Ce que dit la Bible sur l'écoute

Régine Maire

Description

L’écoute de Dieu, des autres et de soi.

Dans notre société contemporaine la parole ne manque pas, elle est même surabondante. Mais qu’en est-il de l’écoute ? Qu’en dit la Bible ? « Ecoute Israël » (Dt 6,4) est selon Jésus lui-même le premier commandement (Mc 12,29). Cet appel incessant de Dieu résonne dans toute la Bible jusqu’à la parole pressante du Père dans l’épisode de la Transfiguration. « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ». En parcourant la Bible avec l’auteur nous prenons conscience que la parole nous précède et qu’il nous faut consentir à l’écouter : la venue de Jésus est alors ouverture de nos oreilles et de nos capacités d’écoute. Nous apprenons ainsi l’écoute de Dieu, des autres et de soi. Car l’écoute est avant tout hospitalité. « Entende qui a des oreilles… » (Mt 13,9)

Au fil de cet ouvrage empli de spiritualité, parcourez la Bible avec l'auteur et prenez conscience que la parole nous précède et qu’il nous faut consentir à l’écouter.

EXTRAIT

Nous avons l’expérience aussi qu’entre le son de la voix et le discours il y a parfois une distance qui trahit l’un ou l’autre. Et c’est seulement dans le silence que nous pouvons écouter et reconnaître la voix de quelqu’un pour l’accueillir vraiment. La voix, dit Denis Vasse (7), est l’expression de la vie parce qu’elle se donne et qu’on ne peut penser la vie hors du don de soi. La voix ne prend conscience d’elle-même qu’en se donnant comme la vie. Et la voix de Dieu est silencieuse. C’est la voix d’un Dieu qui se donne à entendre dans l’acte de création, dans le silence des astres, de la lumière, de la terre, de la séparation des eaux… comme le chantent les Psaumes 19 et 103...

A PROPOS DE L'AUTEUR

Régine Maire, laïque mariée, bibliste, est engagée au service du diocèse de Lyon. Psychologue et accompagnatrice de retraites spirituelles, elle est membre de la famille ignacienne.

Informations

• Publié par: Nouvelle Cité
• Date de parution: 13 juin 2018
• Nombre de lectures: 15
• EAN13: 9782853139458
• Langue: Français

Extrait

OUVERTURE
Dans notre soci t la parole ne manque pas, elle est m me surabondante ! Notre poque serait-elle bavarde : " Paroles, paroles , chantait Dalida pour voquer cette parole sans retour. Nous sommes submerg s d une parole sans r ciprocit la t l , la radio, les haut-parleurs des lieux publics Est-ce pour cette raison que se multiplient les lieux d coute ? Que sont mises en place des " cellules d coute d s que se produit un v nement dramatique ? Comme si, pour sortir de la solitude, du malheur, du traumatisme ou simplement pour vivre, nous avions besoin d tre cout s et d avoir une r ponse.
Car l coute est comme une maison hospitali re, au double sens du mot " h te en fran ais : la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli. Si j ouvre la porte, j introduis mon h te avec tout son univers, comme moi je l accueille avec tout mon univers. Saint-Exup ry crivait avec justesse : " Je te recevrai tel que tu es. Si tu boites je ne te demanderai point de danser. J exigerai ton audience en retour ( 1 ) .
Dans la Bible, Dieu parle avec son peuple et ne cesse de lui demander de l couter. Il lui r v le que c est par l coute qu il conna tra le bonheur. Plus que cela, couter et entrer en soi-m me (s couter en quelque sorte) engendre la vie. Va vers toi, dit Dieu Abram en m me temps qu il lui demande de quitter son pays, " Va pour toi hors de ton pays , commente le ma tre juif Rachi. Il se trouve que le verbe " couter en h breu, SCHM (qui signifie aussi exaucer, ob ir), a la m me racine que SCHM qui signifie le NOM, l identit , le soi. Comme si couter (entrer en soi-m me, pr ter l oreille Dieu) tait un chemin pour construire son identit .
La parole nous engendre la vie et je n existe que par cette parole : elle me pr c de et me montre que je ne suis pas ma propre origine. Et que nous dit cette parole incarn e, J sus ? Rien d autre que ce qu il a entendu aupr s de celui qui [l] a envoy (Jn 8,26). Quel tonnement : Dieu se manifeste par ce qui fait l humain : le langage. J en suis blouie. Le livre de la Gen se nous dit que par sa parole Dieu cr a l univers, l homme et la femme. Et le petit d homme s humanise en coutant et en prenant son tour la parole. Cette marque de l humain serait aussi divine !
couter s apprend. Certes il faut du go t pour cela mais il faut galement se laisser fa onner l oreille. J ai moi-m me beaucoup appris dans ma formation et ma pratique de th rapeute mais mon oreille s est creus e dans l exercice de l accompagnement spirituel, dans l coute de mes propres motions, dans l attention l criture et aux signes de l Esprit activement pr sent dans la relation. Je suis pass e de l coute " flottante ou l coute de simple reformulation si fort recommand e par certains l coute qui est rencontre, engagement dans la relation, r ponse.
C est sans doute ce qui m a motiv e pour " tirer ce fil dans les critures o se tissent coute et parole. coute-moi, s crie le psalmiste, coute, Isra l, ne cesse de r p ter Dieu son peuple. L un et l autre se r pondent.
Qui est ce Dieu qui nous parle ? Qui est l homme biblique qui il s adresse ? Quelle est cette relation dans laquelle nous sommes invit s entrer sans peur ? C est ce trajet de la parole et de l coute que nous trace le r cit biblique.

( 1 ) Antoine DE S AINT -E XUP RY , Citadelle, Paris, Gallimard, 1956, p. 508.
- 1 - QUI ME DONNERA QUELQU UN QUI M COUTE ?
Quel don pr cieux que l coute dans notre monde. Qu en dit la Bible ? Certains personnages bibliques se sont-ils plaints eux aussi d un manque d coute ?
Oui, bien s r. Pensons Job qui s crit : Qui me donnera quelqu un qui m coute ? (Jb 31,35). Job repr sente bien plus que lui et son histoire, celle d un homme int gre et droit (1,1), combl , qui voit s abattre sur lui preuves et souffrances terribles. Fid le son Dieu, il va tenir bon dans le malheur, estimant que bonheur et malheur doivent tre re us comme don de Dieu :
(Job 1) 21 Le S EIGNEUR a donn , le S EIGNEUR a t : Que le nom du S EIGNEUR soit b ni !
La suite du r cit fait intervenir longuement trois amis de Job venus " le consoler , puis un quatri me : ils essaient travers de longs discours de lui faire entendre que s il tait " juste , les malheurs n auraient pas fondu ainsi sur lui car quel innocent a jamais p ri ? (Jb 4,7). Job de son c t a aussi beaucoup parl , pour affirmer son innocence ou montrer l arbitraire de la vie.
Pourtant aucun dialogue ne s est nou vraiment entre l homme prouv et les sages enferm s dans leur savoir sur Dieu et sa justice.
En quelque sorte ils sont venus pour interroger Job sans le rencontrer car leur coute est bavarde. Bavarde, car ils sont enferm s dans leurs certitudes et leurs r ponses sont pr tes sur leurs l vres. Peut- tre aussi parce qu ils ne pouvaient supporter l angoisse et le questionnement de Job. Nous sommes ainsi parfois : devant l ami qui attend une parole nous voquons notre exp rience, notre v cu, nous prodiguons conseils ou exhortations trang res l attente de l autre. Paroles vaines, comme dit le psaume (2,1) que reprendra Matthieu (12,36) : Je vous le dis : les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole vaine qu ils auront prof r e .
Pauvre Job, il n a pas besoin de a dans sa grande d tresse !
Job en est exacerb et nous l entendons s crier :
(Job 21) 2 coutez, coutez mes paroles .
C est ainsi que vous me consolerez .
3 Supportez-moi, et moi je parlerai .
Il n en peut plus de n tre pas entendu ! Que de fois nos oreilles se bouchent quand la parole nous d range : fa on de se prot ger ou de se donner bonne contenance en ass nant un discours " hors sujet nos interlocuteurs. Alors nous ressemblons aux amis de Job qu il traite ainsi :
(Job 13) 4 Quant vous, pl triers de mensonge, vous n tes tous que des gu risseurs de n ant .
5 Qui vous r duira une bonne fois au silence ? Cela vous servirait de sagesse .
Il ne reste Job que Dieu qui puisse l entendre. L coutera-t-il ?
(Job 13) 3 Mais moi, c est au Puissant que je vais parler, c est contre Dieu que je veux me d fendre .
Alors le Seigneur va parler car il a cout Job. Cela va nous donner quelques-unes des plus belles pages de la Bible. tonnamment Dieu va parler Job (ce non-juif) dans le fracas (nous sommes loin du fin silence dans lequel il viendra rencontrer le proph te lie en 1 R 19,13).
(Job 38) 1 Le S EIGNEUR r pondit alors Job du sein de l ouragan et dit :
2 Qui est celui qui obscurcit mon projet par des discours insens s ?
3 Ceins donc tes reins, comme un brave : je vais t interroger et tu m instruiras .
Job se sent enfin cout par quelqu un qui va se placer son niveau et face ce qu il sait de Dieu : Cr ateur et Cr ateur tout-puissant.
Alphonse Maillot ( 2 ) fait justement remarquer que Dieu r pond en deux discours. Le premier va d ployer toute la splendeur de la cr ation et de son myst re qui d passe l homme tandis que le second est surtout consacr aux " horreurs (en particulier en r f rence la mythologie gyptienne) contenues dans la cr ation : la B te (40,15) et le L viathan (40,25), le Dragon. Ce Dieu assume les " loup s ou les causes mythologiques du mal et surtout il montre bien que l homme est impuissant devant ces deux " cr atures .
C est une r ponse la hauteur des interrogations de Job : d monstration de puissance mais qui permet d interroger Job : O est-ce que tu tais quand je fondai la terre ? Dis-le-moi puisque tu es si savant (38,3-4), interrogation qui va se r p ter au long des chapitres 38 et 39 jusqu la r plique de Job :
(Job 40) 4 Je ne fais pas le poids, que te r pliquerai-je ? Je mets la main sur ma bouche .
5 J ai parl une fois, je ne r pondrai plus, deux fois, je n ajouterai rien .
Job reconna t devant ce Dieu clatant de splendeur qu il a parl bien l g rement. La parole de Dieu l a rejoint au plus profond et provoque un retournement :
(Job 42) 3 Eh oui ! j ai abord , sans le savoir, des myst res qui me confondent .
4 " coute-moi , disais-je, " moi la parole, je vais t interroger et tu m instruiras.
5 Je ne te connaissais que par ou -dire, maintenant, mes yeux t ont vu .
6 Aussi, j ai horreur de moi et je me d savoue sur la poussi re et sur la cendre .
Job renie les discours o il a parl sans savoir de merveilles qu il ignorait. Mais Dieu l a cout et son tour Job coute et est bloui. Dieu a fait de Job un interlocuteur dans un dialogue qui est pr sence. L o Job attendait une r ponse il est provoqu la parole, une parole qui engage chacun.
Alphonse Maillot fait encore une remarque int ressante pour notre propos : c est ce que Job a VU qui l illumine en bon pa en qu il est, alors que le juif fid le est transform par ce qu il ENTEND : Et le S EIGNEUR vous a parl du milieu du feu : une voix parlait, et vous l entendiez, mais vous n aperceviez aucune forme, il n y avait rien d autre que la voix (Dt 4,12). Au point que cela deviendra un commandement : coute, Isra l (Dt 4,1 ; 5,1 ; 6,4) comme si coute et ob issance taient un tout, comme si la foi passait par l oreille.
Toute l histoire d Isra l en t moigne : Dieu n impose pas un message mais se r v le peu peu jusqu au moment o il peut parler face face.
Comme sur le chemin d Emma s o J sus ressuscit ne s impose pas aux disciples plor s. Il les coute avec patience .
Oui, nous trouvons ce beau passage dans l vangile de Luc (24,13 s.). Il se situe apr s la mort de J sus, deux disciples tournent le dos J rusalem au d clin du jour pour aller vers Emma s. Ils sont sans doute d sempar s, d us car la mort de J sus a bris leur esp rance. Ils sont comme vides et tristes mais ils marchent et parlent entre eux. On peut penser que leur parole tourne en boucle en se racontant tous les v nements de J rusalem Pourtant Luc nous laisse entendre qu ils