Sur la rationalisation

Roberto Miguelez

Description

La raison, le rationnel, l'irrationnel : thèmes qui débordent leur site philosophique sur plusieurs domaines de la réflexion en sciences sociales et humaines. Cet ouvrage porte sur une modalité de l'agir rationnel, la rationalisation, cette tentative de nous rendre acceptables surtout en matière de moralité. Son domaine privilégié est la vie quotidienne et puisque personne n'échappe à son emprise on pourrait même se demander si l'être humain n'est pas plutôt défini comme être qui rationalise. Une telle forme de l'agir rationnel soulève pourtant nombre de questions que cet ouvrage essaie d'examiner, allant de celle du mensonge jusqu'à même celle de l'unité de l'esprit et la nature morale de l'être humain.

Sujets

• Sciences humaines et sociales
• Philosophie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 05 mars 2019
• Nombre de lectures: 5
• EAN13: 9782140115813
• Langue: Français

Extrait

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Roberto M IGUELEZ

SUR LA RATIONALISATION Essais

OUVERTURE PHILOSOPHIQUE DÉBATS

Sur la Rationalisation Essais

Ouverture philosophique Collection dirigée par Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot

Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.

Dernières parutions

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Roberto M IGUELEZ

Sur la Rationalisation Essais

© L’H ARMATTAN , 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16563-9 EAN : 9782343165639

Introduction 1 Dans notre ouvrageRationalisation et moralité, nous avons exploré une des fonctions propres de la procédure de rationalisation – sinon sa fonction primordiale -, à savoir le dépassement de la dissonance que produit l’effectuation d’une conduite au regard d’une règle qui la juge par rapport à une valeur. Nous avons réalisé cette exploration à la lumière des deux sources théoriques de la problématique de la rationalisation : la psychanalyse et la psychologie cognitive. Nous avons aussi examiné les conséquences d’une telle perspective de la rationalisation tout particulièrement pour une théorie des actions rationnelles, une théorie de l’idéologie et une conception «objectiviste» du mal. Dans cet ouvrage nous nous proposons d’élargir la problématique de la rationalisation en examinant un certain nombre de dimensions dans lesquelles celle-ci trouve sinon ses assises au moins des lieux de rapports susceptibles d’éclairer sa nature et son fonctionnement. L’intitulé «essais» vise, devons-nous le dire d’emblée, à souligner le caractère hypothétique de nombre de leurs propositions. Il s’agit donc en quelque sorte d’un exercice réflexif qui, cependant, ne se veut nullement purement spéculatif – dans le sens péjoratif du terme, c’est-à-dire allant trop au-delà de la donnée empirique ou de la consistance théorique. Nous nous permettrons dans cette Introduction de revenir sur les principes de la théorie de la rationalisation d’autojustification morale (RAM) proposée dans l’ouvrage auquel nous avons fait référence car ils dessinent le champ problématique dans lequel va s’inscrire cet exercice 2 réflexif. En d’autres termes, voici son contexte théorique : 1  Miguelez, Roberto,Rationalisation et moralité,L’Harmattan, Paris, 2011. 2 Ibid,notamment section 3.2.

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1. La RAM est une action langagière dont la forme est l’argument. Elle se veut donc conforme à la raison. 2. Le raisonnement qui constitue la RAM se propose exclusivement de justifier une action non langagière – décision, attitude, sentiment, etc. 3. Le choix de l’action non langagière que cherche à justifier la RAM présuppose un conflit réel ou possible de valeurs, d’où justement la nature morale de la justification. Ce conflit est strictement subjectif, vécu d’abord et avant tout par le sujet de la RAM. Il s’ensuit que l’orientation principale de la RAM est le sujet qui la construit : il se vise en quelque sorte lui-même. Cependant, le passage à l’acte langagier, même s’il se fait dans la solitude du monologue interne, présuppose la présence d’autrui et, par conséquent, l’attente d’une évaluation possible d’autrui. 4. À l’origine du besoin de la RAM se trouve un état psychologique d’«inconfort» provoqué par la «dissonance» entre le choix de l’action (non langagière) et une valeur. Il s’ensuit que la fonction attribuée à la RAM est la suppression ou, tout au moins, la diminution de l’«inconfort» vécu par le sujet de l’action. 5. La RAM ne comporte parmi ses prémisses que des interprétations ou des réinterprétations de faits - le conflit de valeurs qu’elle présuppose et qu’elle se propose de surmonter est donc à situer dans la proposition qui décrit l’action (non langagière) à justifier moralement.

Les examens que nous réaliserons nous permettrons aussi de revenir sur cet ensemble de propositions et, pensons-nous, de mieux saisir les enjeux qu’elles comportent. Même si la fonction d’autojustification morale de la rationalisation s’y avère toujours dominante, un tel

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examen prendra comme objet l’action langagière de rationalisation dans son sens plus général d’autojustification d’une action non langagière.

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Digression.Lors de la rédaction de ces essais H. Mercier et D. Sperber ont publié un ouvrage dont certaines de ses thèses – et parmi les principales - se rapprochent de celles que nous avons postulées à l’égard du phénomène de la 3 rationalisation . Elles expriment une position bien moins nuancée que la nôtre en y ajoutant, comme fondement, une théorie de la raison et de la rationalité qui va certainement à l’encontre de celle qui a dominé et domine encore la littérature philosophique de la problématique. Leur intérêt est donc non seulement justifié au regard de ces essais mais aussi, sans doute, par rapport à une telle problématique. Nous nous attacherons, dans ce qui suit, et ne serait-ce que comme un complément théorique de cette introduction, à une discussion de la perspective de la rationalisation ainsi fondée.

Cette théorie de la raison et de la rationalité adopte jusqu’à ses dernières conséquences une perspective cognitiviste fondée sur la primauté de mécanismes non conscients - inconscients mais dont le champ va dès lors bien au-delà de l’inconscient freudien même si c’est Freud 4 qui se trouve à l’origine d’une telle perspective . Sa notion centrale est celle d’inférence, définie comme extraction d’une nouvelle information à partir des informations déjà disponibles. Tous les systèmes cognitifs, indépendamment de leur degré évolutif sont censés pratiquer des inférences

3  Mercier, Hugo – Sperber, Dan,The Enigma of Reason,Harvard University Press, Cambridge, Mass., 2017. 4  Voir, à cet égard,The New Unconscious, ed. by R.R. Hassin, J.S.Uleman, J. A. Bargh, Oxford University Press, New York, 2005

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