004)
TOUT = 1
CECI ET CELA
LE « ÇA » D’UN PATIENT
(l’univers)
(la nature)
(la substance)
(la sensation)
LE « ÇA » DE GRODDECK
LE « ÇA » DE CEZANNE
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1, 2, 3, 4
CE EN QUOI
CE QUI
Sommaire
QU’EST-CE QU’UN PRONOM ?
CELUI-CI ET CELUI-LA
LE « ÇA » DE FREUD
PROLÉGOMÈNES
(la réalité)
(la cause)
(l’inconscient)
(la raison)
(la philosophie)
(la matière)
Lespronomsse trouvent au cœur de la pensée philosophique. Ils en constituent l’âme et la chair, l’ossature et la moelle. Percer leurs secrets revient à élucider le sens de toute quête spéculative. Telle est du moins l’intuition première à laquelle le présent ouvrage confie son développement.
L’idée, au demeurant, n’a rien d’une lubie particulièrement farfelue : un rapide survol des « grands classiques » suffirait à nous convaincre que le discours philosophique accorde effectivement un rôle central à certains pronoms, et ne cesse d’interroger la validité de propositions dans lesquelles ils figurent en bonne place.« Que suis-je ? », par exemple, constitue à l’évidence une question « typiquement philosophique », relative à la signification du pronomUn chienje. « est-il de même nature que moi ? »peut aussi en être une, par ricochet (elle fut posée par des maîtres bouddhistes).« Qu'est-ce qu’un chien ? », en revanche, relèverait plutôt de la zoologie – à moins de concentrer notre attention sur les trois pronoms (interrogatif, démonstratif et relatif) qui nous permettent de formuler une telle question.
On se doute bien que des concepts philosophiques tels que l’« âme », la « chose pensante », le « sujet cartésien », le « sujet » tout court, la « conscience de soi », l’« être pour soi » ou l’« être- là », se rattachent assez directement au champ sémantique dumoi– pour s’en tenir à cet exemple-là. En y regardant de plus près, nous verrions qu’ils furent bel et bien engendrés par la structure pronominale de la première personne du singulier : ils en dépendent, lui doivent la vie, et resteraient sans elle incompréhensibles. Mais cette évidente filiation semble souvent occultée, négligée, oubliée, ignorée ou désavouée, comme si un modeste pronom ne méritait pas de se voir conférer le titre de « concept fondamental ».
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Les motifs pour lesquels des pronoms se trouvent ainsi appelés à devenir, de manière plus ou moins consciente, plus ou moins délibérée, plus ou moins explicite, plus ou moins systématique, les foyers originels du mouvement spiralé d’une méditation philosophique, tiennent pour l’essentiel à une caractéristique dont nous pouvons déjà esquisser ici, très sommairement, la définition de principe : les pronoms marquent les points d’articulation décisifs du langage avec la réalité. Beaucoup d’entre eux, en effet, sont habituellement escortés d’un signe non linguistique (l’index, par exemple, pointé en direction de l’objet auquel se rapportera le démonstratifceci) qui en désigne le référent, et dont la mise en suspens libère l’essor d’une réflexion spéculative opposant l’universalité du concept véhiculé par le pronom (une chose quelconque ainsi montrable) à la singularité de la chose effectivement montrée (cette chose-ci et aucune autre). Une telle opposition constitue en effet, à en croire Hegel, l’élément originel dans lequel se meut la pensée philosophique.
La tâche à réaliser ici consistera donc, après avoir grossièrement défini la nature des pronoms en général, à préciser les caractères particuliers de chacun d’entre eux, et à repérer la position qu’il occupe à l’intérieur du texte philosophique. Il s’agira d’y apprécier le décalage qui sépare son usage philosophique de son usage ordinaire, et de voir où et quand, pourquoi et comment s’effectue cet « écart de langage », ce « pas de côté », ce « premier pas » que doit faire la pensée pour s’engager sur de nouveaux chemins. Nous verrons alors que l’analyse des pronoms finit par recomposer en majeure partie, sinon en quasi totalité, le tissu philosophique dont elle aura patiemment suivi et déplacé chaque fil, défait ou refait chaque nœud – jusqu’à en redessiner les contours, à en modifier la texture, et à en changer la coloration.
Que la pensée puisse être d’abord une expression de la langue (bien plutôt que celle-ci une expression de celle-là), et une exploration des structures à l’intérieur desquelles, bon gré mal gré, elle ne cesse de se mouvoir – ou de se débattre ! –, ne constitue pas en soi, loin de là, une idée absolument neuve. En s’appuyant sur les méthodes, les modèles et les acquis de la science contemporaine, le « tournant linguistique » de la philosophie en a cependant radicalisé le principe, ou du moins accentué l’inflexion (qui dit tournant, ne dit pas forcement rupture) :
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