La lecture à portée de main
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Description
Informations
Publié par | Nouvelle Cité |
Date de parution | 13 juin 2018 |
Nombre de lectures | 4 |
EAN13 | 9782375821961 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0035€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
PROLOGUE
Avec la tendresse, il ne faut surtout pas trop sentimentaliser ! La tendresse n est pas une posture kitsch un peu " fleur bleue . Pas davantage un petit smiley appropri une meilleure communication, un habillage sucr et superficiel pour enjoliver les relations humaines. La vraie tendresse n est jamais pusillanime, elle est au contraire le fruit d une grande force int rieure. C est une exigence plus souvent qu une facilit . La tendresse v ritable reste en v rit un myst re. Disposition naturelle ? Don de Dieu ? Sagesse humaine qui vient avec les ann es ? Sur le visage, dans les mots, elle est ce qui affleure du c ur profond, discr te piphanie d une grande bont l intime de l homme. Sans doute proc de-t-elle aussi d une grande esp rance. Shakespeare parlait du " lait de la tendresse humaine . Comme le lait d une terre promise, elle est faite pour tre vers e et pour se d verser. Mais, comme tant de choses humaines, elle ne se comprend bien qu en Dieu, en qui elle a son mod le et sa source.
De livres en livres, le Dieu biblique se r v le et nous laisse progressivement explorer son nom. Et la Bible n a peut- tre qu une chose nous dire : nous familiariser avec un Dieu de tendresse, nous faire approcher de ce visage-l et peu peu nous le d voiler. Car la tendresse de Dieu peut d router. Par pudeur, celui qui se d clare tre un Dieu de tendresse et de piti n abuse d ailleurs jamais du mot. Il en est m me avare, n exag re jamais sa prononciation. Sur des centaines et des centaines de pages, seules quelques occurrences explicites du mot ! Si on ne la trouve pas chaque page, elle est partout cependant, entre les lignes, comme un filigrane implicite. Car la tendresse de Dieu est davantage une question d intonation : une inflexion particuli re de la voix. Quelque chose qui est en dessous des mots, les pr c de, souvent les inspire et les porte secr tement. Pour emprunter une expression l crivain Nathalie Sarraute, on pourrait dire que la tendresse est chez Dieu un tropisme fondamental de sa relation avec les hommes. Mais pour l entendre, il faut de l oreille !
La manifestation de sa tendresse est essentielle l Alliance que Dieu veut sceller avec les hommes. Elle reste pourtant un myst re, li au grand myst re de son amour. Pour une travers e biblique, la tendresse est donc plus qu un th me pertinent ou un bon fil rouge. Jamais tapageuse, la tendresse est de l ordre de la confidence : la confidence m me que Dieu veut nous faire sur lui ! C est elle aussi qu il nous appelle, quelque chose qui est bien plus qu un sentiment. La Bible est un peu comme un magnifique collier fait de tr s belles perles. Mais comme dans tout collier, c est le fil qui compte ! Il se pourrait bien que la tendresse de Dieu soit ce fil invisible !
- 1 - C EST LA TENDRESSE DE DIEU QUI EST ORIGINELLE
Si le mot " tendresse est assez rare dans la Bible, ses manifestations en revanche sont nombreuses. Mais ne sont-elles pas plut t le privil ge du Nouveau Testament ? Est-ce seulement le Christ qui viendrait enfin manifester la tendresse de Dieu ?
Il faut toujours se garder d opposer l Ancien et le Nouveau Testament, surtout avec cette id e que l Ancien Testament nous parle du Dieu de la Loi et le Nouveau du Dieu de l amour. Que le Christ viendrait un jour pour r v ler l amour, presque corriger les exc s d un Dieu vengeur, d un Dieu exigeant, capable de col res et terrible dans sa toute-puissance. Fondamentalement, Dieu est Un, il est le m me des premi res lignes de la Bible ses derni res, son dessein d amour se d ploie au long de l histoire humaine et il n a pas chang avec le temps. C est simplement l intelligence que les hommes ont de lui qui s affine avec les si cles, et lui aussi qui s engage de plus en plus, p dagogiquement pourrait-on dire, mesure que l humanit avance en ge et dans son histoire ; lui qui r v le plus intimement aux hommes son vrai visage. Mais il est tendre, du d but la fin si j ose dire ! Les hommes ont seulement besoin de temps pour le concevoir, et finalement pour l admettre. Car un Dieu tendre, cela bouleverse un peu la petite id e qu on aime se faire de lui. On pr f re l assigner une toute-puissance jupit rienne, et un r le de Juge plus classique, commun bien des religions. Mais le Dieu de la Bible est autre
Dieu manifeste alors sa tendresse d s l Ancien Testament ?
M me d s la Gen se ! On a fini par croire que c est le p ch qui est originel, tant on a insist sur la culpabilit de l homme, et sur la mal diction qui a suivi, alors que le p ch dit originel, en un sens, n est qu un accident dans l histoire humaine. Il n est pas premier. L histoire ne commence pas avec lui ! En revanche, la tendresse de Dieu, elle, se devine d s l origine, c est plut t elle qui est originelle. Ainsi, avant m me la cr ation, " la terre tait d serte et vide et la t n bre la surface de l ab me ; le souffle de Dieu planait la surface des eaux (Gn 1,2). On a beaucoup comment ce " souffle de Dieu qui plane , ce souffle qu il va ensuite insuffler dans les narines d Adam. La th ologie a raison d y voir une possible inscription, discr te, de l Esprit de Dieu, l Esprit Saint, comme d j pr t se r pandre sur les largeurs du monde. Quelque chose de myst rieusement dynamique, d intens ment pr sent, qui contient en creux, en puissance, toute la circulation d amour entre les personnes de la Trinit . En tout cas, l expression simple et imag e d une intentionnalit l gard de ce monde cr er, d un d sir, d un lan d amour d j , en puissance. C est la tendresse de Dieu qui semble se cacher dans ce souffle, qui n est pas d abord du vent, pire du vide, une simple r alit physique en somme, purement contingente. Ce " souffle est l image de Dieu lui-m me, de son engagement latent, de sa tendresse encore toute repli e sur elle-m me. Il faudra des centaines de pages la Bible pour d plier toutes les harmoniques de ce qui est secr tement contenu dans ce petit mot inaugural, o vibre une tendresse qui la cl donne la note. En outre, ce souffle de Dieu ne " plane pas sur les eaux la mani re d un drone ! " Planer , c est ici, sur les grandes largeurs d un monde venir, d ployer de l amour, en attente. D s les toutes premi res lignes de la Bible, on pressent ainsi la tendresse de Dieu qui d j recouvre originellement le monde et enveloppe toute chose de son v tement de douceur aimante.
Et dans la cr ation du monde ?
Significativement, en son seuil, la Bible propose deux r cits de la cr ation, assez contradictoires selon la fa on dont les choses se sont pass es mais tr s compl mentaires pour nous livrer ce que Dieu a en t te, et surtout dans le c ur. Deux r cits qui exhibent ainsi leur contradiction, comme pour exiger une interpr tation fine, une coute attentive, plut t qu une lecture litt rale voire fondamentaliste.
Dans le premier r cit, l homme est cr le sixi me jour, pour couronner la cr ation. Dans ce premier r cit, en filigrane, on voit bien la tendresse de Dieu qui affleure dans la fa on dont Dieu, pour la cr ation de l homme, se parle soudain lui-m me. Un bel imp ratif la premi re personne du pluriel (" Faisons l homme notre image ) tranche avec les cinq paroles cr atrices pr c dentes, marqu es par la m me tournure (" Que la lumi re soit ). On a souvent interpr t le surgissement de ce pluriel comme une pr sence cach e de la Trinit . On y voit encore, autre belle interpr tation, une invitation originelle associer l homme lui-m me l accomplissement de sa propre cr ation, en devenir, le responsabiliser : discr te pr figuration de l alliance entre Dieu et les hommes. Ce qui est s r, c est que pour la cr ation de l homme, Dieu semble quitter sa posture de toute-puissance, de thaumaturge, chercher soudain comme le ton d une confidence, la manifestation peine retenue qu il se passe l quelque chose d autre. On n est plus dans une parole de cr ation pure (" Que la lumi re soit ), on entre dans l intimit d une r solution, qui garderait trace d une quasi- motion, d un moment de suspens dans l ordonnancement des actes cr ateurs, pour consid rer et r v ler un engagement personnel, un lien particulier avec celui qu il cr e, point d orgue de toute la cr ation.
Et pourquoi un deuxi me r cit et en quoi diff re-t-il ? Que laisse-t-il deviner de la tendresse de Dieu ?
Dans le second r cit, la cr ation de l homme n arrive pas au terme de la semaine mais d embl e ; elle a lieu, sinon le premier jour, du moins " le jour o le S EIGNEUR fit la terre et le ciel (Gn 2,4). Contradiction apparente avec le premier r cit ! Une lecture r aliste qui chercherait le r cit du d roulement exact des faits dirait : il faut savoir ! Le premier ou le dernier jour ? S il appartient aux scientifiques de d crire scientifiquement la cr ation du monde (comment les choses se sont-elles pass es ?), il appartient en revanche la Bible de nous r v ler leur pourquoi. Que l homme soit cr le premier et le dernier jour, c est contradictoire du point de vue du " comment , mais pas du point de vue du " pourquoi . Dans le c ur de Dieu, l homme est au centre de projet, il en est donc le point de d part et le terme ; il n est ainsi pas qu un l ment, parmi d autres, du cosmos. Il faut deux r cits, comme en st r o, pour bien faire entendre cela. Comme ce souffle de Dieu qui planait sur les eaux, Dieu " couve son id e, et laisse ici entendre avec quelle tendresse il place l homme au milieu d une cr ation tout enti re ordonn e sa croissance.
Le deuxi me r cit est assez bouleversant et on l oublie parfois, au b n fice du premier. Le premier r cit est en v rit assez conforme beaucoup de cosmogonies de l poque. On y voit l uvre la toute-puissance cr atrice de Dieu, la force de sa parole pour appeler l tre les composantes du monde. Sans surprise, Dieu s y montre thaumaturge comme le sont les dieux de toutes les mythologies, c est- -dire capable de faire des choses spectaculaires, surnatu