Double appartenance religieuse des chrétiens africains ?
320 pages
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Double appartenance religieuse des chrétiens africains ? , livre ebook

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Description

Cet ouvrage vise à reformuler la question de l'identité chrétienne africaine dans un contexte où la conscience de la pluralité des religions existe de facto. La réflexion s'arrête sur le rapport entre le christianisme et la culture africaine. Elle s'articule essentiellement sur la compénétration réciproque entre l'Evangile du Christ et la terre africaine.

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Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 252
EAN13 9782296445260
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

Double appartenance religieuse des chrétiens africains?
Inculturation et Pluralité religieuse
Préface de A. Ngindu Mushete Postface de Kumbu ki Kumbu Eleuthère
MAFUTA Didier
Kiyungu
Double appartenancereligieuse deschrétiensafricains?
InculturationetPluralitéreligieuse
LHarmattan
© L’Harmattan, 201057, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Parishttp ://www.librairieharmattan.comdiffusion.harmattan@wanado.frharmattan1@wanadoo.frISBN : 9782296104631  EAN : 9782296104631
Préface
Après avoir longuement réfléchi sur les problèmes d’évangélisation en liaison avec les travaux du Synode des évêques de 1974, consacré à l’évangélisation du monde contemporain, les évêques catholiques d’Afrique et de Madagascar présents à ce Synode déclarent notamment : «Toute action pour construire nos Eglises doit s’opérer en référence constante à la vie de nos communautés. C’est à partir de nos communautés que nous apporterons au rendezvous de la catholicité, non seulement nos expériences culturelles et artistiques spécifiques, mais une pensée théologique propre qui s’efforce de répondre aux questions posées par nos divers contextes historiques et par l’évolution actuelle de nos sociétés, une pensée théologique à la fois fidèle à la tradition authentique de l’Eglise, attentive à la vie de nos communautés chrétiennes et respectueuses de nos 1 traditions, de nos langues, c’estàdire de nos philosophies» . Dans cette conception de l’évangélisation, les évêques d’Afrique et de Madagascar «considèrent comme tout à fait dépassée une certaine théologie de l’adaptation en faveur d’une théologie de l’incarnation. Les jeunes Eglises d’Afrique et de Madagascar ne peuvent se dérober à cette exigence fondamentale. Admettant effectivement le pluralisme théologique dans l’unité de la foi, elles doivent encourager, par tous les moyens, la recherche théologique africaine. Une théologie africaine ouverte aux aspirations fondamentales des peuples africains amène le christianisme à 2 s’incarner efficacement dans la vie des peuples du continent noir» . e Ces idées ont été reprises et poussées, en 1975, par la IV assemblée générale du Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM en sigles), réunis à Rome, sur le thème de 3 l’inculturation . Parmi les recommandations finales, on retient celleci : «On recommande que l’épiscopat d’Afrique considère et traite de 4 l’indigénisation,c’estàdire de l’incarnation du message du Christ,
1  Voir la déclaration intitulée : «Promouvoir l’évangélisation dans la coresponsabilité». Texte original inLa Documentation Catholique, n. 1664 (1974), p. 995. 2  «Promouvoir l’évangélisation dans la coresponsabilité», inLa DC, n. 1664 (1974), p. 995. 3 C’est la première fois que le terme « inculturation » apparaît dans un texte de l’épiscopat africain. 4 Terme utilisé de préférence par les évêques anglophones, dans le sens d’une inculturation efficace ou inculturation en profondeur. 5
comme d’un problème essentiel à l’évangélisation du continent, comme elle est d’ailleurs essentielle à l’évangélisation de n’importe quelle partie du monde. C’est seulement par une indigénisation effective que la religion 5 chrétienne peut réaliser sa prétention d’être une religion universelle» .
Mgr Tshibangu, l’un des grands ancêtres de la « Théologie africaine», communie intensément à ces idées. Dans une communication sur les responsabilités des théologiens africains, il déclarait en 1980 : «Nous nous trouvons aujourd’hui à l’heure de l’incarnation profonde du christianisme en Afrique. L’étape vécue par notre actuelle génération, si brève soitelle, ne représentant que quelques décennies, est fondamentale et capitale pour l’enracinement spécifique, et, espéronsle, définitif de l’Eglise chrétienne en Afrique. Si nous manquons à notre devoir, c’est l’avenir d’un christianisme profond, étendu et épanoui qui peut être compromis pour des siècles». Et d’ajouter : «Nous ne sommes qu’un début de la formation de 6 l’Eglise africaine. Comme l’a bien déclaré récemment un évêque africainpar analogie à la situation historique des débuts de l’Eglise du Christ en Afrique. Une Eglise à établir fermement tant sur le plan institutionnel que 7 sur le plan doctrinal» .
Les textes que nous venons de citer expriment le pathétique, la gravité, la complexité et la signification historique du mouvement théologique africain qui, abstraction faite de sa valeur intrinsèque et de ses développements futurs, représente aujourd’hui, un phénomène culturel et 8 ecclésial de grande importance. Plusieurs ouvrages de valeur , de nombreux 9 10 articles de revue , d’idées et de formules s’emparent des esprits et manifestent un mouvement dont l’ampleur va croissant.
5 Cité par A. NGINDUMUSHETE,Les thèmes majeurs de la théologie africaine, Paris 1982, p. 8. 6 Il s’agissait du cardinal JosephAlbert Malula. 7 Cité par A. NGINDUMUSHETE,Les thèmes majeurs de la théologie africaine, p. 8. 8 e  Citons quelques titres suggestifs :Des prêtres noirs s’interrogentéd., Paris 1956 ; 2 e 1957 ; 3 éd. 2006 ; M. HEBGA,Essai sur l’être postmissionnaire; O., Paris 1976 BIMWENYIK.,Discours théologique négroafricain. Problème de fondements, Paris 1981 ; F. EBOUSSIBOULAGA,Christianisme sans fétiche. Révélation et domination;, Paris 1981 A.T. SANONet R. LUNEAU,Enraciner l’évangile. Initiations africaines et pédagogie de la foi, Paris 1982 ; A. NGINDUMUSHETE,Les thèmes majeurs de la théologie africaine, Paris 1989 ; L. MUSEKANTUMBA,Nomination africaine de Jésus. Quelle christologie ? LouvainLaNeuve, 1988. 9 Voir notamment les différentes livraisons deBulletin de Théologie Africaine6
C’est dire combien j’apprécie l’honneur d’avoir à présenter au public l’ouvrage du Père Didier Mafuta, qui constitue une contribution de valeur à la réhabilitation de l’univers culturel africain. Univers dont les théologiens d’aujourd’hui ont beaucoup à apprendre. Beaucoup à apprendre en scrutant les valeurs spirituelles qu’il véhicule et exprime dans la vie quotidienne des chrétiens africains. Beaucoup à apprendre en s’inspirant de sa vitalité pour l’élaboration d’une théologie africaine digne de ce nom, une théologie africaine qui donne au substantif (théologie) comme au qualificatif (africain) tout leur poids, toute leur consistance, toute leur valeur, tout en assurant au qualificatif africain un sens déterminé et déterminant, non seulement matériellement et extrinsèquement (adaptation et concordisme), mais formellement et intrinsèquement (incarnation efficace, inculturation en 11 profondeur et libération) . Assurément, comme toute œuvre humaine, celle de Didier Mafuta est une œuvre datée et sa problématique, comme celle de la plupart des e penseurs chrétiens de sa génération est celle de la deuxième moitié du XX siècle, c’estàdire de l’après Concile Vatican II, mais le jeune chercheur a bien perçu avant la plupart des théologiens de sa génération des problèmes qui sont nos problèmes essentiels d’aujourd’hui et il en a amorcé la solution dans une voie qui a suscité de violentes réactions il y a quarante ans mais qui apparaît de plus en plus à l’heure actuelle comme la bonne voie, celle où 12 il faut continuer à avancer pour essayer d’y répondre de manière adéquate . Après avoir caractérisé avec pertinence le défi de la diversité 13 insurmontable des cultures, des civilisations et des religions que certains
10  Comme celle fameuse de Paul VI : « Vous (africains), vous pouvez et vous devez avoir un christianisme africain ». 11  Sur les défis actuels de l’inculturation, lire notre contribution : «L’inculturation du christianisme comme problème théologique», in A. NGINDUMUSHETE(éd.),Combats pour un christianisme africain. Mélange en l’honneur du Professeur V. Mulago, Kinshasa 1981, pp. 919. 12  Voir notre étude :Recherche théologique africaine et historicité. Du paradigme identitaire au paradigme éthique, in Collectif,Philosophie et Théologie en Afrique à l’ère e de la mondialisation. Actes des XII Journées Scientifiques de l’Université Saint Augustin de Kinshasa, Kinshasa 2009, pp. 3776. 13  Nous sommes revenu à plusieurs reprises sur cette question qui est au centre de toutes nos recherches et publication. Voir notamment : «Unité et pluralité de la théologie», in Revue du Clergé Africain, n. 6 (1967), pp. 593615. 7
14 aujourd’hui considèrent comme le nouveau,locus theologicus  l’auteur dégage de manière claire et pénétrante les récentes approches en théologie chrétienne des religions : qu’il s’agisse de la christologie métaphysique et fantaisiste d’un J. Hick (pp. 7580) ; du pluralisme inclusif d’un J. Dupuis (pp. 8096)ou d’un christocentrisme constitutif d’un Cl. Geffré (pp. 8688). L’auteur garde sa distance avec chacun de ces auteurs. Il ne peut être qualifié de disciple de quelqu’un. La sympathie qu’il ressent pour les deux derniers ne l’empêche pas de relever à l’occasion certaines de leurs limites, il aurait pu le faire davantage. Par ailleurs, il excelle à dégager l’intuition positive du Concile Vatican II qui propose et impose un nouveau regard sur les autres religions.La Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes (Nostra aetate) est toujours citée comme l’expression parfaitement significative du regard positif de l’Eglise catholique sur les autres. Ici, les autres croyants ne sont plus voués au feu de l’enfer, mais peuvent certainement être sauvés par le Christ dans la mesure où ils suivent la voix de leur conscience. Chose digne de remarque, le Concile admet officiellement dans les autres religions du monde la présence 15 du «rayon de la Vérité qui éclaire tout homme.» (NA 23) Créatif et laborieux, l’ouvrage évoque un dépassement des anciens paradigmes interprétatifs de la pluralité religieuse et propose «le plan unitaire de Dieu sur le monde». Didier Mafuta est de ceux qui rejettent la thèse moderne d’un pluralisme radical (p. 15). Une chose mérite d’être soulignée et retenue dans cette première partie de l’ouvrage du théologien congolais : tel qu’il est perçu et analysé ici, le problème du dialogue interreligieux soulève une question plus centrale et plus englobante. Il s’agit de lavexata quaestiode la connaissance religieuse sous ses divers aspects : nature et signification de la Révélation divine en JésusChrist (Fides quae creditur) ; nature et signification de la foi des hommes qui y répond (Fides qua creditur) ; valeur et validité des formules dogmatiques qui l’énoncent ; nature et méthodes de la théologie qui tente, provisoirement, d’en fixer le contenu ; enfin last but not least16 nature et signification de l’Eglise qui en est dépositaire .
14  A. PEELMAN,Le salut comme drame trinitaire. La Theodramatik de Hans Urs von Balthasar, Montréal 2002, 304305. 15 Voir aussiLumen Gentium17,Ad Gentes divinitus11 et 22. 16 Sur cette grave question doctrinale, nous nous permettons de renvoyer à nos travaux sur le problème de la connaissance religieuse dans la crise moderniste : A. NGINDUMUSHETE, 8
Les considérations développées dans la deuxième partie De la Religion Traditionnelle Africaine nous mènent à reconsidérer le (RTA) «qua africanum» qui est doté de sa propre particularité croyante. S’agissant de la RTA, l’auteur fait montre d’un optimisme vigoureux : l’identité religieuse africaine est pour lui une vérité de fait. Et cette reconnaissance fait de l’Africain et de son monde un partenaire obligé du 17 dialogue. Leguide du dialogue avec l’Afriquen’avait pas craint de parler de «la Rédemption à l’œuvre dans les religions africaines». Le texte explicite : «Les religions africaines ont été et sont encore nécessaires, car sans elles il n’y aurait pas ces locuteurs chrétiens, cet homme religieux que nous pouvons rencontrer aujourd’hui. De même que la religion de Babylone avait été pédagogue pour Abraham, en le préparant à être le serviteur de Dieu, tout en étant finalement dépassée pour lui permettre d’accomplir sa destinée providentielle, de même les religions africaines ont été et sont encore pédagogues pour préparer les voies au Christ» (pp. 1617). Notre auteur affirme que l’annonce du Christ ne cause aucun tort aux peuples 18 africains. Bien au contraire, elle les accomplit . Pour notre auteur, la RTA est incontestablement une valeur de culture et de civilisation. Pour la connaître vraiment, il faut s’initier à la géographie comme lieu privilégié de la destinée humaine (cosmologie), au patrimoine symbolique, mythique et rituel, et aux éléments anthropologiques sous bonne garde des maîtres incontestés que sont notamment les ancêtres et les aînés de la tradition. Autant d’éléments qui constituent, à n’en pas douter, l’épine dorsale de la culture africaine, son capital religieux et sacré, «les cathédrales élémentaires et rudimentaires» 19 de sa liturgie (p. 119), «poussières cosmiques et atomes de Dieu» . Après le Secrétariat pour les non chrétiens, l’actuel Conseil pour le dialogue interreligieux, l’auteur reconnaît la RTA comme un authentique
Le problème de la connaissance religieuse d’après Lucien Laberthonnière, Kinshasa 1978, 405 p. 17  Voir SECRETARIATUS PRO NONCHRISTIANIS,A la rencontre des religions africaines, MilanoRoma 1969. 18  Sur les rapports entre christianisme et religion africaine, trois textes intéressants : 1. Religions Africaines et christianisme, Publications du Centre d’Etudes des Religions, vol. 2, Kinshasa 1978 ; 2.L’Afrique est ses formes de vie spirituelle, Actes du deuxième colloque international de Kinshasa, Kinshasa 1983 ; 3.Médiations africaines du sacré. Célébrations créatrices et langage religieux, Kinshasa 1986. 19 Cfr J. GUITTONet alii,Dieu et la science, Paris 1991, p. 172. 9
patrimoine de l’humanité. Le texte du Secrétariat pour les non chrétiens est vigoureux et optimiste : «Les religions africaines appartiennent à l’humanité. Et non seulement en tant que patrimoine spirituel développé par le génie des populations de ce continent au cours de son histoire harcelée par de cruelles alternatives, mais en tant que manifestation éclatante d’un apanage religieux inhérent à la nature humaine» (p. 120). L’auteur commente : «Il n’est plus question d’une religion tribale, renfermée dans le ghetto de ses héros» (p. 120). Le jeune théologien africain a renouvelé et revigoré notre confiance en la vitalité permanente de la RTA. Elle vit toujours et continue à jouer, dans la vie de nos peuples un rôle de première importance. La RTA mérite d’être mieux connue : elle a des écoles d’ascèse par ses systèmes initiatiques, elle a des écoles de spiritualité et de vie mystique intense. Elle a ses couvents, ses règles monastiques, ses traditions de vie communautaire. Malgré l’expérience coloniale et son système de dépersonnalisation, d’étouffement et d’anéantissement culturel, les cultures africaines et la RTA gardent une grande part de leur vitalité. Cette vitalité s’exprime notamment par le renouveau des langues africaines, des arts plastiques, de la danse, de la musique et de la littérature, aussi bien en Afrique que parmi les communautés africaines de la diaspora. Cette vitalité s’exprime aussi avec succès dans des techniques et formes nouvelles, comme le cinéma, la télévision et les églises indépendantes ou populaires. Elle enrichit l’apport de l’Afrique dans le domaine des sciences humaines (anthropologie, philosophie, parapsychologie…), de la médecine (pharmacopée et médecine traditionnelle) et de l’expérience spirituelle de l’humanité. C’est encore cette vitalité culturelle et religieuse qui est le plus grand soutien des peuples négroafricains dans leur lutte pour la libération totale et pour l’édification d’une société à la hauteur des problèmes de notre temps. La RTA est perçue et analysée avec compétence et hauteur de vue. Contrairement aux affirmations fantaisistes de certains africains, chantres de l’indifférence religieuse et de l’incroyance en Afrique, l’auteur fait sienne, passionnément, la thèse de A. Hampate Ba selon laquelle «l’homme noir est un croyant né» (p. 106) Pour le théologien congolais, la RTA affiche un profil à plusieurs facettes, mais ordonnées à partir de certains éléments caractéristiques, tels que la symbolique africaine, le capital humain, l’ouverture à la transcendance et au monde des ancêtres. Didier Mafuta conclut sa laborieuse description de la RTA en répétant, à la suite duGuide du 10
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